FFCP 2018 – Bilan : la Corée et son cinéma des extrêmes

Posté le 8 décembre 2018 par

Le 6 novembre s’est terminée la 13e édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP). Après plus d’une vingtaine de films visionnés, il est temps de faire un bilan, notamment de la section Paysage et des séances événements.

Lors de l’édition 2017 du FFCP, nous découvrions, ébahis, le blockbuster The Battleship Island de Ryoo Seung-wan, qui fut un coup de cœur, pour beaucoup d’entre nous. Un autre film se démarquait : le buddy movie Midnight Runners de Kim Joo-hwan.

Qu’en est-il de cette cuvée 2018 ? Force est de constater que peu de films peuvent être considérés comme foncièrement mauvais. A l’inverse, seuls quelques longs-métrages ont réussi à se hisser au-dessus des autres. La conclusion semble être la même depuis quelques années : le cinéma coréen se porte bien, délivre des films de qualité répondant aux cahiers des charges exigés par les producteurs et les spectateurs, mais l’originalité fait malheureusement parfois défaut. Il manque souvent ce petit supplément d’âme qui secoue le spectateur, le bouleverse ou l’entraîne dans des fous rires incontrôlables. Pour autant, comme à chaque édition, certains films ont réussi à attirer notre attention et ont fait battre notre cœur de critique !

Répartir des films par catégories est toujours un exercice difficile car certaines thématiques se rejoignent et se mélangent. Tentons néanmoins de répartir les nombreux longs-métrages sélectionnés qui ont, pour beaucoup, traités de sujets bien particuliers à la portée universelle. La Corée, ce cinéma des extrêmes qui souhaite faire pleurer ou, au contraire, nous matraquer à coups de marteau.

 

De l’action, des frissons et de la castagne

Le public français a découvert le cinéma coréen surtout grâce aux réalisateurs de la nouvelle vague comme Park Chan-wook, Kim Jee-woon ou Bong Joon-ho, qui ont investi le cinéma de genre. Souvent violent, ce cinéma n’est pas mort, loin de là, et cette nouvelle édition du FFCP a de nouveau démontré que l’action était encore au centre des préoccupations des grands studios coréens. Ainsi, dès l’ouverture, les spectateurs ont été mis dans l’ambiance avec le film historique The Great Battle de Kim Kwang-sik qui revient quatre ans après Tabloid Truth. Se déroulant en 645, le film met en scène l’Empereur Li envahissant l’un des anciens Royaumes de Corée jusqu’à la forteresse d’Ansi, fortement défendue par le Général Yang. Le film de Kim Kwang-sik est efficace et l’action est au rendez-vous. On note un effort dans la mise en scène des combats pour éviter des redites, même si tous les effets (ralentis et accélérés notamment) ne sont pas réussis. Etant tiré d’un fait historique, on ne peut être que bluffé par l’ingéniosité des deux parties. Cependant, The Great Battle, en se focalisant sur l’action, en oublie ses personnages qui, très peu caractérisés, laissent le spectateur indifférent. Il n’en reste pas moins un film adéquat pour une ouverture de festival.

Continuons avec l’ancienne Corée et Monstrum, troisième long-métrage de Huh Jong-ho. Au royaume de Joseon, la terreur règne. Depuis quelque temps, en effet, la rumeur court qu’une créature terrifiante, tapie dans la montagne, attaque la population. Le roi est persuadé qu’il ne s’agit que d’une mise en scène de son premier ministre pour le faire chuter du trône. Il fait donc sortir de sa retraite le général Yoon-hyeom afin que ce dernier enquête sur la rumeur. Monstrum nous plonge dans une ambiance mystérieuse, ce qui n’est pas pour nous déplaire. La comparaison avec Le Pacte des loups (mais sans Mark Dacascos…) de Christophe Gans est facile mais quasiment inévitable puisque la fameuse bestiole, avide de sang, n’attaque que de nuit et il faut attendre la 2e partie du film pour l’apercevoir. Le réalisateur ne lésine d’ailleurs pas sur le sang et certains meurtres virent vers un gore totalement assumé. La touche coréenne est apportée par l’intrigue politique, omniprésente, qui sème le doute quant à l’existence du monstre. Dans la deuxième partie du film, tout bascule, ou presque : la vérité est rétablie et le public hésite entre le rire et la consternation. Le rire car la fin du film est pour le moins burlesque, ce qui aurait pu fonctionner. Consternation car les deux parties, bien distinctes, manquent de liant. On passe ainsi du fantastique au… ridicule. Une approche différente du film (purement fantastique, ou totalement léger) aurait créé un ensemble cohérent.

De la Corée historique à la mythologie, il n’y a parfois qu’un pas, franchi par Along With the Gods: The Two Worlds de Kim Yong-hwa, 2e plus grand succès au box-office coréen de tous les temps, avec pas moins de 14 millions d’entrées (ça laisse rêveur…). Un pompier, Ja-hong, périt dans un incendie qu’il combattait. Il se voit accueilli dans l’au-delà par deux hommes et une adolescente, des anges-gardiens devant l’accompagner dans l’autre monde. Ja-hong devra affronter sept procès et de nombreuses épreuves au royaume des Dieux s’il veut être réincarné. Adaptation d’un webtoon, Along With the Gods se réapproprie la philosophie bouddhique stipulant que les défunts doivent passer devant différents tribunaux afin d’expier leurs fautes. Avec son casting 5 étoiles (Ha Jung-woo, Cha Tae-yun, Lee Geung-young, Ma Dong-seok…) et son budget important, le film avait tout pour plaire au public et faire un carton. Les poncifs des blockbusters hollywoodiens sont respectés à la lettre, les CGI sont partout, tellement qu’il n’y a quasiment aucun décor naturel, et le pathos débarque au bout de 5min de film. Concrètement, Along With the Gods est visuellement laid, la réalisation inexistante, les personnages sont agaçants, et l’on sort du film en se sentant presque coupable de ne pas pleuré à chaudes larmes. Ce film représente tout ce que le cinéma coréen sait faire de pire en termes de manipulation de spectateurs et de mise en scène kitsch. On verra (ou pas) ce que donne le 2e opus !

L’action, c’est aussi les frissons que peuvent nous provoquer les films d’horreur même si le genre est assez peu exploité. Le dernier exemple en date, réussi, était Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho. A côté de ce bijou, on rencontre d’autres longs-métrages moins réussis comme The Mimic, projeté au FFCP en 2017 ou bien, Gonjiam: Haunted Asylum de Jung Bum-shik, diffusé à l’occasion de la soirée Halloween du festival. Le film suit des créateurs d’une émission web dédiée à l’horreur décidant d’explorer l’asile psychiatrique de Gonjiam, à l’abandon depuis les années 1970, alors que tous les patients y sont décédés dans d’étranges circonstances. L’asile de Gonjiam a existé et est considéré comme l’un des endroits les plus hantés de Corée du Sud. Jung Bum-shik part donc d’un fait réel pour en tourner un… found footage, bien sûr, genre ô combien difficile à manier. Gonjiam ne bouleverse pas le genre en mettant en scène cette équipe de jeunots en recherche de sensations fortes. Comme tous films de ce genre, le spectateur prend le temps de s’attacher aux personnages, jusqu’aux 20 dernières minutes, plutôt réussies en l’occurrence, où tout bascule. Seulement, comme souvent, les personnages sont des stéréotypes sur patte, ce qui engendre une impatience du spectateur qui n’attend, justement, que les dernières minutes de film. La séance n’est pas désagréable, l’ennui ne pointe pas le bout de son nez mais le film s’oublie instantanément.

Malgré quelques incursions dans les genres du fantastique ou de l’horreur, le cinéma coréen reste surtout un pourvoyeur de polar. C’est ainsi que le public l’a connu et le festival ne peut se permettre de ne pas en projeter. Il faut dire que la Corée en produit toujours autant. Cette année ont été sélectionnés Dark Figure of Crime de Kim Tae-gyun et Believer de Lee Hae-young, deux films aux antipodes l’un de l’autre. Dark Figure of Crime suit l’inspecteur de police Kim Hyung-min qui, bien malgré lui, se rapproche d’un meurtrier, Tae-ho, puisque ce dernier avoue avoir commis bien plus d’un assassinat. Inspiré d’une histoire vraie – encore -, le film est un véritable polar psychologique, mené par deux acteurs de qualité : Kim Yoon-seok, qu’on ne présente plus et qui interprète ici un flic prêt à tout pour rétablir un minimum de justice dans ce bas monde, et Ju Ji-hoon (The Spy Gone North), véritable petit malfrat manipulateur au profil de psychopathe. Les deux protagonistes joue au jeu du chat et de la souris pendant quasiment 2h et c’est à celui qui sèmera le plus de doute dans l’esprit de l’autre. Il est difficile de reprocher quoique ce soit à Dark Figure of Crime si ce n’est une grande impression de déjà-vu, et donc, un cruel manque d’originalité.

Believer, quant à lui, a décidé de frapper fort, très fort. Remake de Drug War de Johnnie To, le film met en scène Won-ho, un inspecteur à la brigade des stups, subliment interprété par Jo Jin-woong (Mademoiselle), déterminé à démanteler un important réseau de drogue commandé par le mystérieux M. Lee, trafiquant dont personne ne connaît le visage et après lequel Won-ho court depuis des années. Il s’allie avec un petit truand revanchard, joué par Ryu Jun-yeol (A Taxi Driver) qui fait partie de l’organisation de M. Lee, afin d’infiltrer le réseau et le faire s’effondrer de l’intérieur. Les premiers échos parvenus sur Believer, après sa projection dans divers festivals, assez négatifs, pouvait nous faire craindre le pire. Et pourtant, il s’est avéré être une très bonne surprise ! Sans être le chef d’oeuvre de l’année, Believer reprend les grandes lignes de l’original et y ajoute sa korean touch, notamment une violence exacerbée, outrancière, voire baroque. Le ton est donné dès la première scène où Won-ho retrouve une de ses indic, une junkie à peine majeure, égorgée sur un parking. Tout le film est truffé de scènes ultra-violentes qui prêtent parfois à sourire tant on sent un plaisir coupable à visionner des corps meurtris et des bouteilles fracassés. Les personnages sont loufoques, à l’instar du trafiquant chinois, interprété par Kim Joo-hyuk qui livre, pour son dernier rôle, une performance hallucinante, de même que l’acteur Cha Seung-woo (Man on High Heels), sociopathe psychorigide. Certaines scènes de Drug War sont reprises à l’identique (l’échange de rôles dans l’hôtel lors de la rencontre avec le trafiquant chinois) mais Believer amène une complexité qui manquait peut-être à l’original. Le duo composé de Won-ho (Jo Jin-woong) et Young-rak (Ryu Jun-yeol) n’est pas qu’une simple relation entre un flic et un indic ; elle est bien plus profonde et connaît son apogée lors d’un final prenant, visuellement réussi, qui amène des nuances aux personnages.

Enfin, quand on parle de film d’action coréens contemporains – c’est-à-dire de ces dernières années -, une thématique se dégage, liée au souffle de liberté que connaît actuellement le pays, et qu’on retrouve dans 1987: When The Day Comes de Jang Joon-hwan : la mise en scène de l’histoire récente. Les réalisateurs coréens ont d’abord exploré la période de l’occupation japonaise (Battleship Island, Dongju: The Portrait of a Poet) avant de s’intéresser à l’histoire plus récente, celle de la difficile décennie 1980. On l’a vu avec A Taxi Driver en 2017, qui s’intéressait au soulèvement de Gwangju en 1980 et il en est de même avec 1987 qui prend appui sur le triste sort de Park Jong-chul, étudiant arrêté par la police anti-communiste en 1987 et torturé à mort. A cette date, la dictature militaire est au pouvoir, et les autorités ordonnent d’incinérer le corps de l’étudiant pour étouffer l’affaire. Ce sera sans compter sur un procureur rebelle qui refuse de signer l’autorisation de crémation sans autopsie. L’opposition au régime cherche alors à faire éclater la vérité, tandis que la rue gronde de plus en plus sa soif de liberté. Jang Joon-hwan n’est pas un nouveau venu dans le cinéma coréen : on l’a découvert avec le très décalé Save the Green Planet! et l’inégal Hwayi. Dans 1987, le réalisateur s’est retroussé les manches pour proposer un film qui, à l’inverse d’Along With the Gods, réunit toutes les qualités du cinéma coréen. Le spectateur se retrouve face à un long-métrage de 129min ambitieux, faisant intervenir une multitude de protagonistes passant, revenant ou disparaissant au fur et à mesure, et pourtant, la narration reste d’une incroyable limpidité. Pour réussir ce pari audacieux, le cinéaste a réuni une brochette d’acteurs qui savent, par leur jeu, capter les esprits : Kim Yoon-seok (The Chaser), Ha Jung-woo (Tunnel), Yoo Hae-jin (Veteran), Kim Tae-ri (Mademoiselle) ou encore Gang Dong-won (Illang). Tous les acteurs interprètent des personnages parfaitement caractérisés, si bien que seulement quelques scènes suffisent pour les imprégner définitivement dans la tête du spectateur. Le cinéaste se permet une autre audace, celle des ruptures de ton qui sont parfois difficiles à manier, surtout dans un film traitant d’un sujet si sensible. Et pourtant, le spectateur rit beaucoup face à l’incompétence de certains fonctionnaires ou à l’énervement et au caractère provocateur du procureur qui n’hésite pas à asséner d’une petite tape toute personne l’agaçant. Le spectateur est aussi effrayé devant la dureté et le cynisme du chef de la police anti-communiste et nous nous retrouvons finalement émus lorsque la population s’insurge dans le but d’obtenir la vérité et de faire tomber la dictature. 1987 ne parvient pas à éviter l’écueil du mélodrame, dans un final peut-être un poil trop grandiloquent mais il serait injuste de lui en tenir rigueur. Une belle réussite que le public a d’ailleurs récompensé par un prix.

 

 

L’amour, toujours…

Le FFCP s’attache à montrer aux yeux de tous le reflet de la production coréenne actuelle. L’action et le polar en font partie, mais pas seulement. Les Coréens sont aussi friands de comédies romantiques. Une édition 2018 sous le signe de l’amour.

Rendons hommage à la plus originale d’entre elle présentée cette année, Hello Dayoung réalisée par Ko Bong-soo. Film muet en noir et blanc à l’image accélérée, Hello Dayoung rend clairement hommage au cinéma burlesque de Chaplin. Minjae est livreur et parcourt la ville sur son scooter, jamais très adroit ni à l’heure. Son rayon de soleil, c’est quand il livre un colis à la jolie Dayoung, jeune femme dont il est follement épris et qui travaille dans une petite entreprise. Lorsqu’il comprend qu’elle souffre dans son travail, il s’y fait embaucher, dans l’espoir de redonner le sourire à la jeune femme. Charmant et mignon, Hello Dayoung réussit son pari de divertir par des procédés originaux, même si le résultat a tendance à s’enliser, faute de scénario suffisamment solide.

Deux autres comédies romantiques ont fait battre le cœur des spectateurs : Mate de Jung Dae-gun et On Your Wedding Day réalisé par Lee Seok-keun. Mate suit Joon-ho, photographe frelance qui vit de contrats précaires, à l’image de ses relations amoureuses, qu’il préfère libre et sans attaches. Eun-ji entre dans sa vie via une application de rencontres. Elle est journaliste et prépare un article sur les rencontres amoureuses de ce type mais se garde de le dire à Joon-ho. Quand ce dernier est engagé dans le magazine où travaille Eun-ji, il découvre vite la vérité. Cela n’empêche pas les deux jeunes gens de devenir inséparables. On Your Wedding Day, quant à lui, raconte l’histoire de Seung-hee et Woo-yeon, qui se rencontrent pendant leur années de lycée. Lui tombe amoureux d’elle, mais elle n’est pas intéressée. En tout cas, au début… Mate et On Your Wedding Day, bien que s’intéressant à des problématiques différentes (jeune génération fuyant l’engagement vs. la fidélité malgré tous les obstacles), partagent un certain nombre de points communs dans le traitement de la comédie romantique. En effet, tous deux visent une certaine légèreté qui porte parfois à sourire, comme dans Mate, ou à rire franchement, dans le cas de On Your Wedding Day, qui puise, dans sa première partie, son influence du côté d’American Pie. Les deux longs-métrages souffrent également des mêmes défauts, à savoir un début réjouissant, frais et divertissant qui évolue peu à peu vers un propos sérieux qui exploite les poncifs du genre dont on se serait bien passé.

 

L’enfer, c’est les autres

Le cinéma coréen nous touche aussi car il sait cibler les points sensibles, à savoir l’injustice, le deuil ou les relations sociales dans leur globalité. Cette édition du FFCP n’a pas fait exception à la règle en montrant au public des films poignants, que ce soit par le sujet abordé, le traitement de problématiques actuelles ou tout simplement en abordant des thématiques universelles.

Dans la catégorie « on ne choisit pas sa famille » ou « la famille, quel boulet », le cinéma coréen semble avoir envie de beaucoup s’exprimer. A Haunting Hitchhike de Jeong Hee-jae en est un bon exemple : Jung-ae, 16 ans, vit seule avec son père dans un quartier insalubre. Sa mère les a quittés plus tôt. Sa meilleure amie connaît la situation inverse, vivant avec sa mère et ne connaissant pas son père. Les deux adolescentes décident de retrouver ensemble les parents qui les ont abandonnées. Véritable drame social et humain, A Haunting Hitchhike joue cartes sur table : la cellule familiale explose, le système de santé ne fonctionne pas et la religion est un poison. Pourtant, malgré ce discours pour le moins pesant, la réalisatrice arrive, par sa mise en scène, à faire naître un brin d’espoir chez sa jeune héroïne, brillamment interprétée par Roh Jung-mi, qui parvient tant bien que mal à retrouver des repères dans ce chaos. Le film pourrait parfois tomber dans les travers des « films de festival », à savoir un peu misérabiliste et complaisant, mais on saura pardonner une première réalisation de ne pas avoir su éviter cet écueil.

Adulthood réalisé par Kim In-seon est un long-métrage plutôt surprenant. Kyung-un, 14 ans, doit faire face au décès de son père, se retrouvant ainsi orpheline et seule dans l’appartement familial. Sa seule famille est un oncle, trentenaire irresponsable qu’elle ne connaît pas. Il se révèle être un véritable arnaqueur, escroc soutirant de l’argent à des femmes plus âgées. L’adolescente se familiarise avec cet homme excentrique. Le film débute par séquences dramatiques, à savoir une jeune fille assistant à la mort de son père et se retrouvant seule. On n’est pas loin de Rémi sans famille. La jeune Lee Jae-in interprète parfaitement ce rôle d’ado à la fois ultra-responsable et perdue sans son père. Les ressorts dramatiques, très nombreux, sont contrebalancés par le comique amené par cet oncle atypique, joué par Um Tae-goo, déjà vu dans Coin Locker Girl. Cet homme, sans foi ni loi, n’hésite pas à entraîner sa pupille dans ses arnaques. La relation entre les deux protagonistes se construit sur la base de cette complicité dans l’escroquerie, qui finira par prendre fin quand Kyung-un, au caractère bien trempé, secouera son oncle et quand ce dernier prendra conscience qu’il est temps, pour lui, de devenir adulte et de prendre soin de sa nièce. Les éléments dramatiques et comiques se marient donc parfaitement pour faire de Adulthood un film touchant qui ne laisse pas le spectateur indifférent.

Une comédie dramatique sans violon ni pathos n’est pas vraiment une comédie dramatique. Keys to the Heart de Choi Sung-hyun nous l’a prouvé et en a fait pleurer plus d’un. Proche de la quarantaine, Jo-ha est un boxeur finissant qui vit d’expédients. Il croise par hasard sa mère perdue de vue depuis des années. A la rue, Jo-ha accepte de vivre chez elle, et fait ainsi la connaissance de son demi-frère, Jin-tae, autiste, et pianiste génial qui reproduit à l’oreille tous les morceaux qu’il entend. Si le film fonctionne, c’est surtout grâce à son duo d’acteurs composé de Lee Byung-hun dans le rôle du grand frère, que l’on a rarement vu dans ce registre, et Park Jung-min (La Frappe), excellent dans l’interprétation de cet autiste à l’oreille absolue. La relation entre ces deux frères, difficile au début, évolue et arrive au point d’orgue lors d’un dernier acte qui passe ou qui casse suivant la sensibilité du spectateur.

Le film de clôture, Sunset in My Hometown de Lee Joon-ik, se situe également dans cette catégorie des comédies dramatiques. Seulement, cette fois, la réussite n’est pas au rendez-vous. Hak-su, également interprété par Park Jung-min, essaie de percer en tant que rappeur à Séoul. Il participe tous les ans à un concours télévisé visant à découvrir la nouvelle star du rap, en vain. Un appel de sa ville natale va soudain le ramener chez lui. Il va devoir passer plus de temps de ce trou perdu, aux côtés de son père qui a fait une attaque. Lee Joon-ik, réalisateur de talent ayant bluffé avec Hope ou Dongju: The Portrait of a Poet, semble avoir perdu l’inspiration (ou avoir besoin de manger) avec Sunset in My Hometown qui énumère tous les clichés de la comédie dramatique, lourdingue et prévisible, sans un seul plan de mise en scène valable. Seuls quelques acteurs parviennent à faire tenir plus ou moins le film.

Il convient de terminer ce bilan avec les deux films coup de cœur du festival, d’abord Microhabitat de Jeon Go-woon, qui nous intriguait depuis plusieurs mois. Ce qui est logique quand on lit son synopsis : Miso, la trentaine, a deux plaisirs dans la vie : fumer des clopes et boire un verre de whisky. Elle a un petit-ami mais faute d’argent, ils ne vivent pas ensemble. Quand son loyer et le prix des cigarettes augmentent, Miso, plutôt que de choisir d’abandonner à l’un de ses plaisir, décide de quitter son appartement et de squatter chez ses amis de fac. Miso est une anti-héroïne parfaite, allant à contre-courant de la société et l’assumant parfaitement. Simplement dotée de son sac à dos et de sa chevelure blanchissante, elle amène une brise de bonheur chez ses anciens amis qui sont tous enfermés dans un travers que peut connaître la génération actuelle: la dépression, la bourgeoisie coincée, l’infantilisation par la famille, etc. Certaines séquences ont beau être d’une noirceur totale, la réalisatrice amène une dose d’absurde qui désarçonne complètement la mélancolie ambiante. Une très belle réussite et une cinéaste à suivre de près.

Enfin, le bilan se conclut par une bourrasque de fraîcheur et de bonne humeur incarnée par le film Little Forest de Yim Soon-rye. Adaptation live du manga japonais du même nom, Little Forest met en scène Hyewon, jeune femme à bout de souffle, entre son concours d’enseignant raté, son travail dans une supérette et sa relation insatisfaisante avec son petit-ami. Elle décide de tout mettre en pause et retourne dans sa petite ville de campagne, pour se ressourcer après de ses amis d’enfance. L’enfer représenté par la mégalopole et la pression sociale s’évanouit ici, en campagne, avec la belle actrice Kim Tae-ri pour compagne. Les plaisirs simples sont remis au goût du jour : un feu de cheminée, des bons petits plats préparés avec les légumes du potager, des amis fidèles, un chiot à cajoler… Un Kore-eda coréen en somme. Le film n’en oublie pas pour autant d’être profond en mettant au cœur de son intrigue la relation entre Hyewon et sa mère, qui l’a abandonnée quelques années plus tôt. Ce retour au source permet à l’héroïne de renouer avec cette mère absente et d’apprendre à la comprendre sans pour autant lui parler. Le film apaise le spectateur qui sort de la séance le sourire aux lèvres. Cet apport de légèreté intelligente est souvent nécessaire au sein d’un festival dédié au cinéma coréen qui peut parfois se montrer sombre, déprimant et sans espoir.

En conclusion, la 13e édition du FFCP a montré toute la diversité du cinéma coréen, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Nous ne pourrons plus dire que nous ne connaissons rien de la production coréenne des années 2017-2018. A l’année prochaine pour découvrir de nouvelles pépites !

Elvire Rémand

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