En compétition à L’Etrange Festival figure Gold Boy, réalisé par Shusuke Kaneko, papa de la dernière trilogie à succès des Gamera mais aussi des premiers live-actions Death Note en 2006.
C’était censé être un crime parfait… jusqu’à ce qu’on en soit témoin. Basé sur une série dramatique chinoise ayant totalisé deux milliards de vues, le film dépeint une bataille psychologique entre un meurtrier et trois enfants.
Il ne fait aucun doute qu’une telle histoire allait inspirer Shusuke Kaneko. Tout comme dans le manga Death Note de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata qui l’avait déjà séduit, on retrouve un personnage principal, jeune, extrêmement intelligent et à la moralité douteuse, un véritable génie du crime. Le collégien Asahi Amuro, incarné par Jinsei Hamura a tout d’un Light Yagami en pleine puberté.
Le postulat de départ est assez simple : Asahi Amuro et ses deux amis photographient malgré eux un assassinat sur les plages d’Okinawa. Ils sont les seuls détenteurs d’une preuve matérielle accablante pour l’auteur du meurtre. Cependant, au lieu de dénoncer le criminel à la police, ils décident de tirer profit de la situation et le faire chanter. Les enfants, en effet, livrés à eux-mêmes dans un contexte social compliqué, ont besoin de se remplir les poches.
Dans un premier temps, Gold Boy se présente comme une nouvelle version du club des Cinq au bord de la mer qui aurait mal tourné. En ce sens, le film a aussi toute la légèreté du récit d’enfants qui mènent des enquêtes. Le cadre idyllique des baies d’Okinawa renforce cette appréciation, tout comme la dynamique de trio juvénile et attendrissante. Tout ceci dans un premier temps, seulement !
Là où le film prend en traître et dévie de sa feuille de route, c’est lorsque la narration commence à brouiller les rôles, répartis entre les bons et les mauvais. Le récit prend un virage, un deuxième meurtrier se cache en la personne d’Asahi Amuro. Peu à peu se dévoile le vrai visage du “mauvais enfant”, ses véritables intentions servies par un plan démoniaque. Les deux génies du crime s’affrontent dans une partie d’échecs grandeur nature qui se conclura par le seul sang versé. Sur ce terrain, le film est généreux, et les deux diables n’y vont jamais de mains mortes, et n’hésitent jamais à se les salir. La caricature est poussée loin, frôlant l’excès, pour notre plus grand plaisir.
On s’attarde essentiellement sur ce que raconte Gold Boy, sa narration, car c’est ce sur quoi repose l’essentiel de l’intérêt que l’on peut porter au film. Le bât blesse lorsque l’on regarde du côté de la réalisation, assez plate et convenue. Le film tient essentiellement par ses personnages, génériques mais attachants, bien interprétés, son récit en tension, et son cadre paradisiaque, Okinawa, servi par une bonne photographie, qui contraste justement avec la cruauté des événements.
Nous ne pouvons nous empêcher cependant de regretter un fin que nous pouvons qualifier de moraliste. A peine avons-nous le temps de pleinement profiter de l’aboutissement du plan rudement mené par l’un de nos génies du mal qu’un coup du sort sorti du chapeau vient ruiner l’échafaudage. Les regards se croisent avec un policier, fin du film. Un fin comme pourrait l’écrire Tsugumi Ohba, “le mal est mis à mal” et ne sort jamais triomphant. Pourtant, ce n’est pas bien amené et on sent que la fin est forcée, qu’il était malvenu de laisser le mal triompher.
Cependant, mis à part ce petit bémol, proche du pinaillage, nous ne pouvons que vous recommander fortement de vous intéresser au nouveau film de Shusuke Kaneko. Un film écrit comme un roman policier, où les enquêteurs font de l’ombre au criminel, à couteaux tirés, sur les côtes d’Okinawa.
Rohan Geslouin
Gold Boy de Shusuke Kaneko. Japon. 2024. Projeté à L’Etrange Festival 2024