Okinawa International Movie Festival 2019 – Entretien avec Okuda Eiji

Posté le 8 mai 2019 par

Okuda Eiji est un acteur et réalisateur (cinq films à ce jour). Il a mené une collaboration importante avec le cinéaste Kumai Kei, ainsi qu’avec Zeze Takahisa. Il a également tourné dans le dernier film de Kumashiro Tatsumi. Sa fille Endo Momoko compte parmi les figures à suivre de la production nippone actuelle. Rencontre avec Stephen Sarrazin lors de la 11ème édition de l’Okinawa International Movie Festival, où l’acteur venait présenter Born Bone Born.

Au cours de votre carrière, vous avez souvent joué des rôles de durs. Cette fois, votre personnage dans Born Bone Born (lire ici) est nettement plus fragile. Est-ce cela qui vous attiré dans le scénario ?

Tout à fait. Ces cinq dernières années, j’ai joué des chefs d’entreprise, des chefs-détective, des chefs-yakuza… et ça devenait lassant. Je repensais au début de ma carrière, à la diversité des rôles, y compris des personnages sans pouvoir. Il y a deux ans, j’ai eu 65 ans, et j’ai pris une pause, un mois, afin de réfléchir à la suite de ma carrière, ce que je voulais encore tenter, ou retrouver. Je voulais quelque chose de plus réaliste, plus humain, qui reflétait également le fait que je vieillissais. Puis ce scénario m’est venu et c’était ce que j’attendais.

Étiez-vous familier avec ce rituel, Senkotsu, de laver les os des morts quatre ans plus tard ?

Non, pas du tout, ce fut un choc de le découvrir.

On découvre au début du film un plan du visage de votre femme dans ce que l’on croit être un cercueil. Puis un autre plan, en plongée verticale nous révèle qu’elle se trouve dans une boîte en bois, les jambes pliées, qui sera scellée sous peu. Quelque part, vous vous trouvez également dans la boîte, votre âme du moins, et il faudra attendre le retour de vos enfants, pour accomplir le rituel, avant d’être libéré. Cela fait sens ?

Votre remarque me touche beaucoup, car en effet, après la disparition de sa femme, il est vide, quelque chose lui a été retiré. On le voit dans les recoins de la cuisine, qui s’enivre chaque soir. Ce rôle, dans le lien qui se tisse entre mon personnage et celui de sa fille, m’a rappelé la naissance de mes deux filles, lorsque je disais à ma femme qu’elle devait avoir une fille, interdit d’avoir un garçon ! Je ne voulais pas d’un être qui pouvait trop me ressembler, être trop comme moi. Et dans le film, c’est ce lien avec sa fille qui le sauve. Au contraire du rapport très conflictuel avec le fils. D’ailleurs pendant le tournage, je dînais pratiquement tous les soirs avec la comédienne qui jouait ma fille (Misaki Ayame), tandis que l’acteur qui tenait le rôle de mon fils et moi ne nous sommes pas adressés la parole pendant le tournage.

Un des aspects intéressants du film est dans sa façon de montrer cette île, Aguni, et rien d’autre. Pas de présence américaine, pas de télévision ou d’ordinateurs, à peine quelques plans de téléphones portables. Vous avez souvent tourné dans des films urbains ; quelle fut votre expérience de vous retrouver dans un petit village, sur une île isolée ?

Ce fut une expérience unique, car pour la première fois de ma carrière, je ne relisais pas le scénario lorsque je rentrais à l’hôtel. Je souhaitais m’imprégner du lieu, de la terre, du vent qui souffle sur l’île. J’y ai passé un mois en travaillant de cette façon. Je n’ai jamais appris le jeu à la fac, ni une technique précise. J’ai eu un maître, qui était une star de films d’action. Je crois qu’il existe encore de grands rôles pour les acteurs de ma génération. Nous parlions avant l’entretien de Osugi Ren. Nous sommes moins nombreux à pouvoir jouer de tels personnages, nous avons encore une fonction.

Vous êtes également cinéaste. Travaillez-vous sur un nouveau projet, et les conditions de production ont-elles changé selon vous ?

Oui, je vais tourner en octobre cette année, je joue également dans le film car c’est un moyen d’économiser… le personnage principal est une femme.

Vous avez deux filles qui sont également dans le milieu du cinéma, dont Ando Momoko qui est comédienne et réalisatrice (1). Parlez-vous ensemble de vos projets ?

Il y a environ quatre ans, nous avons décidé d’arrêter d’en parler. Mais auparavant, oui, nous discutions de tout, du scénario, de technique… maintenant c’est plutôt simplement s’annoncer un projet. Mais au fond, je souhaiterais toujours lui poser de nombreuses questions sur ce qu’elle fait. Ce qui importe, nous en parlions, c’est qu’il y ait toujours plus de réalisatrices dans le cinéma japonais. Elles ont plus de profondeur, d’humanité.

1- Son autre fille Ando Sakura a tourné dans Une Affaire de famille de Kore-eda Hirokazu.

Propos recueillis par Stephen Sarrazin, Naha, avril 2019. Traduit du japonais par Fujio Matayoshi. 

Merci à Aki Kihara et Shizuka Murakami.

11th Okinawa International Movie Festival, du 18 au 21 avril 2019. Plus d’informations ici. 

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