Les Nuits rouges du bourreau de jade de Julien Carbon et Laurent Courtiaud (cinéma)

Posté le 27 avril 2011 par

Avec Les Nuits rouges du bourreau de jade, les deux scénaristes français exilés à Hong Kong prouvent qu’ils savent filmer en dressant un portrait sensuel et trouble de leur ville fétiche. Le résultat manque sans doute un peu d’âme et de spontanéité, mais le coup d’essai n’est pas sans charme. Un petit film qui en annonce, on prend le pari là-dessus, des grands très bientôt ! Par Victor Lopez.


L’histoire : Se jouent à Hong Kong d’étranges cérémonies fétichistes, dont l’envoutante Carrie est la maîtresse nocturne. Elle expérimente à l’aide de machines infernales des perversions sadiques, dont les victimes, jeunes aventurières sous le charme de la femme fatale, ne réchappent pas toujours. Mais ce n’est pas suffisant : fascinée par la légende du bourreau de jade, qui détenait un poison aux vertus inimaginables, la belle cherche à mettre la main sur cette potion. De son côté, Catherine, une jeune française en cavale suite au meurtre de son amant, arrive à Hong Kong avec un objet précieux, qui semble bien contenir l’élixir recherché…

La réussite des Nuits rouges du bourreau de jade tient principalement au plaisir évident et communicatif que prennent les deux réalisateurs, Julien Carbon et Laurent Courtiaud, à filmer la ville qu’ils aiment tant : Honk Kong. Ils nous montrent avec bonheur les lieux, l’atmosphère et même la culture qui les fascinent, et cette balade comble le spectateur pour peu qu’il soit un peu sensible à ce type de voyage. Sans être touristique, la promenade sait prendre son temps, et suivre les personnages lors de belles scènes contemplatives. On traverse par exemple avec la française Catherine HK by night en taxi, on découvre avec elle des lieux étranges et de vieux immeubles. Loin du cliché de la ville utra-moderne, les cinéastes privilégient d’ailleurs les lieux un peu désuets (un vieux théâtre, une demeure ancienne) et filment tout cela avec une tranquillité qui va à l’encontre de l’agitation supposée de la mégalopole.

On sent d’ailleurs une forme de nostalgie durant tout le film, à la fois pour un paysage qui disparait, que pour une culture en voie d’extinction. On se réfère au premier empereur de Chine, on y voit un opéra cantonnais traditionnel, alors que la présence magnétique de Carrie Ng nous renvoie aux grandes heures de la Catégorie III. En ce constat ne concerne pas que la culture asiatique, car le cinéma européen des années 60 est sans cesse convoqué. Le personnage de Frederique Bel est ainsi réinventée en icône melvilienne, alors que la filmographie de Mario Bava (Le Masque du démon, le très grand Corps et le fouet, etc.) est sans cesse évoquée à travers les magnifiques scènes de torture du film.

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Dans cette confrontation entre Chine traditionnelle et vieille Europe se joue d’ailleurs un autre enjeu du métrage. A la fois intemporel et atmosphérique, le film arrive à concilier sa double culture sur le plan plastique. Les deux scénaristes font preuve d’une maîtrise totale du langage cinématographique, et nous surprennent par leur mise en scène gracieuse. Car les deux frenchies ne filment pas que la ville, ils filment aussi des actrices, avec une sensualité et une beauté qui mérite d’être soulignées. C’est étonnement sur le plan de l’écriture que le film se révèle plus faible et au final très inégal. Les séquences françaises sont nettement en retrait, et l’intérêt retombe à de nombreuses reprises. Par contre, dès que Carrie Ng apparait, le film fascine de nouveau.

On mettra ce caractère bancal sur le compte d’une production dont le cahier des charges impliquait une moitié du film en français et une autre en chinois. Cela donne d’ailleurs un curieux mélange et confère aux films des accents de tours de Babel inversé : tout le monde parle dans sa langue, mais tout le monde se comprend. On a ainsi du mal à croire que les gangsters de H.-K. maîtrisent parfaitement le français, même lorsqu’ils répondent en chinois… Cette artificialité fait que l’on ne s’implique jamais vraiment dans l’histoire contée et que l’on traverse le film vide de toute émotion réelle et marquante.
Malgré ce défaut, on est heureux de voir un premier film aussi maitrisé, qui marque l’émergence d’un duo de cinéastes avec lequel il va maintenant falloir compter, en espérant que l’essai soit rapidement transformé avec leur second long métrage.

Victor Lopez.

Verdict :

Les Nuits rouges du bourreau de jade de Julien Carbon et Laurent Courtiaud, en salle le 27/04/2011.

A voir, notre entretien avec les réalisateurs :

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