Le film de l’année 2015 qui a rallié l’Inde du nord au sud est La Légende de Baahubali, un exploit en soi pour cette gigantesque fresque épique aux décors fantastiques. Un budget imposant de 18 millions de dollars, des effets spéciaux de qualité et une conspiration contre un héritier du trône sont les atouts de ce succès qui s’étend dans le monde. Prabhas, Anushka Shetty, Tamannah Bhatya en sont les interprètes. Parmi ses récompenses , on retiendra deux National Film Awards indiens dont celui du meilleur film. Les superlatifs se succèdent pour décrire cette épopée qui a déjà conquis de nombreux pays dans le monde. Présent au festival de Cannes 2016, son réalisateur S. S. Rajamouli a accepté de répondre à nos questions sur un film à découvrir en salles en France le 8 juin 2016.
Comment est née l’idée de créer Baahubali ?
J’ai toujours été fasciné par les histoires exceptionnelles, les personnages hors du commun, les circonstances hors normes ! L’Inde est un trésor de mythologies, d’histoires épiques que l’on m’a contées toute mon enfance. Ma famille et en particulier ma grand-mère m’ont raconté ces fabuleuses histoires. La tradition du conte est transmise de génération en génération dans ma famille, une transmission sous forme orale mais aussi grâce à la lecture. Ces contes ne m’ont jamais quitté et font partie de ma vie.
En prenant la voie du cinéma, raconter ces récits fabuleux s’est imposé à moi et j’ai toujours eu envie de les mettre en images. Les scènes me venaient à l’esprit spontanément et aussi mes personnages. En devenant réalisateur, j’ai connu quelques succès, c’est alors que j’ai voulu me lancer dans ce type de films.
Votre budget pour Baahubali a été exceptionnel lui aussi, le plus gros budget du cinéma indien de ces dernières années. Comment avez-vous convaincu vos producteurs parmi lesquels Dharma Productions, basé à Mumbai?
Dharma a été seulement impliqué pour la sortie en hindi du film car Baahubali a d’abord été tourné en télugu et tamoul, langues du sud de l’Inde, puis il a été doublé en hindi. Nos acteurs sont doublés par des personnes dont c’est la langue maternelle afin de respecter les accents authentiques. Si l’acteur maîtrise totalement cette langue, il double lui-même son personnage, sinon nous faisons appel à des acteurs pour le doublage spécifique.
Mon producteur Kanwar Singh était, avant de produire des films, un ami intime. Nous avons travaillé sur un film ensemble avant Baahubali. Nous connaissons parfaitement bien les méthodes de travail à chacun. Donc au moment de lancer l’idée de ce film épique et historique, il y avait une telle confiance mutuelle qu’il n’y a eu aucune hésitation.
Les effets spéciaux sont impressionnants et j’aimerais savoir si vous avez sélectionné uniquement des sociétés indiennes pour cette partie de la production.
99% est fait par des entités indiennes. La principale est Makuta VFX à Hyderabad. Notre formidable expert en effets spéciaux V. Srinivas Mohan m’a guidé. Quand je lui ai raconté l’histoire, il a su comment porter à l’écran mes idées dans la limite du budget, ce qui représentait un défi important ! Il a été responsable de la supervision et de la production des effets spéciaux. Plusieurs studios ont pris part au projet et en fait, progressivement, ce n’était plus un projet orienté « business » mais une question de fierté. Les techniciens se sont appropriés ce projet pour produire visuellement une histoire vraiment ambitieuse. La question était de réussir à produire ces idées en images d’un niveau inégalé .
L’exception de ce film est qu’il a rassemblé dans les salles de cinéma l’Inde entière. Que ressentez-vous après cet exploit d’amener toutes les régions de l’Inde à voir votre oeuvre ?
Parfois, vous avez des idées qui théoriquement vont parfaitement bien s’agencer et se mettre en place mais en pratique, c’est compliqué de les concrétiser. Mon instinct me guidait car je savais que j’allais me connecter avec les émotions humaines les plus simples, ainsi les peuples de toutes origines ethniques ou culturelles ou linguistiques allaient s’identifier à ces émotions. C’est en fait ma théorie depuis fort longtemps. Après la construction de l’histoire de Baahubali, nous avions l’ambition de la faire connaître au monde sans aucune barrière de langue ou d’éducation. Instinctivement, c’est ce que je considère comme primordial.
Dans l’histoire du cinéma indien, il y a un grand nombre de récits mythologiques, même dans les séries télévisées. Vous arrivez avec ce projet alors que vous avez tant de prédécesseurs. N’aviez vous pas de doutes sur les comparaisons qui allaient être faites ?
Les comparaisons sont inévitables et si vous êtes englué par ces comparaisons, vous n’aurez jamais la force de faire un film. Nous avions la conviction de détenir une très belle histoire et une excellente production. Donc nous ne ressentions aucune appréhension. Notre intime conviction nous a poussés à créer ce film pour le public. Le seul défi était d’amener les spectateurs dans les salles car, une fois qu’ils seraient dans la salle de cinéma, nous savions qu’ils seraient conquis.
Baahubali va enfin être projeté en France. Dans combien d’autres pays sera-t-il projeté ?
Les pays accueillant une forte diaspora indienne ont déjà montré ce film et maintenant, nous cherchons les canaux de distribution pour les pays européens.
Si vous le voulez bien, j’aimerais vous interroger sur votre casting. Par exemple, comment avez- vous décidé de recruter Prabhas, qui incarne totalement le rôle ? Comment avez-vous préparé votre casting pour chacun des personnages ?
J’ai travaillé dans de précédents long métrages avec la majorité des acteurs qui jouent dans Baahubali et je les connais personnellement. En créant mon histoire et mes dialogues, je pensais à eux. En Inde, les méthodes de casting sont différentes de la France. Le directeur de casting n’est pas une fonction totalement séparée et dédiée à une personne. Au cours de la création, nous imaginions ces acteurs incarnant nos personnages. Nous écrivions spécialement pour eux dès l’origine, une sorte de travail sur-mesure.
La Légende de Baahubali : 1ère partie est un premier volet et connaîtra une suite en avril 2017. Il décrit un monde inaccessible, si lointain presque sorti d’un rêve, un univers irréel aussi. Que pouvons-nous attendre de ce futur épisode ?
Beaucoup plus de tragédies, c’est certain. Cette première partie met surtout en avant l’introduction des personnages. Il manque une part des enjeux de l’histoire entière et le coeur du drame. La véritable histoire arrive dans cette seconde partie bien plus dramatique qui sera projetée en Inde l’an prochain.
Propos recueillis par Brigitte Leloire Kérackian le 15/05/2016 au Festival de Cannes 2016.
Remerciements : Aanna films et Agilane Pajaniradja.
La Légende de Baahubali : 1ère partie. Inde. 2015. En salles le 08/06/2016.