Après une apparition au Festival de Berlin en 2024, le premier long-métrage de Qiu Yang, Some Rain Must Fall, fait une incursion discrète en salles, au Cinéma du Panthéon à Paris, depuis le 26 mars 2025. Réalisateur de plusieurs courts-métrages stimulants dans les années 2010, le jeune artiste chinois s’inscrit dans le cinéma d’auteur de sa génération à travers une œuvre sèche et sombre, dans laquelle son héroïne révèle peu à peu la lumière en elle derrière son visage épuisé.
Femme au foyer de 40 ans, Cai a perdu la notion de qui elle est et de ce qu’elle veut devenir. Lors d’un match de basketball de sa fille, elle blesse accidentellement une femme âgée. Cet événement apparemment anodin devient le catalyseur d’une vie qui bascule, alors que des événements du passé refont surface et qu’elle se dirige vers un avenir inconnu.
Some Rain Must Fall est un héritier de cette longue lignée de films d’auteur chinois, qui depuis la Cinquième génération des années 1980, dresse le portrait de Chinois malmenés, par l’État, leurs voisins, ou tout simplement les aléas malheureux de la vie qui s’acharnent de manière particulièrement accentuée. Si Vivre ! de Zhang Yimou (1994) en est l’éminent représentant dans le versant classique du cinéma chinois, on peut poser un jalon plus contemporain avec le polar Une Pluie sans fin de Dong Yue en 2018 (la pluie, encore elle). Dès lors, tout un courant de films urbains voit le jour pour témoigner d’une grisaille qui couvre le ciel des grandes et moyennes villes chinoises, et où se succèdent une série d’évènements dramatiques pour les héroïnes et héros de films concernés. En 2019, il y a eu An Elephant Sitting Still et Le Lac aux oies sauvages, en 2021, Are You Lonesome Tonight?, en 2023, Only the River Flows, et c’est sans compter les nombreuses occurrences aperçues de manière plus limitées en festival (Within, Absence, etc).
Qiu Yang focalise la quasi-entièreté du film sur le visage buriné et impassible de son héroïne, légèrement fébrile en cas de moments de stress, comme lorsqu’elle heurte cette vieille dame avec un ballon ou bien lorsque sa fille la questionne sur un élément de son passé. Régulièrement, l’accès à l’image pour le spectateur est encombré par des éléments de décors floutés, qui viennent surligner l’inconfort dans lequel se situe cette mère de famille en instance de divorce, où chaque séquence décrite dans le film est une épreuve pour elle, un coup dur tantôt causé par un évènement aléatoire, tantôt par la toxicité classique de l’entourage familial dans ce type de films chinois continentaux.
Arrivant donc dans une vague éprouvée de ce genre d’œuvres, Some Rain Must Fall peut sonner comme une occurrence de plus, dans une narration qui veut étouffer son personnage. Pourtant, à bien des égards, le film de Qiu Yang réussi le développement de Cai, tout comme il aura su, in fine, installer une ambiance moite et inconfortable, que le choix de Cai parviendra à éclaircir. La scène qui donne son titre au film, une légère averse lorsque deux personnages qui se connaissent bien achèvent de se séparer, a quelque chose de réconfortant, un réconfort dont on aura mesuré à quel point il a aura été difficile à obtenir. C’est par ces petites touches de mise en scène atmosphérique que le film atteint son but, celui de provoquer une sensation dans le cœur des spectateurs.
Maxime Bauer.
Some Rain Must Fall de Qiu Yang. Chine. 2024. En salles le 25/03/2025.