Les Donglees, une bande d’amis constituée de 3 jeunes garçons, vivent leur premier été de lycéen. Ce qui débute comme une simple fête d’amis en forêt tourne rapidement en une aventure charnière pour nos 3 protagonistes. Goodbye réalisé par Ishizuka Atsuko signe le retour du studio Madhouse sur nos grands écrans, après Okko et les fantômes en 2018.
Tout l’enjeu du film est niché dans ce premier été de lycéen, sonnant tout aussi bien comme étant leur dernier été. Le film baigne dans cette mélancolie aigre-douce, les personnages regrettant déjà quelque chose qu’ils sont en fait sur le point de perdre. Roma, le fondateur de la bande, a vu son meilleur ami Toto partir à Tokyo pour ses études. Il a peur de le perdre définitivement, une proximité s’étant instaurée entre lui et son ami depuis ce départ. Toto, quant à lui, ayant déjà un pied dans le monde étudiant urbain, s’avère plus mature, mais aussi bien plus cynique lorsqu’il retourne voir Roma dans sa petite campagne. Enfin, le troisième protagoniste (le plus énigmatique de la bande) se nomme Drop. Ce dernier est un ami de Roma que Toto ne connaît pas, et qui a intégré la bande en son absence.
Il est surprenant que, dans cette ambiance volontairement un peu amère et avec des partis pris parfois surprenants, le tout baigne dans un certain académisme pouvant rebuter, d’autant plus que le film ne révolutionne ni le genre du teen movie, ni celui du coming of age. Il ne surprend pas vraiment par ses péripéties, reste très sage, même dans ses pics de grossièretés enfantines (qui restent, cependant, des scènes hilarantes) et surtout, il ne dit rien de nouveau sur l’adolescence, ni même sur l’âge adulte ou l’enfance. Il n’est pas un mauvais représentant du genre, ni même un échec : il reste une bonne comédie avec ses fulgurances et ses longueurs. Mais ce n’est pas en cela que le film se démarque.
C’est bien à la périphérie de cet académisme que se trouvent des étrangetés, presque des aberrations, qui rendent le film alors bien plus intriguant qu’il ne le laisse croire. Tout d’abord, ce personnage de Drop, et le traitement lui étant accordé, est assez mystérieux. Une certaine partie de son personnage s’avère être, très paradoxalement, complètement hermétique au spectateur : il est premièrement présenté comme un jeune gamin puéril mais drôle et gagne en matière à mesure qu’il semble ne pas être sur le même plan que les deux autres protagonistes. Alors que le rapport à l’aventure qu’ils sont sur le point de vivre des deux anciens grands amis est d’abord motivé par un besoin d’adrénaline enfantin, Drop, lui, y voit très rapidement quelque chose de bien plus important et de plus profond. Il semble presque avoir conscience, malgré son côté ultra-puéril, de ce que vivent concrètement Roma et Toto, au point même d’être plutôt clairvoyant quant à la charge symbolique de ce voyage (charge qui reste purement scénaristique et qui ne devrait pas être conscientisée par les personnages). Il devient alors de plus en plus opaque en tant que personnage, au point de quasiment atteindre le stade d’une allégorie personnifiée de la situation entre ses deux amis, allégorie poussée à l’extrême à travers un premier retournement de situation très pudique (puisqu’il n’est presque pas évoqué frontalement par la narration), faisant un lien tacite entre cet été crépusculaire de l’enfance de Toto et Roma, et la propre destinée de Drop. Le traitement de ce personnage est réellement fascinant, alors même qu’il n’est d’abord qu’un cliché ayant tout pour être insupportable et creux. La pudeur avec laquelle est traité ce retournement de situation rend le tout encore plus mystérieux, mais d’autant plus agréable. Il est cependant regrettable que, de cet aspect opaque et énigmatique, en soit dégagé, à la toute fin du récit, un second retournement de situation qui vient à la fois confirmer que Drop cachait en effet bien son jeu, mais surtout, qui vient trouver une justification scénaristique plus ou moins cohérente à tout cela. Le final n’est pas non plus gâché, réservant son lot de bons sentiments efficaces au spectateur, mais malheureusement d’une manière plus commune, alors même que le film gagnait en puissance.
Tout le film fonctionne sur ce régime : il est d’abord plutôt classique et très bien ficelé, et possède, sous ses nombreux aspects en apparence très superficiels, de petites idées aussi intrigantes que touchantes. Il en est ainsi de même pour Roma et une histoire amoureuse très convenue, donnant curieusement lieu à l’idée visuelle du film la plus plastiquement touchante. Mais aussi pour Toto, qui derrière son cynisme urbain contre un charme perdu de la campagne sonnant comme un lieu commun très courant et éculé, appelle miraculeusement à une semi-conscience de l’aspect totalement ressassé du sujet qu’il incarne, et à une exploration du personnage un peu plus intéressante. Et si cette volonté de proposer avant tout un film « bien fait » fait que l’on retire de l’expérience un peu de frustration, c’est de cette fragilité que les idées les plus intéressantes du métrage arrivent à éclore.
En ressort donc un film plutôt inégal, qui arrive à faire de cette ambivalence une force dans ses trois premiers quarts, pour devenir un peu plus conventionnel sur la fin. Il faut cependant réaffirmer qu’il se tient de bout en bout, même en tant que teen movie, et qu’il ne cesse de fournir de nombreuses idées intéressantes et parfois émouvantes, qu’elles soient purement plastiques ou même plus discrètes.
Thibaut Das Neves
Goodbye d’Ishizuka Atsuko. 2022. Japon. En salles le 18/01/2023