The Voice of Distant Star de Makoto Shinkai (Rétro)

Posté le 5 juillet 2012 par

À l’occasion de la sortie DVD du Voyage vers Agartha, nous revenons sur l’œuvre, courte mais déjà passionnante de Makoto Shinkai, avec The Voice of Distant Star, diamant brut qui ouvre sa filmographie. Par Justin Kwedi.

Makoto Shinkai, en l’espace des deux joyaux de poésie que sont le film La Tour au-delà des nuages et l’OAV 5cm par seconde, s’est révélé comme un des talents émergents majeurs de l’animation japonaise. Sa touche immédiatement identifiable croisait intimisme et grandiloquence, réalisme et fantasme dans une esthétique poétique imprégnée d’une mélancolie de tous les instants. Tous ces artifices étaient au service d’une thématique récurrente, celle de l’éloignement entre les individus qui prend chez lui des proportions dramatiques immenses que l’argument soit purement poétique et fantastique sur La Tour au-delà des nuages ou plus réaliste sur le plus mature 5cm par seconde. Avant ces deux films, Makoto Shinkai avait livré toutes les clés de son art dans ce premier court-métrage, Voices of a Distant Star, qui les égale en émotion et poésie, les œuvres suivantes affinant la patte visuelle et approfondissant les univers.

Dans un futur éloigné, Mikako est la meilleure amie de Noboru depuis le collège et, passant la plupart de leur temps ensemble, ils espèrent bien être à nouveau réunis lors de leur passage au lycée. Tout s’écroule lorsque Mikako, très douée pour les sports, est recrutée dans le cadre d’un programme spatial destiné à aller affronter une mystérieuse race extraterrestre aux confins de la galaxie. Contrainte d’abandonner Noboru sur Terre, Mikako reste cependant en contact par mail avec son ami mais, au fur et à mesure de son éloignement, les messages s’espacent de plus en plus. Voices of a Distant Star, c’est tout d’abord un sacré tour de force technique.  Fort de son expérience dans le monde du jeu vidéo, Makoto Shinkai réalise entièrement seul son court qui, hormis les visages un peu grossiers, s’avère esthétiquement impressionnant de bout en bout, que ce soit par la fluidité de sa mise en scène, la variété et l’extrême recherche des décors ou encore ses idées de mise en scène brillantes. En quelques courtes vignettes, Shinkai tisse le tendre lien entre Noboru et Mikako : les deux qui s’abritent ensemble de la pluie battante, le retour à vélo sous un soleil couchant tandis qu’au loin s’envolent les fusées annonçant la séparation à venir.

Dès lors, l’immensité du cosmos et les batailles spatiales épiques alternent avec des paysages urbains ordinaires dont le lien se fait par la seule voix off épistolaire narrant les mails entre les deux amis. Les messages se raréfient au fil des sauts plus profonds dans l’hyperespace, les visages des personnages se réduisent peu à peu à des silhouettes alors que leur lien se distend mais ne rompt pas. Noboru n’ose vivre sa vie dans l’attente d’un futur message alors qu’il vieillit au contraire de Mikako, figée dans le physique de ses 15 ans et pour qui ses échanges sont la seule lumière d’un quotidien apocalyptique. Shinkai instaure une rêverie de plus en plus prononcée en nous plongeant dans les pensées des amoureux imaginant ce qui aurait pu être, traversant leurs coins favoris dans une imagerie onirique envoûtante.

L’imagerie SF si aboutie n’est pas des plus originales et on y devine certaines influences de Shinkai comme la fameuse OAV de Gainax Gunbuster à laquelle on songe lors de la bataille finale et aussi via le design des méchas. Ce n’est qu’un prétexte pour le réalisateur pour donner une teneur plus grandiose et intense encore à sa thématique. La fin ouverte est ainsi d’un romantisme absolu et idéalisé qui ne résout rien sauf l’amour indéfectible maintenu en dépit de la distance. Shinkai ose cette naïveté adolescente et pure qu’il prolongera dans La Tour au-delà des nuages avant de la questionner sur 5cm par seconde. En tout cas, voilà 25 minutes de pure magie qui en font le plus beau court de la japanimation (avec La Rose Magnétique de Koji Morimoto dans le film à sketches Memories) et un équivalent animé à La Jetée (influence assez évidente dans l’usage des images fixes) de Chris Marker.

Justin Kwedi.

Verdict :

The Voice of Distant Star de Makoto Shinkai, disponible en vidéo, édité par Kazé (coffret Makoto Shinkai avec 5 Centimètres par seconde).

Voyage vers Agartha de Makoto Shinkai, disponible en vidéo (DVD et Blu-Ray), édité par Kazé depuis le 04/07/2012.

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