PIFFF 2025 – Mag Mag de Yuriyan Retriever

Posté le 16 décembre 2025 par

Le très alléchant Mag Mag a donc ouvert le bal de la compétition du PIFFF 2025. Ce premier film de Yuriyan Retriever, idol et humoriste (aperçue notamment dans le télécrochet America’s Got Talent) est aussi la première production long-métrage du studio K2, nouveau venu dans le paysage cinématographique nippon et ayant de grandes ambitions. Décidément bien accompagnée, elle réalise ce film dont l’écriture est signée Naito Eisuke, connu aussi bien pour ses réalisations tordues que pour ses scénarios géniaux.

Quand son amant est tué par le fantôme Mag Mag, Sanae cherche justice, mais découvre bientôt la véritable personne à qui elle doit sa vengeance.

Le début de Mag Mag apparaît comme une douche froide. Après une première séquence oubliable, mais rigolote, où le titre du film se forme dans l’urine d’un personnage fraîchement énucléé, les situations clichées et les effets horrifiques feignants s’enchaînent. Ce qui s’annonçait comme un coup de pied dans la ruche de la part de K2 Productions sonne finalement tristement comme un coup de bâton dans l’eau. Mais ce n’était qu’une pauvre mise en bouche illusoire et il a suffit au film – qui réagit très rapidement – d’une simple scène de suicide précédant une parodie complètement désinhibée de Terrace House pour enfin dévoiler son véritable fonctionnement : le chaos. Mag Mag est un film chapitré à la construction narrative elle-même très irrégulière. Chaque chapitre s’attarde sur un personnage lui donnant son nom, et généralement victime du yurei Mag Mag. Nous sommes donc bien plus sur de la comédie horrifique décomplexée et méchante que sur du film d’épouvante classique. Visuellement, le film convoque totalement le folklore de la J-Horror, ce « genre » si flou qui s’étend du plus romantique des films d’horreur (Dark Water) à la plus bordélique des créations (St John’s Wort). Mais dans son ton, le film s’inscrit surtout dans la lignée disruptive d’un Shiraishi Koji : il se situe dans du film d’horreur qui ne révèle pas tout de suite sa nature de comédie et qui va toujours rester volontairement flou sur ses intentions horrifiques. La limite d’une telle entreprise est le déséquilibre que cela peut provoquer : la partie horrifique peut paraître ridicule et repoussante, alors qu’elle est partie intégrante de l’expérience grotesque du film. Chez Shiraishi, force est de constater que l’équilibre y est préservé bien plus habilement (le grotesque ayant chez une force comique incroyable et souvent une force horrifique troublante). Tandis que dans Mag Mag, malgré cette convocation de nombreux codes de la J-Horror ainsi que de son folklore, on est beaucoup plus proche de la comédie. C’est probablement ce qui explique le faux départ (peut-être intentionnel) de son introduction : lorsque le film tente certains effets horrifiques, même sous le coup de la parodie, ils apparaissent malgré tout comme assez lourds et rarement drôles. C’est probablement aussi ce qui est à l’origine des longueurs du film, qui a du mal à tenir le rythme sur ses presque deux heures.

Mais ce très léger couac mis à part, l’expérience reste tout de même formidable. Le carnavalesque et le grotesque sont assumés jusqu’au bout et sans aucune concession faite au spectateur. La longueur du film participe aussi à ce rythme si particulier, puisqu’à chaque fois que le métrage s’essouffle, Yuriyan Retriever sort de son sac une nouvelle idiotie géniale et grisante. À sa structure anthologique autour de la figure de Mag Mag, elle va par exemple y opposer, dans un chapitre incroyable et excessivement long, l’élément perturbateur de Sanae qui fera office d’antagoniste humaine au yurei, à la manière d’un Sadako vs. Kayako détourné en plus ou moins aussi fou, et en tout aussi bête. Aussi, dans son chaos complètement désinhibé, la cinéaste va tourner en dérision les images du contemporain. Bien évidemment, elle se joue du cinéma à travers cette reprise à la limite de la parodie de la J-Horror. Elle propose aussi une forme filmique si impure que le métrage apparaît comme une sorte d’abstraction de cinéma au service de ses gags, quelque chose à la frontière entre le film et le sketch de stand-up. Et en plus de ça, elle y ajoute plusieurs grammaires (les vidéos youtubes, la télévision…) rejouant à l’écran notre rapport tout à fait absurde aux images en général. Aucune réflexion profonde (ni réflexion tout court) n’est apportée à cette thématique qui, finalement, pourrait être l’un des rares liants de la J-Horror. Elle y appose simplement un regard goguenard et imperturbable, une moquerie hilarante de 2 heures. Finalement, plus qu’un film d’horreur (ou un film tout court), Mag Mag est une célébration talentueuse et chaotique de la bêtise sous toutes ses formes, dans la joie et la bonne humeur. Avec en prime des idées de cinéma parfois fascinantes.

On espère donc rapidement voir d’autres productions de Yuriyan Retriever comme du studio K2, qui débutent leurs carrières respectives avec un objet à la fois très simple et très risqué. Il ne faudrait pas que la cinéaste revienne avec des films plus calibrés et sans les défauts de Mag Mag, mais avant tout avec une folie similaire et la même radicalité mise en œuvre. Plus c’est long, plus c’est bon !

Thibaut Das Neves.

Mag Mag de Yuriyan Retriever. Japon. 2026. Projeté au PIFFF 2025.