LIVRE – Le bonsaï qui cache la forêt d’Alain Michel Jourdat

Posté le 14 juillet 2023 par

Aux éditions Jacques Flament, Le bonsaï qui cache la forêt s’essaye à l’exercice sagace et périlleux de rafraîchir les innombrables ramifications du cinéma japonais de la tradition à partir de quatre de ses plus éminents metteurs en scène :  Ozu Yasujiro, Mizoguchi Kenji, Naruse Mikio et Kurosawa Akira. Une anthologie croisée par la plume avisée d’Alain Michel Jourdat, parue le 10 avril 2023.

Entreprise complexe et audacieuse que de dresser le portrait d’un cinéma patrimonial aussi riche, ondoyant et emblématique que celui du Japon, nation cinématographique par excellence. « Que peut-il bien y avoir de comparable entre le regard d’entomologiste attendri et un brin paternaliste posé sur la famille nippone d’un Ozu, l’effleurement soyeux des héroïnes déchues d’un Mizoguchi, les intermittences sentimentales de l’éternel féminin calquées sur les intempéries climatiques d’un Naruse et les emballements épiques et l’humanisme d’écorché vif d’un Kurosawa », nous demande-t-on en quatrième de couverture ? C’est à ce questionnement qu’Alain Michel Jourdat répond au fil d’un ouvrage pour le moins exhaustif consacré à ces grands noms du cinéma japonais, qui, tour à tour, évoquent les branches d’un bonsaï soigneusement taillé selon la tradition, aux racines férocement ancrées dans leur époque.

Au sein d’un seul et même opus, Le bonsaï qui cache la forêt se laisse découvrir et redécouvrir à quatre reprises, suivant quatre sentiers distincts, plus ou moins balisés, que l’on arpente au gré des incursions et interactions cinématographiques. Sans pour autant choisir le chemin de l’intertextualité, Alain Michel Jourdat se justifie d’une telle approche au cœur-même du texte, en son épicentre où le shomingeki d’un Ozu galvanise des forces esthétiques semblables à celles d’une tragédie shakespearienne revisitée par Kurosawa. L’identité cinématographique japonaise de tout un âge d’or s’exerce au fil des pages et d’un corpus scrupuleusement étudié avec la verve qui revient à l’exploration de tels monuments du 7e art.

Thèmes, registres, motifs, occurrences, paradigmes, singularités et infusions sont désossés selon une méthodologie fraîchement libérée de la prose et des contraintes rédactionnelles académiques, la plume de l’auteur s’autorisant quelques réjouissantes envolées pour un confort de lecture affermi. L’importance du contexte historique n’est pas non plus éludée et défriche bon nombre de problématiques sociétales, au demeurant indissociables des films mentionnés (le patriarcat chez Naruse, la figure féminine chez Mizoguchi…). Les cinéastes sont donc, à part égale, sujets à cette autopsie, de laquelle sont extirpées les signatures de chacun avec une lucidité étonnante. Alain Michel Jourdat publie ainsi un livre à posséder sur sa table de chevet pour quiconque éprouve un amour inconditionnel à l’encontre du cinéma japonais, et souhaite à l’issue poser des mots sur la beauté mystérieuse, envoûtante et étrangère de ses images.

Richard Guerry.

Le bonsaï qui cache la forêt d’Alain Michel Jourdat. Paru aux éditions Jacques Flament le 10/04/2023.

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