ETRANGE FESTIVAL 2025 – The Forbidden City de Gabriele Mainetti

Posté le 13 septembre 2025 par

Pour l’ouverture de L’Etrange Festival, c’est une étrange hybridation sino-italienne qui a accueilli les spectateurs, The Forbidden City de Gabriele Mainetti. Grand amateur de genre, il s’est déjà fait connaître avec son film de super-héros On l’appelle Jeeg Robot, qui avait fait sensation il y a quelques années. Cette fois, son désir était de réaliser un film de kung fu avec un actrice chinoise. Il en résulte un film très divertissant et efficace, mêlant intrigue familiale romaine et histoire de vengeance chinoise : une jeune femme experte en kung fu se rend à Rome pour défier des gangs et retrouver sa sœur disparue. Son arrivée va bouleverser la vie d’un restaurateur italien dont le père a fui avec sa maîtresse.

Pour un film italien, une chose étonne : l’introduction se situe en Chine, centrée sur la question de l’enfant unique, et la première séquence semble continuer ce choix de localisation. Mais, par un brillant tour de passepasse de la mise en scène, l’action se retrouve soudain déplacée à Rome, pour que l’histoire puisse vraiment commencer. D’emblée, on est frappé par la fluidité des cadrages, la caméra est véritablement au service de la chorégraphie martiale et sait en un instant basculer du ballet guerrier, toujours à la bonne distance pour mettre en valeur le mouvement, à la mise en place de dialogues de comédie à l’italienne. Le choix de l’actrice Liu Yaxi était risqué. Elle est avant tout une cascadeuse (elle doublait Mulan dans l’affreux film en prise de vue réelle de Disney) et ne parlait pas italien. Mais c’est un pari qui s’avère gagnant, pour des raisons évidentes de langue ; elle joue beaucoup sur sa présence physique et ses capacités de cascadeuse, mais sait aussi jouer la fragilité du personnage et les scènes romantiques. Car le film ne se prive bien sûr pas de passer d’un genre à l’autre, avec une grande scène de découverte de Rome (et un jeu sur l’intertexte avec La Fureur du dragon, autre histoire de restaurant et de kung fu à Rome).

Le film est résolument ancré dans son époque, opposant les personnages de vieux mafieux (campés par Marco Giallini et Chunyu Shanshan, manifestement très heureux de pouvoir incarner des personnages détestables mais dont l’humanité est explorée en même temps que les défauts) au duo principal de Liu Yaxi et de Enrico Borello. D’un côté, on trouve deux variantes de comportement clanique, xénophobe, patriarcal mais incapable de communiquer avec ses enfants, et de l’autre des personnages dont la vie a toujours été sous le contrôle d’une organisation sociale et politique qui ne leur laisse pas la liberté de chercher ce qu’ils veulent être. Le film est résolument du parti de l’hybridation, autant dans sa forme que dans son discours, les discours chauvins se confrontant à la réalité des populations qui occupent le film (on peut noter une scène hilarante où le vieux maffieux italien, Annibale (son nom est visiblement à dessein celui d’un des grands ennemis de Rome, lui qui se pense patriote des patriotes) compare les Romains « purs » au village d’Astérix, sans se rendre compte du caractère aberrant de cette comparaison précise).

Souvent drôle, parfois très impressionnant, bien joué et très bien filmé, avec des personnages plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord, c’est un film qui réserve son lot de surprises et comble l’amateur de films d’action de Hong Kong auxquels il rend hommage. On est loin de Bruce Contre Attaque et de son Bruce Lee perdu dans le Colisée. Cette fois, le passage d’une nouille à l’autre fait sens (littéralement, c’est un des éléments du film).

Pour l’instant, une sortie en salles n’est pas annoncée en France mais on peut espérer au moins une sortie en vidéo, comme le précédent film du réalisateur, le très recommandable Freaks Out (Wildside fait aussi parti des producteurs, ce qui donne un espoir). C’est un hommage au cinéma d’art martiaux et un éloge du mélange des genres qui mérite d’être vu, si possible sur grand écran.

Florent Dichy

The Forbidden City de Gabriele Mainetti. Italie. 2025. Projeté à L’Etrange Festival 2025