Cannes, 47è : Coup de feu

Posté le 17 mai 2014 par

La promesse d’un festival tient-elle dans ses premières heures et l’ambiance qu’on y perçoit, ou dans le premier film vu ? Les routiers du métier de festivalier ou de journaliste auront certainement un avis là-dessus. Mais quand la toute première scène du premier film vu à Cannes, pour une première venue qui plus est, à l’impact émotionnel d’une évidence, alors peut-être que cette 67ème édition s’annonce spectaculaire.

Jeudi 15 mai

Présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, Bande de Filles de Céline Sciamma débute par le morceau Dark Allies du groupe Light Asylum. Casquées, harnachées sous de protections blanches et rouges, des filles, noires pour la majorité, jouent au football américain au rythme des pulsations électro énervées. Le moment est glorieux, si gonflé d’énergie et de triomphe qu’il a l’air sorti d’un rêve. A elle seule, cette scène magnifique balaye une crainte importante, celui du « film de banlieue » et toute la tentation sociologique qui allait avec.

Bande de FillesBande de Filles de Céline Sciamma

Pour son troisième long, la réalisatrice choisit la recherche plastique pour illuminer l’environnement de ses quatre héroïnes (et plus), même si le quotidien en bas d’une tour en périphérie de Paris reste bien un des enjeux du film. S’il aborde aussi celle du genre, c’est moins théoriquement que dans son précédent, Tomboy, et on se demande ce qu’en aurait pensé Jane Campion si le film avait été en sélection officielle. En effet, un des principaux enjeux de la bande de copines est l’émancipation : celle des hommes et de leurs lois, de la morosité économique, du déterminisme social. Ainsi le film oscille entre réalisme brut, scrutation d’un groupe sociologique et affranchissement au code, justement, pour préférer un habillage esthétique plutôt pop. Le dosage est quasi parfait ; le résultat virulent autant que sentimental et fut très applaudi lors de sa projection.

Mr.TurnerMr. Turner de Mike Leigh

Le fil continu de cette première journée, et il semble que ce ne soit que le début au vu des films à venir était l’opposition entre groupe et couple. Dans Mr. Turner de Mike Leigh, premier film de la sélection officielle en compétition, le peintre anglais William Turner, précurseur de l’impressionnisme, semble se dédoubler, tantôt amuseur professionnel à la Royal Academy puis homme à femmes, subdivisant encore son temps auprès de deux compagnes : une de l’ombre, domestique à son service associée à un passé heureux dans la maison familiale et aux atermoiements artistiques, l’autre plus solaire, épouse légitime des dernières années, rencontrée à la descente d’un bateau. Le film est à la fois d’un classicisme absolu (la reconstitution, la véracité historique, les tableaux), mais jamais dans ses motifs visuels ou son cheminement narratif, qui sont suprêmement « jeunes » et énergiques. Le cinéaste de 71 ans louvoie entre les embûches du film à chandelles poussiéreux, notamment grâce au comédien Tomothy Spall et à l’humour sec et méchant qui irrigue le film.

Jusqu’ici, pas de films asiatiques en compétition officielle, mais le film du turc Nuri Bilge Ceylan est présenté dès vendredi 16.

À suivre…

Pauline Labadie.

Cannes 2014 sur East Asia

Podcast spécial Cannes (avec Pauline Labadie, Victor Lopez, Julien Thialon, et des intervention de Davy Chou et Bastian Meiresonne)

Entretiens