Singapour Festivarts : Here de Ho Tzu Nyen

Posté le 5 novembre 2010 par

Présenté à Cannes durant la Quinzaine des réalisateurs en 2009, Here, premier film de Ho Tzu Nyen, est un ovni comparé aux autres productions made in Singapour. Singapour Festivarts nous a permis de redécouvrir cette œuvre au traitement documentaire qui nous plonge dans le quotidien d’un institut psychiatrique.

L’histoire : Le film nous plonge dans le quotidien de l’hôpital Islande, dont la spécificité pour soigner ses patients est de conduire une approche thérapeutique par vidéo. En effet, avec leur accord, les patients sont filmés les uns après les autres. Le but est de reproduire les scènes qui les ont conduits à leur internat pour mesurer ensuite l’impact émotionnel de la vidéo sur ces derniers durant le visionnage.

Une portée didactique

Here est un joli film émouvant à mi chemin entre fiction et documentaire : les personnages sont tous incarnés par des acteurs amateurs dont l’interprétation est bluffante de réalisme et de sensibilité. Le rythme est lent, très lent même, mais cela reflète bien l’ambiance et le train de vie qui se dégage de l’établissement.
Le métrage est à l’image d’une des premières phrases énoncées par le personnage central : lorsque des infirmiers lui demandent pourquoi il se retrouve ici, celui répond, « c’est parce que je ne suis pas là », désignant alors l’extérieur. Le ton est tout de suite donné.

Malgré un très bon accueil du film à Singapour, il n’est pourtant sorti que dans une salle unique. Et les spectateurs n’ont pas vraiment compris la portée du message. En effet, contrairement à l’Europe, tout ce qui tourne autour de la psychanalyse, psychologie et psychiatrie est encore très méconnu des citoyens du pays, alors que la société est de plus en plus confrontée à l’insanité dans de nombreux faits divers. C’est donc une volonté de l‘auteur de faire découvrir ces différentes sciences cognitives auprès du grand public.

Vous avez dit insolite ?

La mise en scène épurée est également très particulière notamment grâce à l’utilisation d’une bande sonore minimaliste et atmosphérique dont le volume s’intensifie à mesure que la caméra s’arrête sur de nombreuses images jusqu’à atteindre son paroxysme lors de longs plans fixes, principalement des paysages. En dehors de cela, il n’y quasiment aucuns thèmes musicaux, ce qui a tendance à renforcer d’avantage le réalisme du film.

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Une autre particularité de l’œuvre est la manière d’introduire les différents personnages et de révéler leur pathologie par des interviews réalisées sur les patients qui ont accepté d’être filmés. Également, l’usage répété de gros plans sur les formulaires de décharge que viennent à signer les patients et le personnel médical permet d’en apprendre un peu plus sur leur personnalité, notamment à travers leur signature. Le réalisateur filme la folie en toute objectivité, sans jamais tomber dans la complaisance ou l’apitoiement.

All we need is love

Lorsque l’un des patients est reconduit à la sortie de l’institut au bout de plusieurs années passées au sein de l’établissement, l’un des docteurs n’hésite pas à dire que la frontière entre le here et l’outside est très mince. Une interprétation possible serait que la folie guette tout le monde, personne n’est à l’abri et chacun peut basculer du jour au lendemain.
C’est d’ailleurs ce qu’il se passe dans le film : le personnage principal, a priori aussi normal que « Monsieur tout le monde », devant la retransmission d’un flash d’informations télévisés sur une manifestation qui se déroule en Thaïlande, pète soudainement un câble à la vue des images et commet l‘irréparable. Il vient tout simplement de franchir la ligne en un battement de cils.

HERE

Traité avec beaucoup de discrétion, l’amour est également au centre du film, rappelant ainsi au spectateur que cette émotion reste universelle, et transcende la condition humaine peu importe les barrières auxquelles l’individu est confronté.

En résumé : si vous avez l’opportunité de voir ce film un jour ne vous laissez pas décourager par la lenteur de la narration et par un traitement très conceptuel, car le film est une expérience singulière qui vaut vraiment le détour et qui est à mille lieux de 99% de la production cinématographique de Singapour. On a plus qu’à espérer maintenant qu’un distributeur ait l’audace de le sortir en salles ou en vidéo.
C’est donc une très bonne surprise pour un premier film et East Asia suivra avec attention le parcours de ce jeune réalisateur.
A noter que le prochain projet de Ho Tzu Nyen est un film sur la seconde guerre mondiale intégrant des éléments de Kung Fu ! Nous sommes impatients de voir le résultat !

Olivier Smach

Verdict :

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