UDINE 2012, Far East Film Festival – Jour 4 : Pince-moi, je crève !

Posté le 24 avril 2012 par

Beaucoup de spectateurs ont déploré la relative absence de gros actioners à l’édition du plus célèbre des festivals asiatiques italiens cette année – et force est de constater, que si cette journée se plaçait incontestablement sous le signe de la castagne, les coups donnés n’étaient pas forcément les plus durs. Par Bastian Meiresonne.

Une fois n’était pas coutume, la journée démarrait sur deux excellents films coréens des années 1970, Rainy Days, de l’un des plus grands maîtres de la Nouvelle vague coréenne, Yu Hyun-mok (Obaltan, aka Aimless Bullet aka Balle Perdue), dont les scènes de torture assez extrêmes avaient déjà provoqué un certain malaise lors de son épique présentation au Festival asiatique de Lyon il y a quelques années (en présence du réalisateur alors encore vivant !!). La suite n’en était pas moins extrême avec l’un des titres – selon moi – les plus forts que j’ai vu de mon temps de cinéphile asiatique averti, Night Journey, ou la descente aux enfers d’une secrétaire bien proprette sur elle, mais insatisfaite sexuellement, qui va tenter de trouver du plaisir dans l’humiliation et le viol…Une découverte majeure et extraordinaire, même si un peu tôt dans la journée.

La pause de midi aura au moins permis de digérer cette incroyable entrée en la matière avant d’attaquer avec le bien nommé Punch à 14 heures. Sur le papier, le film avait de quoi donner très peur : un professeur excentrique et rejeté de ses collègues par ses méthodes d’enseignements novateurs prend sous son aile un garçonnet un peu paumé et adepte de la bagarre pour le remettre sur le droit chemin en lui faisant prendre des cours d’arts martiaux. Ouaiche… Le père du jeune homme perturbé a des faiblesses physiques, alors que son oncle est un attardé mental. Ouaiche… Révélation suprême : notre jeune caïd se découvre seulement à moitié coréen. Ah ! Et c’est justement cette révélation – en plus d’autres, plutôt psychologiques, que le réalisateur Lee Han (Lover’s Concerto) a décidé d’approfondir dans cette adaptation d’un roman extrêmement populaire et déjà adapté avec succès au théâtre. Un film plutôt commercial (et qui a cartonné en devenant le 3e meilleur succès local de l’année 2011 avec plus de 5 millions de spectateurs), qui s’empare à son tour, après des films comme Journals of Musan, Where is Ronny ou Bhandobi, du délicat sujet des émigrés coréens – et avec beaucoup d’intelligence… Ce qui assure ce divertissement familial de se laisser suivre sans déplaisir et de passer justement outre le fait de quelques raccourcis scénaristiques, grosses ficelles mélodramatiques et – en fin de compte – la relative absence de scènes d’action promises par le titre… et sans que le restant de l’histoire ne décoche jamais non plus l’uppercut souhaité.

Il y avait déjà beaucoup plus de violence contenue et étalée dans Egoists, énième réalisation de Hiroki Ryuichi (Vibrator), qui enchaîne les films comme d’autres les burgers, en tournant désormais un film commercial pour deux ou trois réalisations plus intimistes et indépendantes. Egoists garde un peu le cul entre deux chaises. Son énième relecture du couple de jeunes voyous maudits dépote par ses partis pris typiquement indépendants, notamment dans le portrait de scènes de sexe et de violence plutôt culotées dans une grosse production et avec des acteurs tels que Kora Kengo ou Suzuki Anne, mais reste finalement trop convenu dans son histoire pour vraiment pouvoir prétendre au statut de classique. Soit un jeune homme, qui enchaîne les 400 coups, qui pourrait s’en sortir grâce à l’amour inconditionnel de sa nouvelle campagne, mais va finalement l’entraîner avec lui dans une spirale descendante sans retour possible. J’avoue avoir eu du mal à sympathiser avec le jeune voyou très « égoïste » finalement dans sa démarche destructrice pour lui et les autres, et d’avoir manqué un soufflé épique d’autres plus grands films de genre pour apprécier pleinement celui-ci.

Penny Pinchers n’a finalement rien d’un claquage de beignets, même si les baffes pleuvent une fois de plus comme dans tout film coréen qui se respecte. C’est une comédie d’amour plutôt inhabituelle entre une fille et un garçon auquel elle propose de l’assister dans ses petites combines et arnaques pour se faire un max de blé en peu de temps. On n’est pas face à des pros de l’entourloupe de casinos ou de marchés boursiers, mais plutôt la jeune fille débrouillarde, qui transforme – littéralement – du déchet en or. Cela donne lieu à une comédie romantique plutôt plaisante, construite sur le sempiternel schéma du « Ils s’aimèrent, puis plus, puis si, puis gros rebondissement avant que l’un doit rattraper l’autre » avec un GROS exploit final totalement improbable (réimplantation d’un arbre pendant le sommeil de la fille, qui ne se rend compte de rien aheum aheum), mais bon… De quoi faire rêver les doux rêveurs / rêveuses du Prince sur son cheval blanc.

It gets better est une histoire de coups reçus… celle des attaques contre les transsexuels dans la société thaïe… et mondiale tout court. Un film en réponse à l’interdiction de projection du dernier film du réalisateur / de la réalisatrice Tanwarin Sukkhapisit, Insects in the backyard, banni pour plusieurs raisons, dont celle du portrait de transsexuels, de plusieurs plans de nus frontaux (et d’un sexe en érection dans la version « intégrale ») et de scènes de sexe entre mineurs (frère et sœur dans le film). It gets better est en fait un film choral, composé de trois histoires sans véritable lien entre eux, sauf à parler de sexe, tabous et d’une certaine tolérance. Un transsexuel fuit la capitale pour s’installer à la campagne et tombe amoureux d’un jeune homme de moitié son âge. Un fils hérite… du bar de transsexuels de son père. Un garçon est envoyé chez les moines bouddhistes pour tenter de trouver sa « voie »; bref, autant de thématiques déjà présentes dans le précédent Insects in the backyard, mais cette fois traitées avec suffisamment de retenue pour ne plus écoper d’une interdiction. En bref, le film perd en force et provocation, ce qu’il gagne en maturité, mais prouve en tout cas, que le jeune cinéma thaï indé peut compter sur des nouveaux talents émergents avec des vraies choses à dire.

Trêve de bavardages et prises de tête, voici déjà venu l’heure de la fameuse séance de minuit, mais de celles, pour lesquelles le festival est mythique avec la projection de 33D Invader. Le réalisateur des cultissimes The fruit is ripe et Forbidden Chopsticks 1 & 2 s’est pour la peine associé aux producteurs de Sex& Zen 3D pour accoucher d’une œuvre totalement improbable, le film SCI-FI érotique, 33D Invader au cours duquel une femme du futur (2046 aheum…) revient d’un futur où 99,9 % des mâles sont devenus infertiles pour copuler… À ses trousses, deux « exterminateurs », qui envoient littéralement leurs partenaires en l’air… et sous terre. Un délire gras et potache à prendre (au moins) au 33e degré et qui vaut surtout par le partage de l’incroyable bonne humeur de la salle. À noter que les actrices à poil sont pour la plupart des japonaises, avec quelques taïwanaises et même chinoises dans le lot et qu’il y a un gag vraiment lourdaud avec un sosie empâté de Stephen Chow.

De quoi assurer des bons rêves, loin des proches et de la petite famille, qui ne comprennent de toute façon pas du tout ce que je fais de ma vie – et de quoi se mettre « en forme » pour le programme du lendemain !!!

Bastian Meiresonne.

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