Maintes fois nominés, récompensé du prix d’interprétation féminine pour Kuroki Haru au Festival de Berlin en 2014, et lauréat du Soleil d’or au cours de la dernière édition de Festival Kinotayo à Paris La Maison au toit rouge est l’un des rares films du cinéaste japonais Yamada Yoji a être distribué en France. À l’occasion de sa sortie en DVD le 1er septembre, retour sur les raisons justifiées ou non d’un tel engouement.
En 1936, la jeune Taki quitte sa campagne pour travailler comme gouvernante à Tokyo au sein de la famille Tokoda composé d’un charmant couple et de leur fils de 6 ans. Lorsque Masaki, jeune collègue du patriarche est chez lui, la maîtresse de maison se trouve irrésistiblement attirée par cet homme sensible et cultivé. Témoin de leur liaison secrète, la servante se souviendra bien des années plus tard, non sans une certaine émotion, de cette époque tourmentée d’ un Japon en guerre dans la rédaction de ses mémoires.
Plus connu en France pour sa récente trilogie sur les samouraïs : Le Samouraï du crépuscule (2002), Le Samouraï et la servante (2004), et Love and honor (2006), films qui se démarquaient des canons du genre en explorant cette figure guerrière japonaise sous un traitement plus sensible et mélodramatique, le cinéaste Yamada Yoji est revenu depuis à un genre qu’il affectionne tant : le drame familial. Véritable pilier de la Shoshiku, studio qu’il intègre en 1954, travaillant dans un premier temps comme assistant réalisateur de Nomura Yoshitaro (Zero focus), il deviendra par la suite célèbre en réalisant la série des Tora san, qui compte pas moins de 48 films étalés sur 25 années de productions mettant en scène l’acteur Atsumi Kiyoshi dans son rôle de perdant magnifique. Aujourd’hui, âge de 83 ans, Yamada Yoji est l’incarnation vivante de l’auteur populaire au Japon.
C’est donc avec un certain enthousiasme que nous nous apprêtions à découvrir son nouveau long-métrage adapté du roman éponyme écrit par Nakajima Kyoko, lauréate pour cet ouvrage du prix Naoki en 2010. Malheureusement le plaisir ne fut que de courte durée.
La Maison au toit rouge est un film qui fonctionne sur un modèle de narration en poupée russe sur trois époques différentes. Si l’on reconnaît volontiers une réelle maîtrise du récit de la part du réalisateur des Tora san, on peut lui reprocher un ton «volontairement» naïf pour ne pas dire mièvre dans son traitement de l’histoire avec ou sans grand H. Une sensibilité, reflet du point de vue de la jeune gouvernante, qui s’exprime sous la forme de souvenirs quelques peu idéalisés auxquels le cinéaste lui confronte la vérité historique affirmée par le personnage de son neveu. Si cela aurait pu avoir une quelconque valeur pédagogique dans sa description de l’état d’esprit dans lequel vivaient les japonais au cours de ce contexte d’expansion guerrière et économique la démonstration se révèle primaire et redondante. Et cela est d’autant plus regrettable que cette époque décrite sous cet angle ne fut que trop rarement traitée au cinéma.
La Maison au toit rouge donne surtout l’impression d’un film à visé des festivals étrangers et en aucun cas de promulguer les codes cinématographiques qui régissent le mélodrame, genre qui a fait la renommé de la Shoshiku. Non, il s’agit en fait d’ériger les stéréotypes que les spectateurs occidentaux peu familier du cinéma nippon se font de ce type de films, une image exotique formatée à base de ravissantes épouses serviles arborant de jolies kimonos, une belle maison en bois, un enfant tout mignon, une relation amoureuse tout en sous entendus, les hommes qui se saoulent au saké et les femmes qui font la conversation en buvant le thé. Tout ici paraît factice : de la fausse pudeur de la liaison adultère, en passant par les quelques rebondissements de l’histoire qui concluent le film dans un acte final plus poussif qu’émouvant. Bien que le cinéaste parvienne à masquer habilement son manque de moyens tout au long du métrage, la scène du bombardement de Tokyo, point d’orgue du film se résume à trois feux de Bengale autours d’une maison Playmobil, et annihile de ce fait l’effet de son issue tragique.
On peut concéder au film certaines qualités, le trouver par moments charmant, admettre que les acteurs jouent juste et sont bien dirigés, le score d’Hisaishi Joe mélodieux et nostalgique, l’image joliment photographiée, cependant il faut reconnaître qu’il souffre d’une intrigue trop prévisible, de personnages archétypaux et que la réalisation aurait mérité un bon supplément d’âme. La maison au toit rouge est un film très mineur qui ravira surement les novices du genre et provoquera chez les amateurs de cinéma japonais un ennui poli.
Martin Debat.
La Maison au toit rouge (Chisai Ouchi ) de Yamada Yoji. Japon. 2014. Disponible en DVD depuis le 1er septembre 2015.