VIDEO – Sweetie You Won’t Believe It de Yernar Nurgaliyev

Posté le 23 juillet 2022 par

Après avoir écumé quelques festivals, la comédie kazakhstanaise Sweetie You Won’t Believe It, réalisée par Yernar Nurgaliyev, est disponible en Combo DVD/Blu-Ray chez Extralucid Films. L’occasion de se replonger ou de découvrir cette hilarante comédie qui carbure à l’humour noir.

Le film suit Dastan, interprété par Daniar Alshinov (déjà vu en flic taciturne dans A Dark, Dark Man), jeune homme un peu macho et beauf sur les bords qui, entre deux discussions houleuses avec sa compagne, décide de s’aérer la tête en campagne avec deux de ses amis, guère plus intelligents. Mais le destin, ou la malchance, va leur faire croiser la route d’un trio de bandits au QI proche du néant, ainsi que d’un autochtone psychotique qui apprécie très modérément les intrusions des citadins.

Comme précisé plus haut, Sweetie arrive auprès du public occidental après une série de films qui étaient majoritairement des drames, ou encore des comédies dramatiques, à l’humour souvent très noir. Aussi, il est agréable de constater que le cinéma kazakhstanais est aussi capable de produire de vraies comédies populaires drôles, aussi maîtrisées sur le fond que sur la forme. Si le pitch de base n’est clairement pas ce qui se fait de plus original (le concept citadins vs campagnards, choc des cultures, etc. n’est pas nouveau), force est de reconnaître que ce film assume complètement de ne pas réinventer la roue et plonge tête baissée dans tous les excès, le but premier étant bien évidemment de faire rire. Nos trois héros sont des purs archétypes de l’homme moderne auto-satisfait, misogyne et obsédé jusqu’au trognon (un des héros a une belle collection de poupées gonflables). Face à eux, des truands à la petite semaine incapables de mener à bien un contrat sans s’évanouir devant trop de violence. Bien évidemment un rocambolesque concours de circonstances va amener ces deux groupes à se rencontrer et de fil en aiguille, après quelques quiproquos, ils vont vivre un weekend en enfer.

Pour donner une idée du ton général, le film fait du concept « plus c’est bête, plus c’est gros, plus ça marche, » son cheval de bataille. Tout est prétexte à provoquer des rires quasiment non-stop. Qu’il s’agisse de filmer un radeau composé de poupées gonflables ou de montrer les habitants de la campagne comme de gros psychopathes libidineux, le film coche à peu près toutes les cases du mauvais goût avec une bonne humeur communicative.  Qui plus est, lorsqu’arrive le grand méchant de l’histoire et son projet de tuer absolument tout le casting, le film se permet même des saillies ultra gores mais jamais dérangeantes, la tonalité comique du film tendant à immédiatement les faire passer comme de grosses blagues bien grasses.

Si, sur le fond, le script ne laisse absolument aucun temps mort au spectateur sur les 100 minutes que dure le film, il est à noter que la forme se montre tout aussi travaillée et ne se contente pas de filmer platement un enchaînement de blagues et de situations comiques. Au-delà d’une photo assez travaillée, la mise en scène se montre très souvent inventive. On pensera notamment à une scène qui n’est pas sans rappeler Don’t Breathe de Fede Alvarez et son boogeyman aveugle, mais qui ici oppose un des trois simplets au tueur dans une partie de cache-cache aussi tendue qu’hilarante, avec un nigaud pétomane essayant de chercher l’angle mort de son adversaire. Et notons que ce film contient sûrement la meilleure imitation de The Rock avec son sourcil, qui sort de nulle part mais qui fait son petit effet en pleine baston finale.

On pourra cependant trouver quelques idées et facilités scénaristiques qui viennent parasiter l’ensemble, avec des fusils de Tchekhov tellement énormes qu’on les voit arriver 30 minutes avant leur utilisation (le cheval des truands), ou des idées jamais correctement exploitées (la famille de tarés campagnards), mais le trio de comédiens dépensent une énergie folle et le film embarque le spectateur dans une équipée tellement improbable et hilarante qu’on en oublie ces petits défauts. Une très bonne surprise made in Kazakhstan.

Bonus

Présentation par Diane Lestage et Laurent Duroche (9 min). Dans cette première courte vidéo, les deux journalistes présentent le film en insistant sur les nombreuses qualités aussi bien techniques que scénaristiques de celui-ci, sans oublier les différentes influences, occidentales et hollywoodiennes, qui parsèment le récit. Entre le cinéma des frères Coen, l’humour à la Tex Avery et le gore rigolard d’Edgar Wright, le film apparaît comme un très recommandable best of de cinéma de genre.

Entretien avec Danyar Alshinov (15 min). Voici sans aucun doute le bonus le plus intéressant de cette édition vidéo. Plutôt que de proposer une featurette making-of standard, nous avons droit ici à un entretien vidéo (pandémie oblige) avec le comédien principal qui revient non seulement sur le film et sa production, mais aussi sur sa carrière. On découvre un comédien dont la bonne humeur communicative est à des kilomètres de ses rôles plus mutiques et discrets. Dans un anglais parfait, il revient sur ses débuts, la reconnaissance du cinéma kazakh à l’étranger et son parcours professionnel qui l’a même amené en France pour la série Infiniti. Le comédien semble éprouver un réel attachement pour la France et son amour du cinéma. On enchaîne sur ses souvenirs de tournage, entre débrouille (le film n’avait pas un budget démentiel, ce qui a, mine de rien, boosté la créativité du réalisateur) et bonne humeur très campy. Enfin, il conclut sur une note plus triste lorsqu’il évoque la catastrophique exploitation en salles qui fut mise à l’arrêt à cause du Covid 19, pour un film qui était bien parti pour triompher.

Retour sur le cinéma Kazakh avec Laurent Duroche (12 min). Un module tout aussi passionnant et qui ravira les plus cinéphiles puisque dans cette vidéo, le journaliste Laurent Duroche revient sur la naissance et l’évolution du cinéma kazakh, de sa naissance en temps de guerre jusqu’aux années 2000. On y découvre un cinéma sous influence du voisin russe, ou bien encore que le Kazakhstan a servi de décors à des grands classiques du cinéma comme Ivan le Terrible. De fil en aiguille, on apprend que nombre de réalisateurs que l’on pensait russes sont en réalité issus du Kazakhstan, comme Timour Bekmambetov, le réalisateur de Wanted avec Angelina Jolie, et que le cinéma kazakh est plus vivant et diversifié que jamais, proposant aussi bien des drames que des films d’horreur, sans oublier les grandes fresques historiques et spectaculaires.

Un mot de Danyar Alshinov (2 min). Pour finir dans la bonne humeur, une courte vidéo dans lequel le comédien souhaite un bon visionnage aux spectateurs et remercie très chaleureusement le public français pour l’intérêt porté au cinéma de son pays, pour lequel il semble éprouver une grande fierté.

Romain Leclercq.

Sweetie You Won’t Believe It de Yernar Nurgaliyev. Kazakhstan. 2020. Disponible en Combo DVD/Blu-Ray chez Extralucid Films le 11/07/2022

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