BIFFF 2019 – Door Lock, de Kwon Lee : Paranoïa galopante

Posté le 18 mai 2019 par

Au commencement il y avait Sleep Tight, de Jaume Balaguero et Alberto Marini. Kwon Lee décide d’en faire le remake, et le Brussels International Fantastic Film Festival, toujours là pour mettre en avant le polar coréen, le projette lors de sa 37ème édition, dans la compétition thriller. Le film, découvert pour la première fois en Europe lors du festival, gagne le prestigieux grand prix thriller, une récompense amplement méritée pour une sélection pourtant pleine d’excellents films.

Kwon Lee est visiblement un réalisateur qui veut s’essayer à plusieurs genres. Après une comédie puis une romance, le voilà qui livre, avec Door Lock (qu’il co-scénarise) une œuvre très sombre où la paranoïa est omniprésente. Dès les premières minutes du film, le réalisateur installe un sentiment d’insécurité permanent qui déborde du cadre de l’écran. En situant son action dans un immeuble sécurisé, avec concierge de jour comme de nuit, caméras, et surtout digicodes dernier cri aux portes des appartements, Kwon Lee positionne ses spectateur et son personnage principal dans un lieu où la tranquillité devrait régner, où la sécurité devrait être totale. Pourtant, alors que l’héroïne, Kyung-min, s’inquiète et panique pour un rien, changeant régulièrement son code, le spectateur sait déjà, par une scène choc en ouverture, que derrière sa paranoïa se cache un véritable danger. Car l’intrigue du film nous amène à suivre une jeune femme célibataire et vivant éloignée de sa famille, qui tente de mener sa vie, entre un emploi dans une banque peu sécurisant (les clients sont souvent agressifs) et une vie dans un appartement où elle devrait se sentir en sécurité. Et pourtant non, l’héroïne vit la peur au ventre, de petits indices l’amenant à penser que son quotidien n’est pas aussi sûr qu’il devrait l’être.

S’ensuit tout un premier acte étouffant, la fragile Kyung-min cherchant à dompter ses peurs, mais réagissant très mal dès que quelque chose d’étrange se passe. La mise en scène de Kwon Lee permet de rendre tétanisante des séquences très courtes, comme la poignée de la porte qui s’agite au milieu de la nuit. Quand la police entre en scène, elle ne fait que rajouter un poids sur les épaules de la jeune femme, refusant de la croire, ou la pensant responsable, ou encore s’en moquant complètement. Ainsi, le sentiment de solitude s’étend, la jeune femme se retrouvant désespérément seule, désemparée, incapable même de déménager du fait du prix de l’immobilier. Ne lui reste qu’une amie, la seule à la croire, à la soutenir ou à l’épauler. Et subtilement, la réalisation pointe du doigt le danger, pour une jeune femme, de résider seule, qu’elle ne peut espérer d’aide nulle part.

C’est de cette manière que se lance le deuxième acte, les deux demoiselles décidant d’enquêter seules, et, alors qu’elles découvrent l’horrible vérité, Door Lock prend la direction d’un thriller coréen dans la grande tradition du genre. La mise en scène, dévoilant par petites touches son tueur en série, est magistrale, ce dernier étant particulièrement terrifiant, ses exactions effroyables. Le film se fait sanglant juste ce qu’il faut pour secouer le spectateur, refusant la gratuité, mais étant toujours esthétiquement magnifique, et sans jamais glorifier la violence. Door Lock s’attache systématiquement aux pas de son héroïne, captant magistralement sa peur, son envie de la surmonter pour comprendre, mais, alors qu’elle se retrouve tétanisée face à son bourreau, le spectateur ne peut que compatir, lui aussi paralysé. Et ce choix, alors que la caméra quitte le site propret de l’immeuble où le lieu de travail de l’héroïne, de se faufiler dans la crasse de rues tristes et presque abandonnées, ne fait qu’accentuer la solitude et le désespoir qui transparaissent dans chaque plan.

De thriller paranoïaque en un lieu unique, le film se fait plus ample, mettant en avant enquête et poursuite dans des rues sordides, jusqu’à ce que notre héroïne ait enfin le soutien d’une police motivée mais guère compétente, s’achevant finalement dans une chasse au sein d’un lieu sinistre que la caméra de Kwon Lee transforme en personnage à part entière.

Door Lock est un thriller magnifiquement solide, frôlant la perfection et qui emmène son spectateur avec lui dans un film par moment terriblement étouffant, et c’est un grand prix mérité que celui du meilleur thriller de cette édition 2019 du BIFFF. Il ne reste plus qu’à espérer que cela l’aidera à être distribué, de préférence au cinéma, la salle obscure étant bien mieux à même de capter la paranoïa étouffante du film.

Yannik Vanesse.

Door Lock, de Kwon Lee. Corée. 2018. Projeté lors de la 37ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival

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