Comme tous les ans, la sélection du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) incluait un documentaire. Cette année, il s’agissait de Voices of the Silenced de Park Soo-nam et Park Maeui sur la mémoire des Zainichi, un film déjà passé par le Festival Jean-Rouch et la Berlinale.
Depuis des décennies, la documentariste Park Soo-nam documente l’histoire des Zainichi, les Coréens du Japon, population déracinée par la colonisation japonaise, prise entre deux cultures, doublement victime de la guerre. Née en 1935, victime d’une affliction qui lui fait progressivement perdre la vue depuis des années, elle présente dans ce film, coréalisé avec sa fille, son entreprise de numérisation de ses archives, afin de pouvoir conserver cette mémoire avant qu’elle ne disparaisse.
Le film est finalement autant un carnet de bord sur l’œuvre d’une mère vu par sa fille qu’un film sur les Zainichi à proprement parler ; on suit majoritairement un ordre chronologique pour présenter son travail, de ses premiers pas dans l’exercice documentaire à nos jours. On retrouve abordés les grands moments de l’histoire des Zainichi, du tremblement de terre du Kanto en 1923, et du massacre expiatoire qui en a suivi, à nos jours, en passant par les débats sur l’île d’Hashima (connue du public occidental à travers The Battleship Island) et le négationnisme des autorités japonaises. Paradoxalement, pour un film de près de deux heures et demie, il effleure davantage les sujets qu’il ne les traite vraiment, puisqu’il parle de l’histoire du travail de Park Soo-nam, et que ces sujets ont déjà été développés dans ses œuvres précédentes. Le sujet ici est vraiment de mettre en scène la captation d’une mémoire avant qu’elle ne disparaisse, les témoins figurant au sein des films n’étant déjà pour beaucoup plus là. C’est là la spécificité mais aussi la faiblesse du film : en choisissant cette construction, il se répète nécessairement et certains moments semblent plus des « lieux de mémoires » par lesquels ont passe, qu’une véritable source d’information sur ce qui s’y est déroulé.
Sans être inintéressant, loin s’en faut, le film est donc un peu frustrant si on l’aborde comme une histoire des Zainichi, mais sa grande qualité est qu’il donne envie de découvrir le cinéma de la réalisatrice, dont les films sont accessibles à la location à la demande à travers les liens disponibles sur cette page.
Pour ceux que la question des Zainichi intéresse, les documentaires Counters de Lee Il-ha, présenté au FFCP en 2018, et Soup and Ideology de Yang Yong-hi, présenté à Kinotayo en 2022, sont chaudement recommandés.
Florent Dichy.
Voices of the Silenced de Park Soo-nam et Park Maeui. Corée du Sud/Japon. 2023. Projeté au FFCP 2024.