Projeté à l’édition 2025 du Festival International du Film de Rotterdam, Bury Us in a Lone Desert, long-métrage de 62 minutes du réalisateur vietnamien Nguyễn Lê Hoàng Phúc, réalisé après 2 courts-métrages, est le fruit d’une cinéphilie sincère de son auteur, teinté d’un regard profondément chaleureux sur l’être humain.
Un voleur pénètre tout de noir vêtu, le visage dissimulé, dans l’habitat d’un vieil homme – ce dernier l’assomme avant qu’il n’ait commis son méfait. Après l’avoir remis sur pied, le senior demande alors au jeune homme de l’aider à accomplir son ultime dessein : l’enterrer avec sa femme, décédée il y a 10 ans et dont le corps est conservé au domicile, une fois qu’il aura mis fin à ses jours. Entre ce voleur au cœur tendre et son ainé se met en place une complicité étonnante.
Bury Us in a Lone Desert est un film traversé de multiples influences revendiquées par son auteur. Le premier élément frappant aux yeux des spectateurs est le format d’image en cercle, type de plan rarissime exploité à notre connaissance dans la longueur d’un métrage uniquement par Feng Xiaogang avec I am not Madame Bovary en 2017. Nguyễn Lê Hoàng Phúc évoque l’idée d’un point de vue resserré sur les protagonistes. Le plan circulaire n’est pas le format unique du film, mais il investit sa longue introduction, une introduction très plastique avec un étalonnage bleu et ocre raffiné à l’intérieur du cercle pendant la scène de cambriolage, qui permet aux spectateur de se plonger dans un récit à la lisière de l’onirisme, en tout cas dans une certaine fantaisie qui ravit autant les yeux que l’âme ou le cœur. Car la finesse de ces plans amèneront vers une intrigue des plus chaleureuses, une amitié franche et inattendue. La seconde influence revendiquée du réalisateur est celle des westerns et plus spécifiquement des westerns spaghettis : il affectionne le cinéma de Sergio Leone et souligne se sentir à l’aise dans les décors de déserts. D’où ce titre anglais, à la fois hommage à Johnny Cash et symbole personnel de l’attrait du cinéaste pour ce décor qui lui apporte la tranquillité. Le désert intervient lui dans la dernière partie du film, au moment justement où le format en cercle s’étend, de la plus belle des manières, pour magnifier ces dunes orangées. Le bleu-nuit et ocre entouré de noir du début se mue en vagues oranges, blanches et bleues clair (pour le ciel), soit une poésie des couleurs, un assemblage sophistiqué qui donne au film une patine singulière et ravissante.
Les qualités du film ne se limitent pas à son aspect visuel séduisant, hérité de la cinéphilie de son réalisateur. La relation entre les deux personnages offre à Bury Us in a Lone Desert un beau tandem, mieux écrit qu’on ne pourrait l’imaginer au premier abord. On pourrait en effet objecter, une heure de film oblige, que le pacte entre ces deux originaux n’a pas nécessité de grandes discussions, alors que tout les oppose a priori. Bury Us in a Lone Desert est de ces films francs, honnête, naïf (dans le bon sens du terme !) qui ne s’encombre pas de constructions de personnages trop inutilement complexes. L’un et l’autre se font confiance et ensemble dirigés vers le même but, ils font montre d’empathie l’un envers l’autre, comme si l’amitié entre les être humains est affaire d’évidence. Peut-être inconsciemment, Nguyễn Lê Hoàng Phúc donne à ses spectateurs de quoi sourire et retrouver foi en l’âme humaine. Il ne la scrute pas trop profondément tel un psychanalyste, mais à travers la plus salutaire des simplicités, il nous invite à profiter de la vie, d’un beau décor tel qu’un magnifique désert, et faire confiance à l’autre – après s’être assuré de sa sincérité tout de même !
Nguyễn Lê Hoàng Phúc, en interview, ne revendique pas de message à son film. Tout ce qui a été souligné précédemment ne paraît qu’à la vue du film, en constatant sa fluidité, son harmonie, sa fugacité qui induit un sentiment de légèreté. Nguyễn s’inscrit dans une démarche instinctive, traversée par un sens naturel de l’esthétique, un amour du médium cinématographique et un regard chaleureux sur l’être humain. Chacune de ces composantes fait arborer à ce petit film par la longueur une sensation de positivité qui fait un bien fou, et ce malgré que la mort, la vieillesse et la maladie (d’un troisième personnage, un ami du vieux propriétaire en fauteuil roulant) fassent partie de l’équation.
Maxime Bauer.
Bury Us in a Lone Desert de Nguyễn Lê Hoàng Phúc. Vietnam. 2025. Projeté Festival International du Film de Rotterdam 2025.
Intentions du réalisateur recueillies par interview Zoom le 19/02/2025.
Remerciements à Xueyin Li et Yuxuan Zhang d’Inwave Films.