MUBI – Hana-bi de Kitano Takeshi

Posté le 12 août 2023 par

MUBI poursuite son exploration de la filmographie du grand Kitano Takeshi. Place à Hana-bi, réalisé en 1997.

Que reste-t-il à ajouter et qui n’a pas déjà été dit sur l’importance du film de Kitano dans sa filmographie, où son style à la fois classique et moderne se marie à la perfection à un scénario où se mêlent drame et émotion. Sixième film du réalisateur, Hana-bi referme de manière brutale la parenthèse plus légère ouverte avec les deux longs-métrages précédents qu’étaient Kids Return et Getting Any?, et Kitano renoue avec ce coté sombre et nihiliste qu’il avait commencé à développer dans Sonatine.

Dans Hana-biKitano interprète le rôle de Nishi, un flic qui va travailler pour les yakuzas afin de pouvoir offrir à sa femme mourante un ultime voyage. Ne pas se fier au résumé du film, car sous ses allures de polar noir comme le charbon, le film est une tendre et juste observation du temps qui passe, le délicat portrait d’un couple au bord du gouffre émotionnel (on sait dès le début du film que ça va très mal finir, d’une manière ou d’une autre), filmé par un Kitano qui laisse entrevoir une facette méconnue de son œuvre (les peintures) et ose quelques audaces narratives pour retarder autant que possible l’inévitable. Hana-bi est une œuvre à la structure éclatée, avec un récit qui s’étale sur deux époques. L’une qui nous montre comment l’ami de Nishi termine en fauteuil après une fusillade qui a mal fini, et l’autre quelques années plus tard, avec ce même flic paralysé qui trompe son spleen et sa solitude entre peinture pour transcrire son mal-être (on peut y voir une projection de Kitano qui s’exprime aussi passionnément par ce medium que derrière une caméra) et Nishi qui fricote avec les yakuzas pour accompagner décemment sa femme dans un dernier voyage. Ces deux époques se convoquent mutuellement et les deux lignes temporelles s’entrelacent harmonieusement, les actes et choix d’un Nishi désabusé et se consacrant corps et âme à son mariage faisant souvent écho à ses actions passées, entre culpabilité plus ou moins assumée (et légitime) dans la fusillade meurtrière et lourde de conséquence pour son collègue, et passivité passée se transformant désormais en violence parfois outrancière et froide (la première rencontre entre Nishi et les homme de main au restaurant). Si l’on est bien devant un film de Kitano avec ce rythme parfois contemplatif d’où émergent des geysers de violence, on y retrouve aussi ces petites pastilles humoristiques durant lesquelles le réalisateur profite d’une accalmie pour filmer des petites plages de comédie, de légèreté parfois non-sensiques, que n’aurait pas renié un cinéaste comme Tati (la partie de base-ball sans queue ni tète entre deux services de police).

Paradoxalement, c’est ce qui fait la force de ce film qui risque de rebuter le cinéphile curieux de découvrir l’œuvre de Beat Takeshi via ces rééditions, ce patchwork de saynètes, tantôt drôles, tantôt dramatiques, ce style parfois contemplatif, parfois nerveux et sec comme un coup de feu. Mais il serait dommage de se priver de ces conditions optimales pour apprécier à sa juste valeur la Kitano‘s touch, ce style et cette vision de l’humain, entre amour et violence, gravité et légèreté.

Romain Leclercq.

Hana-bi de Kitano Takeshi. Japon. 1997. Disponible sur MUBI