Albator d’Aramaki Shinji, film d’ouverture du Brussels International Fantastic Film Festival 2014

Posté le 1 avril 2014 par

Albator, manga culte de Matsumoto Leiji, arrive sur nos écrans sous la houlette d’Aramaki Shinji, réalisateur entre autres d’Appleseed.

En voilà un nom qui fait vibrer la douce corde de la nostalgie chez de nombreux trentenaires : Albator, corsaire de l’espace, idole des (plus si) jeunes. Le retour au premier plan du héros créé il y a maintenant 44 ans par Matsumoto Leiji est un événement. Parce que le personnage est légendaire et parce que les moyens sont là. Une grosse équipe, cinq ans de production, beaucoup de pression donc.

Il y a quelque chose de touchant dans cette itération des aventures du corsaire de l’espace. Une énergie juvénile et naïve irradiant le long métrage, touchant l’adolescent qui sommeille encore en chacun de nous. Cette soif de liberté, d’aventure des membres de l’Arcadia, se rebellant contre un système injuste, est communicative. Surtout, c’est la vision qu’a Aramaki du personnage d’Albator – poétique et stylisée – qui est la grande force du film. Le film prend le point de vue d’un autre personnage, Yama, espion envoyé pour assassiner le corsaire, mais le corsaire est de tous les plans. Même quand il n’est pas là, son ombre plane, comme un fantôme qui rôde dans les couloirs de l’Arcadia. Surtout, Albator est un concept, une idée, qui germe en chacun de nous. Une vision de la lutte, un feu qui ne doit surtout pas s’éteindre. En cela, Aramaki livre le plus beau des hommages à Matsumoto et son personnage. Peu importe sous quel format, le scénario, l’important est que le personnage perdure. Cette vision sans une once de cynisme est revigorante, émouvante aussi à certains moments, mais marque également les limites du long métrage, qui a beaucoup de mal à aller au-delà de ce que représente son personnage principal, aussi réussi soit-il.

albator-corsaire de l'espace

Albator, corsaire de l’espace, fait beaucoup penser à Final Fantasy : les créatures de l’esprit, gouffre financier réalisé par le grand Sakaguchi Hironobu, dans sa volonté louable de proposer une fiction adulte aux thèmes d’actualité. Mais comme le film de 2001, Albator perd le spectateur en route, à force de détours, de twists forcés et d’un scénario faussement complexe. On y parle d’écologie, de guerre, d’humanité perdue dans un univers mêlant le space opéra et la tragédie shakespearienne. Des thèmes éculés donc, qui ne sont pas rendus intéressants par des dialogues explicatifs et sentencieux. Finalement, Albator souffre du mal touchant actuellement les blockbusters américains. Il y a aujourd’hui dans le blockbuster US une volonté de tout rationaliser et expliquer pour ne pas perdre le moindre spectateur en route. Quand le scénario se révèle déjà simpliste, il est difficile de broder 1h50 sur ce mode. En résulte une lourdeur de tous les instants et un sentiment de vide difficile à combler. Ce que n’arrivent même pas à faire les scènes d’action, durant lesquelles on s’ennuie poliment. Mis à part un climax généreux, il faut reconnaître qu’Albator manque de morceaux de bravoure, d’occasion de réellement vibrer.

Avec son scénario minimaliste pourtant incompréhensible par instant et une patte graphique assez particulière (à mi-chemin entre le photo réalisme et le manga), on se dit qu’Albator aurait fait un jeu de rôle plus réussi qu’un long métrage un peu vide et pompeux. On retiendra tout de même le soin apporté à l’écriture et l’animation d’Albator, véritable cœur du film et un vibrant hommage à l’œuvre de Matsumoto Leiji qui se doit d’être transmise de génération en génération.

Jérémy Coifman.

Albator, corsaire de l’espace,  d’Aramaki Shinji, Japon, 2013. En ouverture du BIFFF 2014, le 8 avril à 20h en 2D et à 23h en 3D. Toutes les infos via le site du festival