UDINE 2012, Far East Film Festival – Jour 1: Fresh wave of fresh blood

Posté le 21 avril 2012 par

Une première vraie journée indéniablement placée sous le signe des « jeunes (et moins jeunes) premiers » du cinéma asiatique avec une sélection de courts-métrages issus du festival hongkongais FRESH WAVE chaperonné par Johnnie To (en sa présence), un premier long de l’autoproclamé « Steven Spielberg de la Chine » Fei Wing et une poignée de seconds longs confirmant la présence ou l’absence de talent de leur réalisateur. Par Bastian Meiresonne.
Le cinéma hongkongais va mal. Le nombre de films produits localement ET leurs entrées se sont effondrés au cours des dernières années. Les réalisateurs s’exportent en Chine ou cèdent à la pression de la censure pour s’assurer de la sortie de leurs films au mainland. Les producteurs deviennent de plus en plus frileux et donnent rarement la chance à des jeunes premiers de s’essayer à la réalisation.
Les professionnels comme le gouvernement en sont conscients et une première tentative avait été faite il y a quelques années de produire une série de premiers longs-métrages (la série de First Cuts par Focus Features) – sous l’égide d’Andy Lau – pour tenter d’injecter un peu de sang neuf et éventuellement révéler des talents nouveaux. Cette initiative courageuse s’est malheureusement soldée par un échec.

fresh Wave : July 1st, an unhappy birthday

C’est à peu près à la même époque, en 2005, que le Hong Kong Arts Development va créer le Fresh Wave International Short Film Festival ; un festival de courts-métrages donc, affilié au prestigieux Festival International de Hong Kong avant de prendre son indépendance à l’occasion de sa 5e édition en 2010. En gros, le festival donne la chance à une quinzaine d’étudiants de cinéma issus de différents établissements scolaires pour réaliser un court de 30 minutes (pas plus) avec l’aide d’une personnalité (Johnnie To, Mabel Cheung, Fruit Chan, Benny Chan, Herman Yau…) pour un budget de 4 000 euros. Depuis cette année, la sélection s’est également ouverte aux courts-métrages venus de pays du monde entier.
Udine a décidé de programmer quatre films, en invitant également leurs jeunes réalisateurs, très enthousiastes à l’idée de pouvoir partager leur vision aux spectateurs italiens et venus d’ailleurs.

Fresh Wave : Sew

1 + 1 est le quatrième court-métrage de la jeune Mo Lai, qui raconte l’histoire d’une petite fille et de son grand-père, qui s’évertuent à planter des pousses de bambous sur des sites détruits ou en voie de disparaître, comme le village de Choi Yuen Tsuen. Le duo d’acteurs est juste renversant et le sujet traité avec beaucoup de légèreté. Beaucoup d’endroits filmés il y a quelques mois à peine ont été rasés depuis la fin du tournage.
The decisive moment est le nouveau court du réalisateur Wong Kai-kit, dont les trois premiers, Wish, Valediction et Variable ont tourné dans pas mal de festivals internationaux. Son dernier est l’ambitieuse histoire d’un paparazzi vétéran, incapable d’appuyer sur la détente de son vieil appareil photo en raison d’un traumatisme, dont on en apprendra la raison en fin du film. Le court bénéficie d’un traitement de l’image et d’une mise en scène parfaites, mais souffre d’une intrigue moyennement convaincante.

Fresh Wave : The Decesive Moment

July 1st, an unhappy birthday de Li Mao est un « mockumentaire », un faux documentaire, s’attachant à raconter l’histoire d’un jeune garçon, qui est né le jour de l’annuelle « marche de protestation » des Hongkongais (en gros, un 1er mai à la hongkongaise). Il semble donc irrémédiablement condamné à participer à la manifestation, et c’est au cours de l’une d’entre elles que son histoire d’amour avec une jeune demoiselle va connaître une drôle de tournure.
Le film fonctionne assez bien, même si la simplicité de son argument finit par s’étirer en longueur malgré sa relative courte durée de 26 minutes. Au moins peut-on découvrir l’existence de cette drôle de « marche protestataire ».
Enfin, Sew de Li Yin-fung est certainement le segment le moins réussi – malgré la fraîcheur et le bagout de sa jeune réalisatrice. Il raconte l’histoire d’une adepte du cosplay, qui va renouer avec sa grand-mère à l’occasion d’une soirée « déguisée ».
Aucun segment « incontournable », mais une initiative particulièrement louable et des jeunes talents à suivre de près.

Fei Xing, The man behind the courtyard house

Côté mainland, The man behind the courtyard house est un intéressant premier long de Fei Xing, même s’il n’est pas des plus réussi. En fait, il s’intègre dans la récente volonté de jeunes réalisateurs à repousser les limites du genre fantastique et/ou d’horreur – plus ou moins interdit en Chine – comme encore récemment le médiocre Mysterious Island, de Rich Chung, qui aura pourtant cartonné. The man… démarre donc tout d’abord comme un simili-slasher avec ce groupe de quatre jeunes amis qui cherchent refuge dans la propriété d’amis des parents de l’une des jeunes filles. Or, à leur grande surprise, c’est Simon Yam qui leur ouvre la porte… enfin… pas l’acteur, enfin, si, mais qui interprète évidemment le rôle d’un inquiétant étranger qui va finalement se faire passer pour un proche des maîtres de la maison absents. Rapidement, le mystérieux individu va éliminer deux des ados têtes-à-claques (comme quoi, ils n’existent pas que dans le cinéma américain) avant de tenter d’enfoncer un clou dans le tête d’une troisième sous prétexte d’une formule vaguement magique… On se dit, que l’on tient là un slasher cheapos du plus mauvais effet, genre direct-to-video philippin, avant qu’un brusque flash-back n’ouvre des nouvelles perspectives en s’attachant sur différents protagonistes de l’histoire entière au final. Ou comment désamorcer une nouvelle fois la menace des ciseaux-censeurs castrateurs en brouillant les pistes et faisant évoluer le film vers d’autres genres, sans que cela soit vraiment réussi en raison des différents genres abordés et du coup de théâtre final téléphoné. Fei Xing, lui, semble en tout cas y croire, en déclarant: « The man… est mon premier pas sur la scène mondiale. À l’avenir, j’aimerais tourner des films comme Speed ou Le Silence des agneaux… Beaucoup de réalisateurs aimeraient prétendre être les prochains Kurosawa ou Antonioni, mais moi, j’aimerais devenir le Spielberg de l’Asie »… Va falloir qu’il s’entraîne encore beaucoup alors…
Restons du côté de la Chine et de Hong Kong, plus précisément avec un autre réalisateur, Roy Chow, pas avare en retournements de situations… et certainement le détenteur du plus mauvais twist de l’Histoire du Cinéma mondial avec son précédent premier film, MurdererNightfall ne pouvait finalement qu’être meilleur que son premier, et pourtant, et pourtant, force est de constater qu’il persiste et signe dans une certaine autosuffisance et des rebondissements téléphonés (dans tous les sens du terme ; comprendront ceux, qui auront le courage de regarder ce navet). En même temps, on aurait dû s’en douter avec un film qui a tablé son entière opération marketing sur les tablettes de chocolat d’un Nick Cheung plus en forme que jamais, en s’entraînant six mois durant pour jouer des pectoraux dans une séquence d’ouverture hyper stylisée. Soit Nick, qui casse la gueule à des codétenus dans le décor d’une prison, que l’on croirait tout droit échappé de Midnight Express. C’est beau, c’est ralenti, c’est brutal, c’est totalement vain, à l’image de l’intrigue beaucoup moins trépidante, qui s’en suivra. Soit Simon Yam en vieux flic de la veille, qui adore déterrer des anciens cas sous prétexte qu’il « sent » que quelque chose ne va pas… comme dans le cas de Nick Cheung, qu’il pense avoir été accusé à tort du viol et meurtre d’une jeune femme des années plus tôt. Il a du flair, Simon, car Nick sera soupçonné d’une nouvelle affaire, l’assassinat de Michael Wong… Et voilà, un autre très gros défaut du présent film : l’erreur monumentale de casting de Michael Wong en « chanteur d’opéra », dont la voix se brise dès qu’il l’élève un peu. J’ai eu la « chance » de pouvoir visionner le film dans une salle de cinéma à Hong Kong lors de mon récent passage, et à chaque apparition de notre pauvre Wong, la salle était pliée de rire. Bref, passe encore l’erreur de casting, comme Michael n’a heureusement pas beaucoup de temps de présence. En revanche la platitude de la mise en scène (qui a le chic de totalement désamorcer LA scène d’action du film dans le téléphérique) et – surtout – l’horripilante intrigue font du visionnage de ce film un véritable calvaire.
Un reproche que l’on pourra également faire à Bunohan: Return to murder du malaisien Dain Iskandar Said. Un second film attendu comme le Messie par toute une communauté de cinéphiles et tous ceux, qui croient en la récente émergence d’un nouveau cinéma local après un vrai buzz créé à partir des premières magnifiques images et bandes-annonces. Said est d’ailleurs une sorte de légende locale lui-même, après que son premier film d’horreur, Dukun, ait été banni pour des raisons restées obscures jusqu’à aujourd’hui (on murmure que l’un des personnages malveillants du film s’inspirait un peu trop ouvertement d’un vrai homme politique véreux encore au pouvoir à l’époque de la sortie du film). Quoiqu’il en soit, il faudra donc juger sur la seule qualité de ce second long – et force est de constater, que c’est une vraie déception.
On m’avait adressé un DVD à l’issue du premier montage du film ; je n’y avais absolument rien compris. J’ai donc été d’autant plus surpris à l’annonce d’Universal France de sortir le film en DVD cet été avec une jaquette le vendant comme un film d’art martial – un peu, comme Wild Side avait très intelligemment su le faire avec le thaïlandais Boxers il y a quelque années. Or, les séquences d’action se réduisent au final à une poignée de minutes, le film étant un pur thriller, sauf que la version finale est toujours beaucoup trop confuse en l’état final, si bien qu’il faudra se contenter des seuls plans magistraux des quelques paysages malaisiens.
Dans Warriors of the rainbow, on aura finalement les deux : paysages somptueux et intrigue intelligente. Pourtant j’étais prêt à descendre en feu et en flammes ce second long-métrage du taïwanais Wei Te-Sheng, dont j’avais royalement détesté son premier (en fait, second, en comptant son premier long tourné en numérique About July en 1999) Cape n° 7 en 2008. Je m’étais surtout demandé comment le réalisateur d’une comédie romantique tout sauf inspirée, débordant de clichés et filmée comme un téléfilm quelconque, pourrait mettre en scène cette fresque épique sur le combat des aborigènes contre l’occupant japonais, peu importe l’injection de millions de dollars d’un major ricaine et la collaboration de John Woo au projet.
Eh bien, j’ai eu TORT – et cela fait du bien ! Même si je maintiens que le film ne déploie sa vraie force visuelle et scénaristique que dans la seule version en DEUX parties de plus de quatre heures. Il fallait au moins ça pour raconter cette incroyable épopée, qui réussit dans ses meilleurs moments à égaliser la force d’un Terrence Malick sur La ligne rouge.
La version internationale de 2h35 sacrifie malheureusement beaucoup de personnages et de situations du quotidien pour un condensé de combats, même si l’on retrouve le côté plus humain dans la longue partie intermédiaire. Il n’en demeure pas moins, que Seediq Bale est assurément l’un des meilleurs films asiatiques de l’année.
Dépaysement garanti également avec le désopilant Thermae Romae, que je ne pourrais désormais plus imaginer autrement qu’au milieu d’une foule de plus de 1 200 spectateurs italiens (une seconde séance a été organisée à la volée pour faire face à l’incroyable demande des locaux de pouvoir assister à la projection), riant aux éclats à la moindre allusion de leur culture. Thermae est donc l’adaptation du manga de Mari Yamazaki, suite de situations rocambolesques d’un architecte de l’Empire Romain, qui se voit régulièrement propulsé du temps du Japon actuel pour s’inspirer des techniques modernes afin de parfaire ses propres créations. Pour en tirer un long, le réalisateur Hideki Takeuchi (Nodame Cantabile 1 & 2) a eu carte blanche par la mangaka pour imaginer une histoire complète avec un vrai fil conducteur et l’introduction d’un nouveau personnage féminin pour toucher le très grand public. Comédie foncièrement commerciale, elle n’en demeure pas moins réussie, notamment en raison du génie comique de son principal interprète Hiroshi Abe, se promenant les 3/4 du film en tunique (c’est LUI, l’architecte romain) ou à poil pour réimporter la technologie japonaise du XXIè siècle dans l’Empire Romain. Il faut l’avoir vu littéralement s’envoyer au 7e ciel grâce au « jet nettoyeur des fesses » des WCs nippons pour en mesurer la folie qui l’a poussé à accepter ce projet et investir ce rôle. Je publierai une longue interview avec le réalisateur dans le prochain numéro de COYOTE MAG 42 à paraître bientôt.
Autre très belle surprise de la journée, le second long Dangerously excited de Koo Ja-hong après son premier polar The wolf returns passé totalement inaperçu à sa sortie en 2004. L’histoire est celle d’un fonctionnaire archi-passif et planqué (extraordinaire Yoon Jae-moon), qui fait tout pour ne perturber en rien son quotidien. Mais voilà, il va se retrouver à devoir loger un groupe de jeunes musiciens dans sa cave avant de prendre goût à se joindre à leur aventure. C’est frais, attendu et cela tient avant tout à l’impeccable jeu des interprètes principaux, jusque dans son dénouement (pas si) attendu. La qualité de la bande-son est également pour beaucoup dans la réussite du film.
Egalement au programme de la journée, une table ronde un peu bâtarde dédiée aux « échanges culturelles entre Orient et Occident » aux trop nombreux intervenants en trop peu de temps, qui ne nous a rien appris de nouveau et n’a débouché sur rien de bien précis au final.
Une bien belle première journée, donnant la part belle à des nouveaux talents aux idées plus ou moins nouvelles et au succès plus ou moins au rendez-vous, mais qui prouve au moins la belle vitalité d’un cinéma asiatique dans plusieurs pays.
La prochaine fois, beaucoup d’amour (Love is not blind, Love strikes!, Rent-a-cat, You are the apple of my eye, Romancing in thin air) dans un monde de brutes (Moby Dick, The Front Line).
Bastian Meiresonne.

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