Critique Preview – One on One de Kim Ki-duk (inédit)

Posté le 30 mai 2015 par

One on One, encore inédit en France, est le nouveau film coup de poing du sud-coréen Kim Ki-duk. Moins drôle que son prédécesseur Moebius, il est aussi brut que Pieta.

Selon le réalisateur lui-même, l’histoire de One on One s’inspire « d’un fait divers réel qui s’est passé il y a quelques années et qui menaçait les droits démocratiques », mais, ajoute-t-il, « aucun critique ou journaliste ne l’a jamais mentionné. Je donnerai 10 millions de won à celui qui trouve. » Enigmatique Kim Ki-duk. De quoi s’agit-il ici ? A priori d’une histoire de vengeance. Pour venger la mort de sa fille, mystérieusement assassinée quelques mois auparavant, un père fonde avec six acolytes une milice paramilitaire dans le but de punir les sept responsables : des simples exécutants aux personnalités de haut rang.

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Ce qui frappe d’emblée dans One on One, c’est le cirque paramilitaire mis en œuvre par la milice surnommée « Shadow ». Pour impressionner les victimes et les faire passer aux aveux, ils jouent des codes militaires jusqu’à la dérision : treillis, armes à feu, matraques, soumission au chef, slogan crié en cœur (le jubilatoire « Mort au communisme ! »). La milice a même son logo : une tête de mort entouré d’un serpent. La traque des victimes devient un jeu, la figure du tortionnaire un rôle. On les voit d’ailleurs à plusieurs reprises dans leur vestiaire, après la besogne, reprendre leurs habits civils et rire de leurs méfaits. La distinction entre victime et bourreau est bien mince.

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Kim Ki-duk montre même les sept miliciens dans leur quotidien : l’un est serveur dans un restaurant (moqué par un riche client), l’une est une femme entretenue et battue par un maquereau, un autre est un adulte criblé de dettes auprès de mafieux. Rien de bien reluisant. Tous sont des laissés-pour-compte qui trouvent une excitation et une raison de vivre en participant à la traque de la milice. Le cas du chef (excellemment interprété par Ma Dong-seok) est différent : s’il est malheureux c’est à cause du meurtre de sa fille. On comprend qu’il a brièvement travaillé dans l’armée, d’où sa capacité d’organisation et son goût de la violence. C’est avec un visage impassible qu’il dirige les « interrogatoires » et les séances de torture de ses victimes.

Contrairement à Pieta où la violence est visuellement choquante, elle est ici plus psychologique. On voit bien une fois une victime se faire exploser la main au marteau mais les séances de torture ne sont pas très graphiques : comment rendre dégoûtantes une séance d’électrocution ou quelques claques sur la gueule ? Le malaise du spectateur vient surtout du manque d’information sur le meurtre originel de la jeune fille et sur l’identité des victimes. Il y a du Kafka dans One on One. On ne saura jamais le mobile du crime. Les exécutants eux-mêmes le savent-ils ? On imagine un crime politique mais cela reste vague. La défense des criminels est toujours la même : « J’ai seulement fait ce qu’on m’a dit de faire, j’ai suivi les ordres », comme en atteste ce dialogue entre un exécutant et son ami : « Je fais juste ce qu’on me dit de faire », « Même si c’est mal ? », « C’est celui qui donne les ordres qui est en faute ».

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On en arrive au cœur du film qui est plus qu’un film de vengeance. One on One est surtout un film sur la servitude. La servitude volontaire et la servitude contrainte. Ces deux types de servitudes touchent à la fois les miliciens et leurs victimes. Par leur servitude volontaire, ils acceptent de vivre leur vie de dominés, se pliant aux ordres de la société. Par leur servitude contrainte, sous la torture, les victimes passent aux aveux. Quelqu’un est-il vraiment libre dans ce film ? Le chef de la milice Shadows ? Les miliciens ? Leurs victimes ? Personne ? C’est bien là le nœud du film. Comme l’écrivait Etienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire, « pour que les hommes, tant qu’ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux choses l’une : ou qu’ils y soient contraints, ou qu’ils soient trompés. » Ou encore : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. »

One on One est un film 100% Kim Ki-duk, ce qu’on peut parfois trouver répétitif et par trop prévisible. Mais quand c’est réussi, pourquoi bouder son plaisir ?

Marc L’Helgoualc’h.

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