Dans la sélection Les Pépites de L’Etrange de L’Étrange Festival siégeait le mystérieux La Fille de la météo. Il s’agit d’un long-métrage réalisé par Hosoyama Tomoaki en 1995 et adaptant un manga que l’on ne connaît en France que sous le nom de Mademoiselle Météo puisque l’adaptation animée de ce dernier a été distribuée chez nous en 1994 par EVA. Déterrée des méandres du catalogue Gaumont par Sylvain Perret et bientôt disponible en DVD chez l’éditeur, cette sélection est aussi l’occasion de rappeler qu’à L’Étrange Festival, les pépites introuvables de mauvais goût ont toujours leur place aux côtés des chefs-d’œuvre inaccessibles.
Nakadai Keiko, jeune femme froide et adepte d’onanisme, remplace temporairement la miss météo d’une grande chaîne de télévision japonaise. Durant l’émission, elle décide de montrer sa culotte afin de révolutionner le monde de la météo et d’en faire un show érotique et populaire. La fille du président de la chaîne, Shimamori Kaori, déteste la vulgarité de cette nouvelle émission météo et rêve de renverser Keiko afin d’imposer à la chaîne une émission de météo plus classieuse et raffinée « à la française ».
Vous l’aurez compris à la lecture de ce synopsis, cette comédie érotique graveleuse à l’intérêt douteux est réservée à un public amateur de bizarreries grasses et nanardesques. Mais mis en perspective aux autres productions de ce genre, il faut admettre que La Fille de la météo parvient tout de même à se démarquer. Sa mise en scène, sans être exceptionnelle, sait parfois faire mouche pour rendre une scène drôle sur le papier tout aussi marrante et marquante à l’image. Il faut aussi insister sur le fait que le rendu visuel global est tout de même assez loin d’une douteuse adaptation live-action filmée par-dessous la jambe (malgré quelques costumes qui ne trompent pas). De plus, son humour graveleux se veut tout de même un peu plus cru que dans certaines autres comédies du genre : du running-gag masturbatoire complètement lunaire de notre héroïne à la séquence mémorable autour du « roi du lavement anal », en passant par de nombreuses surprises que nous ne vous révèlerons pas ici, le film vaut finalement son visionnage simplement par la sidération qu’il procure à chaque nouvelle idiotie qu’il décide de montrer.
Puisque dans l’absurde, le film pousse tous les curseurs au maximum, nous assistons, entre autres, à une rivalité franco-japonaise envahissant les images du film de baguettes et d’obscures références au Lido et à l’Egypte ancienne, à un combat météorologique à base de fouets et d’épées célestes déclenchant vents et marées, à des moments de comédie musicale, mais aussi à une apparition surprise du cannibale Sagawa Issei, surtout connu en France pour son horrible meurtre plutôt que pour sa carrière d’acteur… C’est donc un véritable déluge de n’importe quoi que propose La Fille de la météo. Il devient impossible de s’ennuyer devant ce film tant nous sommes noyés d’informations toutes plus incongrues que les précédentes et sans que jamais ne ralentisse la cadence effrénée des bêtises qu’il accumule. L’on pourra aussi s’amuser de voir des personnages qui apparaissent et disparaissent de la narration de manière complètement abrupte et incongrue, ce qui participe de manière inhérente au charme bordélique du tout.
Loin d’être un grand film (et sans jamais prétendre à ce statut), La Fille de la météo est une curiosité nippone rigolote, vulgaire et saugrenue plus qu’appréciable. Il est en fait très agréable de voir que de telles productions, aussi douteuses soient-elles, arrivent jusque dans nos contrées par des chemins dérobés. C’est d’ailleurs l’une des grandes qualités du festival : montrer dans une salle ce qui ne lui était pas forcément destiné, renverser l’ordre des valeurs en projetant sur grand écran ce qui était normalement réservé au petit. Avec La Fille de la météo, nous sommes tout à fait dans ce cas de figure : L’Étrange Festival, mais aussi Sylvain Perret en ressortant le film chez Gaumont, donnent une voix et une place à un film qui n’aurait probablement jamais revu le jour en France. En le regardant, la raison pour laquelle il ne serait pas ressorti paraît plutôt évidente : il s’agit là d’un petit projet, d’une adaptation d’un manga aujourd’hui presque oublié, d’autant plus en France puisqu’il n’est sorti qu’en version animée dans une petite collection érotique d’EVA. Mais devant ce métrage, l’on se dit dans le même temps que cela aurait été bien dommage de se priver d’un tel spectacle rigolo accumulant à ce point les vulgarités et autres cochoncetés. Plus qu’un bon moment, le film nous propose une bouffée d’idiotie jubilatoire et il ne faudrait pas bouder son plaisir personnel au profit d’une grandeur que le film ignore et méprise grassement.
Thibaut Das Neves
La Fille de la météo de Hosoyama Tomoaki. 1995. Projeté à L’Étrange Festival 2023.