VIDEO – Tragic Hero de Taylor Wong

Posté le 22 juillet 2022 par

Suite et fin du diptyque mafieux entamé avec Rich and Famous dans Tragic Hero édité en Blu-Ray chez Spectrum Films. Un second volet souffrant des même scories que son prédécesseur à cause d’une production chaotique, mais qui demeure néanmoins plus abouti.

Suite de Rich and Famous où Tang Kat Yung prend sa revanche sur Li Ah Chai après avoir été libéré de prison.

Tragic Hero est la suite du polar hongkongais Rich and Famous, mais paradoxalement sorti quelque mois avant le premier opus. En effet, une production précipitée par la volonté de surfer sur le succès du Syndicat du crime de John Woo (1986) avait rendu le produit fini de Rich and Famous assez médiocre et poussif. L’ensemble ne devait former qu’un seul film finalement trop long et les producteurs décident de sortir d’abord le second volet plus abouti (ou du moins celui pour lequel l’intrigue avait le plus de séquences déjà tournées) dont le succès permettra ensuite d’exploiter Rich and Famous comme un supposé préquel. Ces aléas rendent donc la vision de Tragic Hero assez étrange, qu’on le regarde en tant que production indépendante comme les spectateurs de l’époque ou comme une suite en ayant vu les films dans leur ordre chronologique de conception/narration.

D’un côté, l’introduction est vraiment trop sommaire pour nous attacher aux personnages en vue des évènements tragiques qui les attendent (une voix-off et quelques images de Rich and Famous dépeignent les liens et antagonismes de chacun) si l’on commence par Tragic Hero. De l’autre, plusieurs éléments sont incohérents par rapport à la situation laissée à la fin de Rich and Famous. Le cruel Yung (Alex Man), grand méchant psychotique, se trouve à des sphères de pouvoir et d’influence difficilement crédibles alors qu’il finissait le précédent film en prison pour une longue peine. Le personnage était déjà particulièrement mal écrit dans Rich and Famous mais suivait une destinée corrompue relativement logique quand il n’est ici qu’une bête assoiffée de vengeance. Chai (Chow Yun-fat) est un peu plus tenu en ancien caïd désormais rangé dans des affaires plus respectables. Il y a quelque chose du Parrain 3 avant l’heure dans la caractérisation de ce chef de triades embourgeoisé, apaisé, et ayant désormais intimement à perdre dans une nouvelle guerre des gangs alors qu’il a fondé une famille. Toute la première partie joue de ses tergiversations et atermoiements face aux provocations de Yung.

Malheureusement, l’écriture bancale du diptyque rend une bonne moitié du film laborieuse. Certains protagonistes sont soit trop peu présents si l’on a vu le premier film, soit font figure de deus ex machina si on les découvre ici tel celui d’Alex Lau, petit frère exilé apparaissant et disparaissant au gré des besoin de l’histoire. De manière générale, Tragic Hero n’approfondit pas assez en tant que film stand-alone, et n’exploite pas suffisamment les supposés acquis dramatique en tant que suite. Dès lors, les grands conflits moraux et sacrifices des uns et des autres semblent surjoués et évasifs sans totalement nous impliquer. Pourtant la noirceur est bien là entre parricide, dépit amoureux, ambition sanguinaire mais dans une urgence qui peine à rendre l’ensemble suffisamment incarné.

L’opportunisme est de mise mais sans audace à la manière d’un Chow Yun-fat qui perd tout mais sans subir la même déchéance poignante que dans Le Syndicat du crime. L’ombre de John Woo plane d’ailleurs aussi sur la grande conclusion cathartique, spectaculaire et sanglante qui en déployant l’émotion dans l’action pure parvient à raviver l’intérêt malgré un épilogue grossier – le film ne sachant que faire non plus du flic incarné par Danny Lee. Dans l’ensemble plus tenu et regardable que Rich and Famous, Tragic Hero n’entrera cependant pas au panthéon du genre du polar hongkongais.

Bonus

Un interview (27 mn) de Manfred Wong, le scénariste du film. Il dépeint son parcours dans l’industrie cinématographique hongkongaise, à la télévision, au cinéma pour toutes les grandes compagnies (Golden Harvest, Shaw Brothers), l’évolution vers l’activité de producteur qui l’amène à travailler en Chine et contribuer à des succès récents comme La Bataille du lac Changjin. Il dépeint ensuite son expérience avec le réalisateur Taylor Wong et plus particulièrement le réalisateur/producteur Johnny Mak dont il vante la vision et le style réaliste déteignant sur toutes ses productions dont il est le vrai auteur. Il dépeint ensuite plus spécifiquement le processus d’écriture et de production chaotique et opportuniste (le succès du Syndicat du crime était clairement en ligne de mire) du diptyque Rich and Famous/Tragic Hero, les circonstances de la sortie inversée et les rafistolages résultant de cette décision atypique. Un module intéressant et truffé d’anecdotes.

Une analyse (12 mn) de la séquence d’action finale d’Alex Rallo. Il exprime la manière dont ce morceau de bravoure transcende par l’image les failles d’écriture du film en exprimant par l’action ce que le récit a peiné à exprimer. Il évoque également la probable influence de ce climax sur celui, légendaire, du Syndicat du crime 2 de John Woo, là aussi, suite poussive transcendée par son final. Très intéressant pour décrire le dispositif formel mettant en place l’émotion cathartique de la séquence, un module qui donne presque envie de revoir le film un peu à la hausse.

Une bande-annonce (1mn26) d’époque remasterisée.

Justin Kwedi.

Tragic Hero de Taylor Wong. Hong Kong. 1987. Disponible en Blu-Ray aux éditions Spectrum Films le 30/05/2022.

Imprimer


Laissez un commentaire


*