Alors que la série animée, en pause depuis une dizaine d’années, fera son grand retour très prochainement (prévue pour octobre 2022), East Asia a décidé de se rafraîchir la mémoire en jetant un œil sur son adaptation en film live par Shinsuke Sato (Kingdom) avec en rôle titre, le sexy en diable Sota Fukushi. Disponible sur Netflix, qu’en est-il donc de cette version du sabreur tout sauf manchot ?
Zanpakuto VS Hollows !!
Ichigo Kurosaki est un adolescent vivant dans la ville de Karakura. Un jour, celui-ci fait la rencontre de Rukia Kuchiki, une Shinigami (Faucheur d’âmes) dont la mission est d’amener les âmes des morts dans la Soul Society. Elle doit aussi combattre les Hollow, les âmes monstrueuses des morts perdues qui peuvent nuire à la fois aux fantômes et aux humains. Lorsque Rukia vient défendre Ichigo et sa famille d’un Hollow qu’elle poursuivait, elle est gravement blessée. Ayant déjà remarqué la capacité particulière d’Ichigo à voir les fantômes, elle décide rapidement de lui transférer ses pouvoirs afin qu’il puisse se battre à sa place, pendant qu’elle récupère ses forces.
Passons rapidement sur un manga que l’on ne présente plus. A l’image de Dragon Ball, Naruto ou One Piece, Bleach est un shonen mondialement célébré. Publié dans le célèbre Weekly Shonen Jump de l’éditeur Shueisha, le manga passionne la jeunesse nippone sur 74 tomes de 2001 à 2016. La France le découvrira plus tard, en 2003, grâce à Glénat. Le second pays le plus amateur de mangas de la planète appréciera tout autant les aventures de l’épéiste. 120 millions de volumes commercialisés plus tard, l’histoire de Tite Kubo sera elle aussi adaptée dans une série animée de plus de 360 épisodes de 2004 à 2012 sur TV Tokyo.
A l’évidence, un métrage d’1h50 ne peut rendre hommage à la richesse d’un récit ayant duré une quinzaine d’années. Qu’il s’agisse de son univers de base (la Soul Society, le monde des Shinigamis, le Hueco Mundo des Hollows, l’enfer…), la personnalité du héros (dans le manga, il voit et entend les âmes depuis toujours, l’acceptation de son destin…), tout comme le pouvoir des armes et surtout son bestiaire (Bounts, Vizards, Arrancars, Fullbringers) : les fans pesteront à l’évidence sur la vision du réalisateur. On rappelle par ailleurs le génie de Peter Jackson qui, malgré des choix obligatoires, a fait preuve d’une responsabilité folle et d’un respect de l’œuvre inattaquable sur ses sagas Le Hobbit ou Le Seigneur des anneaux et des trilogies de plus de 10 heures chacune.
Les aventures du jeune lycéen affublé d’un destin unique qui le dépasse, parmi les faucheurs d’âmes, les monstres, les armes magiques et les grands méchants, ne réinventent pas la roue du récit d’aventure… Le film ne contredit pas non plus les célèbres 17 étapes d’un récit d’aventure vulgarisées par Joseph Campbell. Sans être une catastrophe comme le sont les adaptations live de Dragon Ball ou Death Note en version US, le film ne passionnera pas forcément un spectateur ayant l’impression d’être, cette fois encore, devant une production calibrée, sans surprises ni prises de risques.
De par le découpage de son intrigue ultra-classique (élément déclencheur, refus du destin inattendu, évolution express de la prise de conscience, entraînement, combats toutes les demi-heures, combat final, etc.) et une direction artistique quelconque, on peine à se passionner pour le métrage. Ajoutant à cela quelques problèmes très dommageables que sont l’attente (une heure plus tard, le film semble encore exposer son propos), les grimaces forcées, son aspect verbeux ou l’absence de personnages secondaires intéressants, Bleach manque énormément de soin dans sa préparation narrative. Tout est beaucoup trop rapide (la maniement du sabre notamment), la folie graphique du manga manque à l’appel ou l’absence de moments mémorables enterre une aventure convenue. Ainsi, comme prévu : le lycéen découvre un monstre attaquant la ville, rencontre le side kick, accepte son destin, révèle sa puissance, combat les méchants, entrecoupant son propos d’une romance mièvre et quelques punchlines de cinéma popcorns… On s’attendait à mieux…
Tout n’est évidemment pas à jeter aux oubliettes : la performance de la faucheuse d’âme et maître Rukia Kuchiki (Hana Sugisaki dans The Great Yokai War: Guardians) est crédible. Il arrive même parfois de se prendre au jeu devant un monstre impressionnant et un minimum effrayant (ou tout du moins bien réalisé) et de croire en ce transfert de pouvoir malgré la rapidité de son explication. Les clins d’œil au manga, l’humour décalé ou l’exposition drôle dessinée des enjeux permettent ainsi de passer un bon moment. On saluera in fine les séquences d’entraînement WTF au milieu du campus (!?) ou le combat contre un Hollow en pleine forêt. Des séquences bien trop rares pour faire oublier la célérité avec laquelle le lycéen rivalise avec des maîtres épéistes millénaires (dont une épée extensible immédiatement ultra cool !) ou son sang froid face aux chimères.
Évoquant le contrat implicite avec notre propre finitude, des thématiques aussi larges et universelles que le deuil, le courage, la trahison ou la solidarité, Bleach aurait pu devenir un film bien plus important eu égard à son matériau de base. L’impossibilité de s’enivrer pour les enjeux font donc du film une adaptation qui, sans être ridicule, ne mérite aucun revisionnage. Bien que pourtant l’une des meilleures, le film n’est en soit qu’une nouvelle piètre adaptation d’un manga … N’est pas 20th Century Boys qui veut…
Jonathan Deladerrière
Bleach de Shinsuke Sato. Japon. 2018. Disponible sur Netflix