DVD – Monster Boy, de Jang Joon-Hwan : incompatibilité de genres

Posté le 18 novembre 2014 par

Dix années se sont écoulées depuis Save The Green Planet!, précédent film de Jang Joon-hwan. Monster Boy, nouveau film du réalisateur vu au FFCP 2014, arrive chez nous grâce à Wild Side. Save The Green Planet! étant diablement original, dérangeant et violent, la nouvelle oeuvre de son réalisateur ne pouvait qu’attiser la curiosité.

Save The Green Planet! partait d’un canevas assez simple (un salary man un peu atteint, persuadé qu’un chef d’entreprise est un extra-terrestre), le tordant pour surprendre le spectateur (en l’apparentant beaucoup à Emprise de par son déroulement). Pour Monster Boy, que Jang Joon-hwan co-scénarise, la démarche s’en approche grandement. Le réalisateur prend en effet un grand classique du cinéma de genre, à savoir un gang (presque une famille) de criminels complètement sociopathes. Ces derniers séquestrent une femme depuis bien longtemps, qui est devenue leur esclave soumise et, après avoir enlevé un enfant, décident de l’élever et d’en faire leur fils. Tout comme dans The Hamiltons, ou encore Mum And Dad, la caméra s’attache à un personnage faible, renfermé, embrigadé dans un carcan familial aussi malsain que violent. La photographie est superbe, l’ambiance poisseuse, les effusions sanglantes et choquantes. Cette première partie n’est pas parfaite et manque par exemple de subtilité (le personnage de flic traumatisé par sa confrontation avec le gang, ainsi que l’adolescente qui s’attache à Hwayi, le héros du film, sont terriblement caricaturaux), mais elle se révèle aussi efficace que bien filmée. Le spectateur s’attache à ce personnage, se laisse entraîner dans la dynamique de cette famille terriblement malsaine. Le réalisateur évite les longueurs, et, sans trop de dialogues, nous comprenons la position de chacun, et le mal-être profond de notre héros.

monster boy

Bien évidemment, un grain de sable va faire basculer cette équilibre fragile. Si le spectateur s’attend à ce que ce soit l’amourette avec une jeune femme de son âge, ou l’enquête de ce policier borderline, le crash viendra d’ailleurs. Pour verser dans l’originalité et surprendre, le réalisateur décide de faire basculer, en quelques secondes, Monster Boy dans le film de vengeance stylisé mené tambour-battant par un protagoniste principal sur-entraîné. Le grain de sable en lui-même est classique, mais plutôt bien amené et intéressant et, quand Hwayi doit tuer le père (les pères, ici) pour devenir adulte, sa première victime est parfaite. La séquence est poignante, pleine de non-dits, tétanisante, et, quand la mort survient, Jang Joon-hwan opte pour du hors-champ, choix judicieux qui laisse le spectateur dans l’expectative. Mais ensuite, notre adolescent renfermé se transforme en un croisement entre Tony Jaa et John Rambo, posant des pièges, courant sur les murs, se battant au couteau avec une précision redoutable. Ce genre de revirement peut marcher si le spectateur apprend que le cuisinier est en fait un ancien membre des forces spéciales sur-entraîné, mais absolument peu crédible dans Monster Boy. Certes, les pères du héros lui ont appris le maniement des armes et veulent (pour certains) qu’il prenne la relève, mais il reste un adolescent, avec une force physique faible et un temps d’apprentissage limité. De plus, il passe de l’hésitation la plus totale, à la planification d’un guet-apens, suivi de l’assassinat sauvage de toute une mafia, à l’aide d’un fusil sniper. La colère sert de justification, mais le tout manque tellement de crédibilité que rien n’y fait, le spectateur décroche face à tant de ridicule.

monster boy 2

Pourtant, les séquences sont superbement chorégraphiées, et les effets sanglants très bien filmés et réalisés, mais le manque de crédibilité du tout fait lâcher les coutures de cet ensemble trop mal ficelé. Il y a cependant plus grave. Si, jusqu’à ce revirement, le sang était là pour choquer et déranger, le réalisateur passe tout à coup à des fulgurances gores stylisées. Là encore, le postulat de faire dans la violence « belle » n’est ni nouveau ni gênant, mais changer ses thématiques si drastiquement dessert complètement le film, et la deuxième partie détruit ainsi tout ce qu’a construit le réalisateur jusque-là. C’est ainsi un sentiment de gâchis qui saisit le spectateur, surtout que, si le réalisateur avait su choisir entre ces deux genres, il aurait pu emballer un métrage certes classique, mais très bien fait.

Wild Side, en guise de bonus, offre un making of tellement promotionnel qu’il agace (tout le monde passe son temps à dire qu’ils sont les plus grands amis du monde et que tout est parfait) suivi d’une série d’interviews durant lesquelles les acteurs principaux expliquent de quoi parle le film et qui est le personnage que chacun incarne, ce qui se révèle totalement inutile.

Yannik Vanesse

Monster Boy, de Jang Joon-hwan, disponible en DVD chez Wild Side depuis le 29 octobre 2014

Imprimer


Laissez un commentaire


*