Par bien des côtés, Uchida Tomu, avec Le Duel de l’aube, clôt son récit centré sur Musashi Miyamoto, sabreur mythique. Il reviendra au personnage une sixième fois, quelques années plus tard, mais jusqu’à présent, son cycle évoluait à raison d’un film par an, et Le Duel de l’aube achève nombre des intrigues mises en place au fil des opus.
En effet, toutes les vengeances, les rancœurs, verront leur fin, d’une manière ou d’une autre, dans ce film. Quand il commence, Miyamoto Musashi est troublé, se questionnant sur ses actes. Certes, il ne regrette pas la mort d’un enfant, nécessaire selon lui, mais sa quête de pureté martiale, sa progression sur la voie du samouraï, lui apparait comme sanglante. Aussi, quand une occasion se présente de s’arrêter et de devenir paysan pendant quelques temps, il n’hésite pas longtemps. Cependant, comme pour tout héros troublé ou déchu, la violence le rattrape et il devra reprendre la route.
Uchida Tomu dépose nombre d’embuches sur la route de son héros, mais fait aussi se croiser un certain nombre de personnages. Sa bien aimée, évidemment, dont le comportement, prévisible, finit par lasser quelque peu, tant les atermoiements des deux protagonistes, sur le thème de « je t’aime mais je ne peux pas céder » est une ligne directrice du cycle, et le réalisateur s’appesantit trop dessus au fil des films. Cependant, elle aura quelques paroles très justes et très dures sur les actes du sabreur, qui rejoignent quelques peu les propos de la geisha du film précédent. Le spectateur finit par se demander si seules les femmes, aux yeux d’Uchida Tomu, sont capables de voir l’inanité de la violence de la voie du sabre. Les hommes, encore une fois, sont trop engoncés dans des soucis d’honneur pour voir que le sang ne peut s’arrêter de couler tant que des hommes continueront à se venger, à défendre son honneur ou autre. D’ailleurs, il est effarant de constater les coups bas que sont prêts à appliquer les samouraïs pour défendre leur honneur. Ainsi, on reproche, lors de la traditionnelle bataille finale (cette fois-ci, face à un protagoniste présent depuis plusieurs films et que le spectateur pressent qu’un jour ou l’autre, les deux s’affronteront) à Musashi d’arriver en retard pour déstabiliser l’adversaire. Pourtant, cela ne dérange personne que des dizaines de tueurs soient embusqués pour tuer Musashi si d’aventure il gagnait, histoire de ne pas perdre la face en étant défait par un ronin.
L’autre petite déception du film vient de l’apparition du moine qui a fait de Musashi ce qu’il est devenu. Il est dommage que le personnage ne soit pas plus présent, plus utile, tant son ombre plane à travers le cycle, mais le réalisateur opte fort logiquement pour une présence en filigrane, ses actes conduisant à Musashi de devenir, de peu, quelqu’un de très important, et de trouver quelqu’un qu’il cherchait ardemment.
Sorti de cela, la construction du film se révèle assez proche de celle des autres volets, et tout aussi passionnante. Musashi est fascinant, et son acteur semble habité par le rôle, tantôt héroïque tantôt pathétique, tiraillé par ses doutes et ses démons. Contrairement au précédent, Musashi est présent quasiment tout le film, mais se bat peu, mis à part une bataille rangée dans la première partie, et le duel final qui donne son nom au film.
Le Duel de l’aube est une belle conclusion au cycle, et c’est avec curiosité qu’on se demande comment Uchida Tomu fera évoluer le personnage, le mythe, lors du sixième et dernier film de la saga.
Yannik Vanesse
Coffret Miyamoto Musashi, disponible chez Wild Side depuis le 03 décembre 2014.