Sorti en salles en novembre 2019, Freedom est le premier long-métrage du réalisateur australien Rodd Rathjen. Récompensé à la Berlinale l’année dernière, on peut le découvrir depuis peu en VoD. Une fiction éprouvante mais parfaitement tenue, restituant avec force les terrifiantes conditions de survies des esclaves modernes de l’industrie de la pêche.
Croyant trouver un emploi d’ouvrier en Thaïlande, Chakra (excellent Sarm Heng), 14 ans, se découvre avec d’autres Cambodgiens plus âgés prisonnier d’un chalutier. Freedom est une fiction portée par le souhait du cinéaste Rodd Rathjen de mettre en lumière la condition de ces esclaves modernes dont le fruit du travail nourrit depuis de longues années l’industrie de la pêche. Par l’œil de son jeune héros, il parvient à nous faire prendre la mesure, au fil des jours, de l’impasse dans laquelle s’engouffrent des millions d’hommes pauvres finalement leurrés. Impasse d’autant plus infranchissable que c’est en pleine mer qu’ils sont enfermés.
Si le film accomplit largement son projet de documentation sur le travail forcé, la facilité avec laquelle les plus faibles sont jetés à la mer donnant notamment des scènes glaçantes, Freedom doit une large part de sa force à la relation tordue qui s’instaure entre Chakra et Rom Ran (Thanawut Kasro), le capitaine du chalutier. On comprend, à mesure que le jeune homme achète sa survie en lui offrant quotidiennement un poisson fraîchement pêché, que ces personnages sont voués à se reconnaître l’un et l’autre comme des reflets déformés. Par défiance mais aussi confiance perverse, Rom Ran dit à Chakra qu’il comprend d’autant mieux la haine qu’il lui porte que lui-même fut dans sa situation de nombreuses années plus tôt. Son statut de dominant fut la récompense de son assujettissement à la philosophie sadique de ses propres bourreaux.
Présenté dans la longue introduction du film comme un gamin parmi d’autres, certes pauvre, toujours proche du conflit avec un père qui lui en demande beaucoup, Chakra est embarqué dans un monde lui offrant la plus sombre des perspectives. La progression de l’action dépend du conflit intérieur qui lui fera potentiellement envisager de devenir disciple de Rom Ran ou tenter de sauver sa vie, et par là même celle de ses compagnons d’infortune, en s’appropriant les règles du jeu, et pourquoi pas, les commandes du bateau. Éprouvant, restituant parfaitement les enjeux de ce statu quo, Freedom est à voir pour la progressive émancipation de cet enfant sacrifié.
Sidy Sakho.
Freedom de Rodd Rathjen. Australie. 2019. Disponible sur la plateforme FilmoTV