VIDEO – Colonel Panics de Cho Jinseok : Quand L’embryon part braconner

Posté le 14 juillet 2018 par

Colonel Panics de Cho Jinseok tente de donner une nouvelle vie à un cinéma subversif japonais qui semble avoir disparu. Le film, par son appropriation des nouvelles images, nous offre une vision transgressive du Japon et une digression dans les tréfonds de l’humanité dans la lignée de cinéastes provocateurs tel que Oshima Nagisa ou Kumakiri Kazuyoshi.

Le métrage nous propose de suivre deux hommes dans ce qui semble être deux époques différentes. Kaito, un salaryman qui est une sorte de rédacteur dans une revue historique dans le Japon contemporain. Et Nagisa, qui teste des programmes de réalité virtuelle dans un futur aseptisé. Dès les premières minutes, l’œuvre hypnotise par son jeu avec la perception de la réalité à travers le délitement de la matière même de l’image numérique. Les glitchs et les images parasites nous plongent dans un vertige virtuel qui contamine le réel. La réalité dans laquelle les corps du film évoluent n’est plus fiable, et la frustration, le doute, le malaise prennent les personnages comme le spectateur. C’est la grande réussite du jeune cinéaste qui se sert de son dispositif formel pour nous faire vivre l’expérience aliénante de ses personnages qui est en réalité une expérience que nous vivons tous à l’ère de l’information. Ainsi, les situations et les dialogues deviennent des commentaires de cette situation plus que des étapes d’un développement narratif.  Alors que le film est dédié à Oshima Nagisa, c’est l’énergie et la subversion de Adachi/Wakamatsu que le film invoque.

Kaito vit son quotidien comme une simulation qui serait un jeu pour Nagisa qui ne vit qu’à travers les images et les pulsions. L’intelligence du jeune cinéaste lui permet de moderniser à travers son esthétique un discours transgressif qui semble être désuet. Les citations, les références et les mises en abyme nous poussent, nous obligent à réfléchir sur le monde comme des images. Le régime de croyance que nous offre le film est celui de la persistance des défauts de l’humanité au-delà du matériel, au-delà du corps. Ainsi, tel des fantômes japonais, les émotions et les désirs traversent les machines et les réalités pour rappeler la finitude de la vie dans un espace qui semble être sans limites. Certes, tout n’est pas parfait et les concepts que déploie Cho Jinseok souffrent de sa condition de jeune cinéaste provocateur. La musique des corps sonnent parfois faux, et le voyage techno-onirique souffre parfois d’un rythme trouble.

Colonel Panics reste un premier long-métrage fascinant qui se permet une noirceur et une violence qu’on pensait voir disparaître. L’aspect viscéral de l’œuvre permet de réfléchir sur la virtualité, le cinéaste nous donne déjà des images intéressantes d’un futur comme d’un présent qui n’est jamais passé, car si les technologies changent, les hommes restent. Et c’est bien de l’humanité dans la machine dont il est question. On espère que le caractère incisif du cinéaste sera transcendé par une virtuosité ou du moins une folie qui le placerait comme digne successeur d’un cinéma qui tranche autant qu’il se pense.

Kephren Montoute.

Colonel Pacnis de Cho Jinseok. Japon-Australie. 2016. Disponible en édition Collector Blu-Ray + DVD chez Spectrum Films, le 19/06/2018.

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