Robin Entreinger est un réalisateur français qui ne choisit pas la facilité. Aimant le fantastique, il opte toujours pour des choix évitant le spectaculaire, utilisant le genre de manière minimaliste pour raconter une histoire forte, mettant souvent la famille et le drame au cœur de ses films. Le réalisateur étant friand des ambiances asiatiques, il était normal qu’East Asia s’intéresse à Shibari, son dernier court métrage, dénué de tout surnaturel.
Quand Robin Entreinger s’intéresse à l’Asie, ses influences sont toujours atypiques, et servent son propos. Ainsi, avec Dreamland, il emmenait le spectateur, tout comme ses personnages, à travers des paysages désolés et perturbants, jouant avec l’image (son personnage principal était photographe) pour nous emmener dans une histoire d’amour triste et désespérée. Pour Shibari, l’auteur choisit une approche calme, paisible mais évidemment sensuelle, pour conter un récit sur la fascination.
Robin Entreinger est un réalisateur fidèle. C’est ainsi que nous retrouvons Valentin Bonhomme dans la plupart de ses films. Ici, le récit étant féminin, c’est Claire Suchet, déjà rencontrée dans le fascinant The Darkest, du même auteur, qui est mise en avant. Elle y incarne Claire, une modèle (tout comme dans Dreamland, l’image et la photographie sont au cœur du film) spécialisée dans le shibari (l’art japonais de l’encordement). Mais l’auteur/réalisateur choisit très intelligemment de nous faire suivre les pas de Chloé (Chloé Imbroglio), journaliste venue interviewer Claire, qui ne connait absolument rien au shibari. La jeune femme arrive au Japon, accueillie par le personnage incarné par le réalisateur, qui va l’introduire auprès du modèle qu’elle doit suivre. Le spectateur découvre donc en même temps que le personnage de Chloé, ce qu’est le shibari et ce qui fascine autant Claire dans cette pratique, alors qu’elle l’observe se faire attacher, prenant des photos de la séance.
Shibari est un film d’une trentaine de minutes, ne cherchant pas à surprendre, ne réservant pas de retournement de situation. Il laisse le spectateur être séduit en même temps que Chloé, par les images et par la sensualité qu’elle découvre. Robin Entreinger soigne tout particulièrement son ambiance, et c’est ce qui s’avère le plus intéressant dans son film, qui devient vraiment fascinant quand les corps et les cordes entrent en jeu. Ainsi, l’intérêt diminue sans doute un peu durant l’interview proprement dite, passage obligé où les personnages expliquent ce qu’est le shibari, et où Claire approfondit son intérêt pour la pratique. Mais, quand les mots disparaissent au profit de l’image, Shibari développe véritablement son potentiel. Jamais vulgaire, toujours respectueux et très féminin dans son récit, Shibari est un agréable court-métrage, qui prouve encore une fois le talent de Robin Entreinger, qui évolue de film en film.
Dans The Darkest, son long précédent, il avait montré à quel point il arrivait à jouer avec les sons, à soigner une ambiance dans l’obscurité la plus totale et, avec Shibari, il réutilise à nouveau cette technique, mais pour une toute autre finalité, prouvant qu’il arrive aussi bien à créer l’angoisse que l’érotisme et ce, sans aucune image.
Shibari n’est évidemment pas parfait (la scène de l’interview manque de dynamisme, et la direction d’acteurs y est peut-être un peu plate, de même que la soirée en boîte de nuit met en avant les limites du budget), mais se révèle bien souvent hypnotisant, et est une nouvelle preuve que l’auteur est un réalisateur à suivre. Il ne reste plus qu’à souhaiter que le film puisse faire le tour des festivals, car il mérite décidément d’être vu en salles.
Yannik Vanesse.
Shibari, de Robin Entreinger (France, 2018).