Critique Preview : La Bataille de la Montagne du Tigre de Tsui Hark (FCCF)

Posté le 9 mai 2015 par

Après une avant-première européenne au Brussels International Fantastic Films Festival, le dernier film de Tsui Hark sera à Paris à l’occasion du Festival du Cinéma Chinois en France.

Au cours de sa carrière, Tsui Hark a souvent officié dans le wu-xia pian, livrant quelques fleurons du genre, comme The Blade ou Il Etait une fois en Chine un et deux, ainsi que quelques pépites surprenante, comme Butterfly Murders qui fut son premier film. Depuis que Hong-Kong est retourné dans le giron chinois, les films en costume sont devenus l’essentiel de sa filmographie, le gouvernement chinois et la censure aimant ces ambiances patriotiques, que Tsui Hark arrive toujours à égratigner quelque peu (Dans Young Detective Dee : Rise Of The Sea Dragon, les membres de la famille royale devaient boire de l’urine d’eunuque). Pour sa nouvelle oeuvre, le réalisateur fait un bon dans le temps pour une fresque post Seconde Guerre Mondiale. Il a beau troquer les sabres contre des fusils, il garde cependant la même atmosphère. La Bataille de la montagne du tigre lui permet donc d’offrir un film en costumes (même s’il s’agit d’uniformes de soldats) suffisamment patriotique pour ne pas être dérangé par le gouvernement chinois, et ainsi avoir un joli budget, mais il peut se laisser aller à des gunfights, inspirés de la grande époque du polar de Hong-Kong, genre dans lequel le réalisateur a toujours été très présent.

 la bataille de la montagne du tigre

Ici, les héros sont des soldats d’élite, membres du PLA, envoyés pour éliminer les brigands qui sévissent dans la région. Ils sont peu nombreux, peu armés, meurent de faim, crèvent de froid, mais vont affronter sans peur Faucon et son immense armée, cachés dans une forteresse imprenable. Les personnages sont caricaturaux, donnant à l’ensemble une ambiance de films de propagande, les gentils soldats chinois sans peur défendant les innocents des vils criminels (sans doute anti-communistes). Cependant, il est aisé de reconnaitre chacun à sa fonction, et les méchants semblent tout droit sortis d’un comic-book, Faucon, incarné par Tony Leung Ka Fai étant à ce titre un bonheur de cabotinage, chacune de ses apparitions se révélant inoubliable. Le film se base sur un livre de Qu Bo, Patrouilles dans la forêt enneigée, et il est facile de comprendre que le gouvernement chinois ait été plus que ravi de voir l’ouvrage adapté. Le livre raconte la vie de l’auteur, qui a rejoint le parti communiste, avant d’aller étudier dans une école militaire. Reporter/soldat, il sera envoyé, en 1945, avec une escouade, défaire les bandits de la région, alliés au reste de l’armée nationaliste. A cela, le réalisateur ajoute des séquences dans le présent (le film est construit comme un long flash-back) qui peuvent paraitre difficilement compréhensibles, n’apportant pas grand chose, mais qui permettent de magnifier les actes passés dans le présent, atteignant un summum de propagande dans le premier final. Tsui Hark le pervertit en ajoutant directement un nouveau duel de fin, entre Faucon et son héros, un moment de folie dantesque qui explose tout et fait basculer La Bataille de la montagne du tigre dans un second degré bien plus réjouissant.

Le scénario oscille entre classicisme et propagande. Le réalisateur accroche cependant immédiatement le spectateur, grâce à un mélange homogène entre gunfight et manipulations, l’un des héros s’infiltrant dans le camp ennemi avec un bagout et un humour qui forcent le respect. Au niveau des échauffourées, Tsui Hark livre de superbes séquences, arrêtant par moment l’image pour mieux dévoiler un morceau de bravoure ou une balle particulièrement bien placée, et, utilisant avec maestria la 3D, comme toujours, s’autorise des combats épiques qui dévoilent quelques jolies effusions de sang. Le plaisir est immédiat, et le spectateur peut se laisser aller à découvrir ces combats dantesques, l’auteur mettant en scène plusieurs fusillades prodigieuses. Quand il passe aux séquences de manipulation, Tsui Hark dévoile des dialogues manipulateurs dignes de Detective Dee, avec quelques moments d’humour un peu gras mais bienvenus, comme lorsque deux frères s’en vont déféquer derrière une congère.

Certes, certains peuvent regretter sa période de polars hong-kongais, mais Tsui Hark prouve, avec La Bataille de la montagne du tigre, qu’il est toujours un grand réalisateur. Adorant la 3D et maîtrisant à la perfection le procédé, il livre une nouvelle pépite dans sa filmographie aussi éclectique que passionnante.

Yannik Vanesse.

La Bataille de la montagne du tigre, de Tsui Hark, projeté au Festival du Cinéma Chinois en France.

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