EN SALLES – THE MONKEY KING 2 EN 3D DE SOI CHEANG (10/02/2016)

Posté le 10 février 2016 par

Pour fêter cette nouvelle année du singe, et marquer un événement dans la distribution cinématographique, la société China Lion a entrepris de sortir cette année, simultanément en Chine et dans le reste du monde, sa nouvelle superproduction The Monkey King 2. Un film qui, à l’image de son mythique héros, s’en va vers l’Ouest à la conquête de nouveaux territoires.

Lire notre entretien avec l’actrice Giselle Chia ici !

On ne peut pas dire que le précédent opus projeté en 3D à l’ouverture du Festival du Cinéma Chinois en France nous ait laissé un souvenir impérissable. Superproduction montée en partie sur le nom de Donnie Yen, elle avait résulté de deux années d’intensive post-production pour arriver in fine à un résultat pour le moins médiocre. Laid, ennuyeux, mal écrit, sans compter le célèbre artiste martial à la ramasse dans le rôle du mythique héros simiesque, on aurait cru le film mort et enterré avant sa sortie en salles. Le succès fut contre toute attente colossal, et la société de production n’a pas tardé à lancer le chantier de sa séquelle. Un projet qui s’est fait non sans quelques réajustements. Le roi singe a droit à une grande séance de relooking, exit donc Donnie Yen, plus à l’aise dans les chaussons d’Ip Man. A présent, le personnage de Sun Wukong bénéficie du jeu inspiré d’Aaron Kwok (Divergence), qui parvient à concilier le caractère cabot de son personnage tout en lui conférant une certaine gravité dans son interprétation. Les tons pastel et l’esthétique numérique aux allures d’aquarelles laissent place à une direction artistique plus organique, fouillée, et texturée. Les effets spéciaux numériques, quant à eux, jouent la démesure avec panache, surtout quand on tient compte du budget certes important, mais pourtant ridicule en comparaison des moyens employés sur les blockbusters US.

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Feng Shaofeng et Aaron Kwok

Dans cette nouvelle aventure, Sun Wukong est libéré de sa prison par le jeune bonze Tang Sanzang (Feng Shaofeng) qui s’en va vers l’Ouest afin de récupérer les écritures saintes du bouddhisme. Son nouveau compagnon se voit contraint de le conduire à destination saint et sauf. Ce pèlerinage s’avérera riche en rencontres et en enseignements.

Difficile de s’y retrouver au milieu de toutes ces diverses adaptations, diffusées sur tout type de médias. La multitude de ces projets et films prouvent la vitalité et l’importance de ce récit dans l’inconscient collectif chinois. Une œuvre qui résonne avec force aussi bien dans les arts martiaux, la spiritualité et les arts, si bien que le gouvernement n’osa le censurer malgré son caractère fantaisiste.

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Him Law et Xiaoshenyang

Cette version produite par China Lion n’est autre qu’un film à grand spectacle dont la finalité première est de surpasser les records au box-office de l’opus précédent. Afin d’y parvenir, ils ont adopté la formule érigée par les studios Disney/Marvel. Un modèle d’usine destiné à convenir à tout type de public. Sur une trame narrative passionnante, avec des personnages fantaisistes hauts en couleurs, ils parviennent à rendre un produit aseptisé. Soi Cheang, brillant technicien et ex faire-valoir du mongul Johnnie To (Accident, Motorway) se contente ici d’illustrer passivement son histoire, laissant la réalisation des scènes d’action au surdoué Sammo Hung. Quant à la conception de scènes conçues intégralement sur ordinateur, elles incombent à une armée de story-boarders qui découpent ces combats vertigineux en tenant compte d’un cahier du charges hyper contraignant imposé par la production. Un souci majeur dans ce type de films qui se caractérise par une absence flagrante de cohésion dans la mise en scène. The Monkey King 2 manque cruellement de cœur, de larmes et sang. A aucun moment on ressent les dilemmes moraux qui habitent le personnage de Sun Wukong. Partagé entre son instinct animal et son aspérité à s’élever spirituellement, il s’achemine au gré de ses expérience vers l’acceptation de sa  propre humanité. Cette dualité le tiraille, lui, qui est pourtant doté du don de voir la véritable nature des êtres, reste pourtant aveugle à sa propre condition. Il est incapable de distinguer la bête qui l’anime. Une créature dont la force incontrôlable terrasse sans ménagement les hôtes innocents possédés par des démons, ne faisant aucune distinction de l’âge et du sexe de ses victimes.

Mtime.com

Aaron Kwok

Quant au magnifique personnage de Baigujing, figure antagoniste de moine Tang Sanzang, le laxisme avec lequel est traitée sa tragique histoire annihile la puissance dramatique de sa quête de rédemption. Cette terrible injustice qui nourrit sa rancœur et ronge son âme, blessure que le jeune bonze tente de soulager en lui ouvrant la sienne. Interprétée par la sublime Gong Li, momifiée par un horrible lifting numérique, Baigujing n’en demeure pas moins un personnage fascinant, complexe et séduisant. Quant aux deux autres personnages, ils en sont réduits à de simples faire-valoir comiques. Malgré cela, le film ne manque pas de beaux moments de bravoures, de scènes spectaculaires et le combat final renvoie à une version démesurée en nombre et en taille de la célèbre bataille contre les squelettes de Jason et les Argonautes. Le cinéaste s’amuse à recycler nombre d’images et de gimmicks empruntés à des séries d’animation japonaises qui avaient puisé auparavant leur inspiration dans La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’en.

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Gong Li

Et sinon, il est difficile de ne pas voir des emprunts avec le cinéma de Tsui Hark qui avait modernisé au cinéma pendant plusieurs décennies les récits classiques fantaisistes chinois. Une comparaison qui fait défaut au réalisateur Soi Cheang dans sa scène d’introduction. Son attaque du félin tigré ne tient pas la distance avec celle magnifiquement scénographiée de l’excellent La Bataille de la Montagne du Tigre. Et quand on apprend que ce génie de Tsui Hark vient de terminer le tournage de la suite de la comédie initiée par le trublion Stephen Chow, et que ce dernier conserve son rôle-titre de Roi singe, il est difficile de cacher son enthousiasme à l’annonce d’un tel projet.

The Monkey King 2 est un beau livre d’images du célèbre roman La Pérégrination vers l’Ouest dont les textes simplifiés sont lus par un narrateur qui manque d’emphase et de personnalité. Les amateurs de grand spectacle en auront pour leur argent, en revanche ceux qui voulaient voir une version moderne réussie du Roi singe devront faire preuve de patience avant la sortie de la version du Tsui Hark !

Martin Debat.

The Monkey King 2 de Soi Cheang. hine. 2015. En salles le 10/02/2016.

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