Au menu du jour, Andy Lau s’en met plein la panse pendant que le cinéma indien nous offre des petits films à emporter et que la Quinzaine aurait pu nous transformer en cannibale, mais on lui préfère un mini fallafel. Par Victor Lopez.
On mange beaucoup à Cannes, mais plus dans les films qu’en dehors, surtout pour les journalistes de cinéma, qui peinent parfois à trouver quelques minutes pour manger ne serait-ce qu’un sandwich entre deux projos. C’est sans doute pour cela que ceux-ci se retrouvent obsédés par la nourriture, donnant dans le pire des cas dans le racisme inacceptable (un spectateur ulcéré par Shield of Straw aurait crié à Miike à l’issu de la projection : « Retourne vendre des Sushi »), au mieux quelques perspectives étrange sur les films (Variety voit dans Blind Detective de Johnnie To un généreux « food porn »).
Dire que ces deux films sont fraichement accueillis cette année est d’ailleurs un euphémisme. Shield of Straw de Miike Takashi et Blind Detective de Johnnie To semblent surtout heurter le goût cannois par le fait de ne pas se conformer à l’idée que le festivalier se fait a priori d’un film de Miike et de To. Un blockbuster japonais assez classique de la part de « l’enfant terrible du cinéma japonais » fait tache, tout comme une comédie foutraque du maître du polar stylisé. C’est l’envers de la politique des auteurs mal digérés qui plane : pour plaire ici, un film, plus qu’être bon, doit avant tout ressembler à l’idée que l’on se fait de sa signature. C’est le cas pour Blind Detective, mais surtout pour Shield of Straw, qui a la malchance de se retrouver en compétition officielle, où cette maxime est portée à son paroxysme. Vu comme un film d’exploitation japonais, Wara no Tate trônerait plutôt dans le haut du panier 2013. Perçu comme un film en compét à Cannes, « le Miike » fait tache, et risque de se coltiner une réputation qu’il ne mérite sans doute pas tant que ça.
L’avantage des premiers films est que ce genre de préjugé est encore inexistant. C’est ainsi avec une flatteuse réputation que The Lunchbox de Ritesh Batra était attendu. Là encore (lire jour 3), cette charmante comédie romantique indienne se situe à mi-chemin entre le divertissement populaire et indépendant, en prenant le meilleur de deux (peut-être une nouvelle définition du Masala). En contant la correspondance entre un homme et une femme à travers une lunchbox envoyée par inadvertance, Ritesh Batra signe un feel good movie sensible et touchant, faisant un beau portrait de la solitude urbaine.
Outre le plaisir de retrouver le grand Irfan Kahn, qui apporte une touche d’humanité à son personnage un peu classique de vieux ronchon s’ouvrant enfin à la vie des années après la mort de sa femme grâce à la naissance de l’amour par l’art culinaire, il y a Nawaazuddin Siddiqui, l’acteur phare de la nouvelle vague indienne de toutes les productions cannoises de 2013. Sa présence à la fois ici et dans Monsoon Shootout, Gangs of Wasseypur, et Bombay Stories finit en effet de donner l’impression d’une véritable famille du nouveau cinéma indien.
C’est surtout l’envie de se faire un bon restaurant indien que nous laisse au final The Lunchbox (tout comme nous n’avons pas résister à l’appel du restaurant chinois après Blind Detective), mais c’est l’Israélien A Strange Course of Events qui fera finalement office de repas. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le nouveau film de Raphaël Nadjari nous laisse pourtant sur notre faim. Pas grand-chose à se mettre sous la dent derrière ce beau titre qui annonçait une comédie absurde et décalé. On veut rapidement passer au dessert cannibale avec We are what we are, remake américain du beau film d’horreur mexicain déjà chroniqué ici, mais la file d’attente nous pousse à abandonner nos instincts anthropophages, qui ressurgissent en passant devant la salle Debussy, qui projette Les Salauds de Claire Denis, réalisatrice de la belle histoire de cannibale Trouble Every Day. Mais nous préférons finalement le clair de lune au Claire Denis, et allons-nous coucher tôt, pour ne pas rater Only God Forgives aux aurores.
Victor Lopez.
Retrouvez ici notre tableau de la croisette, tous les films de Cannes par l’équipe d’East Asia
Retrouvez ici les autres carnets de Cannes :
Cannes, jour 1 (jeudi 16 mai 2013) : Train in Vain
Cannes, jour 2 (vendredi 17 mai 2013) : Yellow Submarine
Cannes, jour 3 (samedi 18 mai 2013) : Cannes, sauce curry
Cannes, jour 4 (dimanche 19) : L’enfance de l’art
Cannes, jour 5 (lundi 20 mai 2013) : Straw Dogs
Cannes, jour 6 (mardi 21 mai 2013) : La grande bouffe
Cannes, jour 7 (mercredi 22 mai 2013) : Only Cannes Forgives
Cannes 8 (jeudi 23 mai 2013) : Norte, la fin du festival
Cannes, jour 9 (vendredi 24 mai 2013) : Et le phœnix d’or est attribué à…
Cannes, jour 10 (dimanche 26 mai 2013) : Palmarès asiatique !