FFCP 2023 – Programmes de courts métrages « Shortcuts »

Posté le 1 décembre 2023 par

Dans le cadre du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), comme tous les ans, ont été proposés trois programmes de courts-métrages, soumis aux votes d’un jury étudiant et d’un jury professionnel. Comme à son habitude, l’équipe de sélection du festival a œuvré à présenter un panorama riche et varié de la jeune garde coréenne ; puisque cette édition du festival bénéficiait d’un partenariat avec la Korea Creative Content Agency, chaque séance contenait au moins un film d’animation.

SHORTCUTS #1

Hometown de Heo Ji-yun – 2022 – 21 min – Drame

Lauréat du prix Flyasiana du meilleur court métrage (ce qui signifie que son réalisateur sera invité à une séance spéciale l’année prochaine pour présenter l’ensemble de son travail, et que son film a été reprojeté lors de la cérémonie de clôture)

Un jeune homme se prend d’affection pour les poèmes que laisse tous les jours un individu mystérieux sur un tableau blanc, mais un jour les poèmes cessent de se renouveler.

Ce film présente une méditation sensible sur les rapports humains, à travers une relation qui se crée de façon indirecte, le deuil et les processus d’aliénation. Les personnages, interprétés avec justesse, n’interagissent pas toujours nécessairement dans le même espace ou la même temporalité, mais ces rencontres transforment leur parcours. Dans la mélancolie de la ville nocturne, la question du rapport à la poésie comme horizon d’espoir est présentée comme une solution pour regagner une part de son humanité.

 

Catching Shadow de Cheong Jaehee – 2023 – 9 min – Thriller

Une femme tombe sur un meurtre alors qu’elle rentrait nuitamment chez elle et sombre ensuite dans la paranoïa.

Du point de vue formel, le film réussit son pari, avec des images fortes, dans un noir et blanc navigant entre expressionnisme et film noir, tirant parti des décors de rues nocturnes et du studio photo où travaille l’héroïne pour jouer sur les ombres. Seulement, si l’on prend du recul par rapport à l’aspect ludique, le court s’avère un peu vain, sans réelle surprise. On peut espérer retrouver dans quelques années le même soin sur la direction artistique mais mis au service d’un récit plus solide.

 

The Lee Families de Seo Jeong-mi – 2023 – 26 min – Drame, comédie

Une famille se déchire autour de la maison laissée au seul petit fils, qui souhaite s’en débarrasser.

Le film de famille dysfonctionnelle est un genre bien établi, et ce film ne déroge pas à ma règle, entre la comédie noire et l’observation sociologique sur des générations qui ne communiquent plus. Le film marche d’autant mieux qu’il évite le manichéisme, chaque membre de la famille se laissant plus ou moins atteindre par ses névroses propres, avec malgré tout dans la réalisation une tendresse certaine pour la plupart des protagonistes, à la manière d’un Kore-eda burlesque.

 

Getting Used of Loneliness de Seo Pyoungwon– 2023 – 12 min – Animation, drame, romance

Un homme seul se retrouve invité au badminton par un collègue, alors qu’il ne sait pas vraiment jouer. La rencontre d’une jeune femme attentive va l’aider à s’épanouir. Assez classique sur le fond comme sur la forme, un court sympathique mais pas toujours mémorable.

 

Incorrect Museum de Hur Junwoo – 2022 – 16 min – Drame, absurde

L’histoire d’un jeune homme atteint de poésie.

L’intrigue est volontairement très superficielle, mise au service de trouvailles visuelles bricolées à la Gondry, avec notamment des autruches qui feront date. Un très joli film, qui pourra paraître hermétique à ceux pour qui le sens devrait toujours primer (cette dichotomie est justement au centre de la relation entre le personnage point de vue et son amie, l’un des rares autres personnages à dépasser le statut d’accessoire à un tableau).

 

Architect A de Lee Jonghoon – 2022 – 25 min – Animation, drame. Lauréat du prix Kia du meilleur film d’animation et d’une mention spéciale du jury

Un architecte propose de concevoir la maison idéale de chacun à partir de ses souvenirs.

Si le rapport à l’utopie est sciemment un peu naïf et convenu, il sert avant tout de prétexte à une vraie créativité visuelle, libérée de toute contrainte réaliste, dans un film dont l’apparence enfantine embrasse délicatement la question de la création de l’identité par le souvenir.

 

SHORTCUTS #2

50CM de Kim So-jeong – 2023 – 22 min – Romance, drame

Deux lycéennes, l’une malvoyante, l’autre son assistante, s’interrogent sur leur relation alors qu’elles se préparent à un marathon.

Le film est assez sensible, sur le sujet compliqué de la codépendance et de la relation fusionnelle des deux jeunes filles, dont l’une est littéralement les yeux de l’autre, ce qui complique leurs interactions d’égale à égale. C’est un court dramatique adolescent assez classique, mais bien réalisé et bien interprété, qui sait donner à son sujet le temps de prendre de l’épaisseur.

 

The Sea on the Day when the Magic Returns de Han Ji-won – 2022 – 24 min – Animation, drame

Une jeune femme, son père et un personnage minuscule ont un accident de voiture et tombent à la mer. Cette jeune fille voit ses rêves rétrécir au fur et à mesure qu’elle cherche une façon réaliste d’accepter les renoncements de sa vie.

À travers une temporalité éclatée et une ambiguïté entretenue entre métaphore et fantastique, le film aborde avec une fantaisie bienvenue le rapport aux regrets et aux déceptions du passage à l’âge adulte. Ce court n’est pas facile à suivre, se perdant dans des méandres de relectures d’événements déjà passés ou rêvés, mais ambitieux et plaisamment déroutant.

 

Rest Day de Kim Da-ye – 2023 – 23 min – Drame

Une jeune fille se réveille un matin pour découvrir que tout ce dont elle se souvient commence progressivement à ne jamais avoir existé. Un joli film fantastique sur le thème du deuil, qui travaille délicatement l’inquiétante étrangeté jusqu’à la confirmation finale du propos réel du récit.

 

Shape of Wind de Lee Sung-gang – 2022 – 12 min – Animation. Mention spéciale du jury

Un conte sur le vent et la peur du loup, situé dans la steppe.

Esthétiquement très impressionnant, peinte plus que dessinée, avec un grand jeu sur les couleurs, cette variation de récit initiatique sur la peur de l’altérité et d’histoire de loup-garou travaille avec brio son identité visuelle pour faire ressortir tout ce qu’un conte peut avoir d’un peu effrayant.

What We Left Behind de Kang Nam-jin – 2023 – 12 min – Animation, drame

L’histoire d’une famille vue par leur appartement.

Très impressionnant techniquement, composé de milliers de photos permettant d’animer le domicile tout en laissant les habitants hors champ et avec des travelings étonnamment fluides pour le procédé, ce court aux choix radicaux s’impose comme une très jolie méditation sur le temps qui passe et la douleur lancinante de l’absence.

 

Resilience de Choi Yunie – 2023 – 3 min – Animation

Un corps abandonné lors d’une guerre se retrouve pris dans le cercle de la vie. Très bref et emprunt d’humour noir, ce court détourne un récit à la Métal Hurlant pour célébrer la vie qui triomphe même de la fin des mondes.

 

Sara de Lee Hyun-kyung – 2023 – 29 min – Drame, coming of age

Un jeune homme élevé par l’assistance publique, qui attend sa majorité pour pouvoir changer de nom, apprend la mort de son père.

Le film joue élégamment de ses révélations et des malentendus, symbolisés par le mystère des hanjas (sinogrammes qui donnent le sens au nom « incomplet » laissé par le père, qui en leur absence est réduit à une pure phonétique, sans signification). Les personnages sympathiques permettent de naviguer de la colère à la compréhension dans ce récit sur l’acceptation de soi.

 

SHORTCUTS #3

Voice Club de Kim Taeyoung – 2023 – 27 min – Drame, social

Une jeune femme isolée et timide, malheureuse dans sa vie de télémarketeuse, s’inscrit à un « voiceclub » et cherche par tous les moyens à y devenir populaire.

Un intrigant récit qui joue sur la descente dans la paranoïa voire le fantastique. Une très ludique critique de la quête d’approbation sur les réseaux sociaux, portée par une actrice qui arrive à se métamorphoser au cours du métrage, avec un jeu de fausses pistes et de vrais pièges.

 

Boundary de So Hahyun – 2023 – 5 min – Animation, expérimental

Un film d’animation qui tend vers l’abstraction, esthétiquement très réussi, sur l’impossible rapport aux limites du mouvement.

 

Promise de Song Haeyon – 2022 – 4 min – Animation, comédie, clip

Un clip animé psychédélique très prenant sur une héroïne littéralement prisonnière de ses démons.

Teratoma de Byun Jeong-won – 2022 – 25 min – Comédie dramatique. Lauréat du prix Keystone du meilleur script

Une jeune femme se confronte à sa tumeur ovarienne francophone et à sa relation de couple insatisfaisante.

Étrange et souvent drôle, sur un sujet qui pourrait ne pas l’être, ce court au féminisme décalé n’est pas toujours clair dans ses intentions mais très convaincant dans sa forme. On peut se demander si les origines de la tumeur, qui font penser à celles de la maladie du Mauvais Sang de Carax, ne sont pas la raison de la langue française utilisée par la monstrueuse créature organique.

 

How to get your Man Pregnant de Noh Gyeongmu – 2023 – 30 min – Animation, anticipation

Un couple n’arrive pas à avoir d’enfants, heureusement une savante propose la solution : c’est l’homme qui tombera enceinte, ce qui permettra à terme à la Corée de sauver son taux de natalité.

Extrêmement réussi, ce court joue de références visuelles multiples, de la tradition coréenne aux fantaisies américaines rétros, pour proposer une mordante satire politique des questions de représentation des rôles genrés, de la société patriarcale et de la façon dont on banalise à l’excès les difficultés de la grossesse. Grâce à ses personnages au design très marqué et à sa liberté totale de ton et de forme (selon les émotions à représenter, les échelles n’ont plus aucune sorte d’importance, et l’humour est souvent d’une malveillance malicieuse), ce film, déjà repéré dans d’autres festivals, promet de devenir un classique de l’animation coréenne.

 

Punk Man de Kim Jun-seob – 2023 – 21 min – Comédie

Un jeune punk poseur échoue à incarner l’esprit du punk et se retrouve confronté à ses contradictions.

Très drôle et chaleureusement ironique, ce film se moque gentiment de son héros en lui imposant un parcours initiatique où il va devoir se dépasser après une suite de mésaventures aussi minables que finalement très punks. Il y a peu de personnages mais ils sont indéniablement très réussis et les titres de chapitres viennent ponctuer de façon très drôle les étapes du récit.

Cette année encore, le FFCP nous a gratifié d’une grande variété de courts, forcément inégalement aboutis, certains provenant de réalisateurs déjà expérimentés et d’autres de véritables nouveaux venus, mais toujours intéressants et qui donnent vraiment envie de voir ce que la suite de la carrière de ces créateurs nous réserve.

Florent Dichy.

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