La 12e édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) a toujours été éclectique dans sa programmation. Cette fois, le festival se penche sur Vanishing Time: A Boy Who Returned, aventure adolescente proche du conte. Une jolie histoire d’amour et de douceur poétique.
Avec une durée de plus de deux heures, le spectateur pouvait craindre un pathos manquant de subtilité qui aurait fait basculer le film dans l’insupportable. Pourtant, si l’œuvre d’Um Tae-hwa dérange, les soucis se trouvent ailleurs, le pathos et l’émotion étant maîtrisés à la perfection.
Vanishing Time est découpé en trois actes très clairs. Le premier nous fait découvrir la toute jeune Su-rin, adolescente de treize ou quatorze ans qui n’a pas eu une vie facile. En effet, il y a deux ans à peine, sa mère s’est mariée avec un autre homme. Six mois plus tard, il y a un accident de voiture et la mère de l’héroïne meurt. Son beau-père s’occupe d’elle mais, entre la culpabilité (il était au volant) et le fait que les deux ne se connaissent pas et ne se comprennent pas, c’est loin d’être facile pour l’adolescente. A cela s’ajoute qu’ils viennent de déménager et de s’installer sur une petite île, à cause du travail du beau-père qui, de surcroît, est souvent en déplacement la nuit, laissant l’enfant toute seule. Sans surprise, Su-rin est quelqu’un de solitaire, qui se réfugie dans son monde, dans son imaginaire. Par hasard, elle rencontre Sung-min, adolescent de son âge et orphelin. Les deux apprennent à se connaître, Su-rin ouvre la porte de son monde au jeune homme, et ils tombent doucement amoureux. Mais, lors d’une escapade dans une grotte avec deux autres enfants de son âge, tout le monde sauf Su-rin disparaît mystérieusement.
Ce premier acte est particulièrement réussi. Su-rin est incarnée par la toute jeune Shin Eun-soo, qui parvient magnifiquement à faire passer les émotions, entre sa solitude, son incompréhension du monde, mais aussi l’amour naissant entre elle et son ami. Cette partie est belle, touchante, poétique, triste mais aussi pleine d’espoir. Une vraie réussite, magnifiée par une réalisation sobre et en retrait, ne détournant jamais l’attention du spectateur des personnages.
Le deuxième acte déploie un univers hors du temps, paralysé, dans lequel sont coincés les trois adolescents ayant disparu. Les effets spéciaux sont superbes mais légers et toujours au service de l’histoire, montrant comment les choses restent immobiles et, si nous ne sommes pas dans un recherche de réalisme et de crédibilité (la notion de survie n’est jamais mise en avant), la solitude et le désir de vivre (ou pas, l’envie d’en finir pour quitter enfin ce monde étant toujours présent) sont au cœur des thématiques, et le réalisateur les déploie avec justesse, sans pathos. Cette deuxième partie, bien plus triste que la précédente, se révèle aussi intéressante que fascinante, le réalisateur ne perdant jamais son envie de poésie, mais sachant toujours comment éviter d’en faire trop.
Hélas, le troisième acte, en voulant insister sur la pureté intemporelle de la relation entre les jeunes gens, se rate complètement, puisque Sung-min a vieilli dans son monde hors du temps. Ainsi, le réalisateur, choisissant clairement son camp, déploie des thématiques semblant donner raison à la pédophilie, tant que l’on reste dans une certaine pureté, et cette pilule se révèle particulièrement indigeste, le dernier plan étant à ce titre nauséeux.
Ainsi, Vanishing Time: A Boy Who Returned est nanti d’énormes qualités, n’étant jamais trop long, avec des acteurs excellents, des thématiques très belles et poétiques, mais se permet d’oser une conclusion proche de l’inadmissible et détruisant toutes les qualités mises en avant précédemment. Cela se révèle bien dommage, tant le film, s’il était parti vers un troisième acte bien différent, aurait pu être un bijou d’émotion et de poésie.
Yannik Vanesse