ETRANGE FESTIVAL 2025 – The Cursed: Insatiable Desires de Hong Won-ki

Posté le 19 septembre 2025 par

Réalisé par Hong Won-ki, créateur très prolifique dans l’industrie de la k-pop, The Cursed: Insatiable Desires est un long-métrage horrifique sous la forme de film à sketches. Assez banal, le film brille autant pour ses très rares idées que pour son formatage assez éreintant.

The Cursed: Insatiable Desires est un film à sketches donc, qui a pour particularité de lier chacun de ses segments à travers une ligne rouge très vague, laissant au spectateur le soin de recoller, ou non, les morceaux. Bien qu’assez chaotique, ce liant est l’une des rares bonnes idées du cinéaste dans son film. Il n’est jamais envahissant, puisque ce lien ne change finalement presque rien à chacun des segments et se destine uniquement au spectateur curieux. Il rajoute en fait au spectacle une dose assez amusante de ludisme, la forme du film à sketches s’apparentant dès lors à une sorte de puzzle à reconstituer. Mais il faut reconnaître aussi qu’assez rapidement, ce liant devient tout à fait inintéressant et perd de vue le pouvoir qu’il possédait. Et malgré le reproche évident que l’on pourrait faire au scénario du film, ce n’est pas forcément en épaississant son univers qu’il aurait pu passer du divertissement formaté au film d’horreur intéressant. L’écriture du film, bien que totalement insignifiante, n’est pas tant un problème dans un projet comme celui-ci. C’est avant tout dans le manque de ludisme, dont le cinéaste avait bien flairé l’importance en début de film, qu’Hong Won-ki échoue totalement. Et malheureusement, ce manque de ludisme s’accompagne d’un manque à tous les niveaux au fur et à mesure que le film se déploie.

The Cursed: Insatiable Desires commence de manière très intrigante : on retiendra surtout ses deux premiers segments qui, s’ils ne sont pas bons à proprement parler, réussissent des choses et donnent de l’espoir pour la suite. Le premier revisite le film de zombie avec cette fois-ci une épidémie dont la source provient d’un arbre ancestral corrompu par on ne sait qui, on ne sait pourquoi, et dont le pollen vient faire bourgeonner des fleurs sur le corps des habitants de la ville de manière aussi jolie que répugnante. Rien qu’ici, même si on peut déplorer une réalisation très banale, une écriture tout aussi classique et finalement un découpage qui n’est pas à la hauteur de l’ambition contenue dans son idée, le cinéaste apporte tout de même par touche de très bonnes idées graphiques ainsi que des tournures scénaristiques sur le papier intéressantes. Il s’éloigne aussi des mauvais standards d’une horreur contemporaine à la fois morale et lisse pour nous amener sur un terrain (très légèrement) plus trouble. Il en sera de même pour le second segment qui, s’il commence comme une sorte de Beauty Water dénonçant l’industrie de la beauté en Corée va, finalement, s’orienter vers quelque chose de bien plus bas, plus absurde et de plus jouissif. Mais à partir du 3e segment, les bonnes idées s’en vont et le formatage industriel s’impose non plus comme étant la norme, mais comme étant la seule ambition derrière chaque décision du film – excepté ce liant bien trop maigre pour nous sortir définitivement de la torpeur instaurée par ce film d’horreur industrialisé à souhait. Les clichés s’enchaînent, les mauvaises idées horrifiques sont tout aussi mal exécutées qu’elles sont mauvaises… Le film s’effondre en laissant de côté le peu de choses qui pouvait l’élever de son statut de film formaté : des idées horrifiques à la fois graphiques et jouissives et un aspect décomplexé qui donnait à ce formatage un côté supportable et peut-être presque cohérent.

The Cursed : Insatiable Desires n’est donc pas la série B jouissive qu’elle aurait dû être et vers laquelle elle semblait s’orienter, ni le détournement rageur que l’on pouvait espérer. Peut-être par volonté de ne pas faire de vague, ou plutôt par volonté de vouloir faire un bon film d’horreur dans les canons du genre et de l’industrie, le cinéaste sabote totalement son projet en se pliant à ses normes mortifères. Tout y est : la violence dénonce un message important car elle ne peut (et ne doit) se suffire à elle-même, la forme n’est jamais disruptive dans une volonté d’accessibilité (un comble pour un film d’horreur) et surtout, tout respecte tout un tas de règles qui n’attendent qu’à être brisées, détournées ou revisitées. Avant d’être un film d’horreur, The Cursed: Insatiable Desires fait le choix d’être surtout un contenu au sens contemporain du terme : il sera parfait pour combler les trous d’un catalogue de service de streaming ou bien pour être découpé en multiples parties puis rediffusé sur les réseaux sociaux.

Thibaut Das Neves.

The Cursed: Insatiable Desires de Hong Won-ki. Corée du Sud. 2025. Projeté à L’Étrange Festival 2025.