VIDEO – Double Team de Tsui Hark

Posté le 18 mars 2022 par

Après Piège à Hong Kong qui marquait le retour de Tsui Hark derrière la caméra pour diriger Jean-Claude Van Damme, ESC offre désormais la possibilité de découvrir, ou redécouvrir Double Team, première partie de la collaboration entre les deux hommes. Alors que la réputation catastrophique du film le précède, il est peut-être intéressant de vérifier si le long-métrage ne mériterait pas une séance de rattrapage.

Petit rappel des faits avant de se replonger dans le délirant film de Tsui Hark. Comme il l’avait déjà été précisé dans l’article consacré à Piège à Hong Kong, la rétrocession de Hong Kong à la Chine est allée de pair avec une sorte de stagnation des réalisateurs. Parmi eux, Tsui Hark, déjà devenu incontournable sur la scène nationale et la culture cinéphile à l’étranger, grâce notamment à des films comme Il était une fois en Chine, ou bien encore le furieux et sauvage The Blade. Désireux d’élargir ses horizons, il s’en va tenter sa chance aux USA, et après moult échanges avec les studios, il s’engage à tourner pour eux, et son chemin va croiser une autre légende du cinéma d’action, Jean-Claude Van Damme. A priori, tout devait bien se passer. Tsui Hark a un sens aigu de la mise en scène de l’action et une maîtrise totale de la grammaire cinématographique, ce qui ne l’empêche pas de tenter des choses folles avec sa caméra. On lui parle de Jean-Claude Van Damme qui, tout comédien et artiste martial qu’il soit, voue une vraie et sincère passion et admiration aux artistes de Hong Kong, qu’ils soient metteurs en scène ou comédiens. En soi, c’est une rencontre au sommet, une rencontre attendue par les amoureux de film d’action. Mais malheureusement, c’est une véritable épreuve de force qui attend le réalisateur.

Tsui Hark va devoir composer avec un JCVD complètement à l’ouest, déjà bien affaibli par les montagnes de cocaïne qu’il consomme à un rythme dangereusement soutenu. On remarquera cependant qu’à l’écran, cela ne se voit pas du tout, l’acteur belge restant étonnamment sobre tout au long du film. Le réalisateur dirigera également Mickey Rourke, qui en fait évidemment des caisses dans son rôle de grand méchant, et surtout il va devoir gérer celui qui au final va s’avérer être le pire choix possible pour un second rôle : Dennis Rodman. Basketteur/catcheur à ses heures perdues, mais certainement pas comédien. Incapable de jouer correctement ni d’interpréter convenablement un dialogue, il arrive à rendre insupportable et ridicule son rôle de trafiquant d’armes au grand cœur. Qui plus est, les dialogues se sentent obligés de nous rappeler le passé de basketteur du monsieur avec des répliques et des blagues fines comme les bras de JCVD, à l’image de cette scène où notre comédien amateur tire de loin et anone bêtement que son shoot valait bien trois points. Ajoutons à cela un style vestimentaire qu’on qualifiera poliment d’excessif et coloré pour un film qui n’en avait vraiment pas besoin.

Lorsque l’on évoque le film Double Team (et ce n’est pas Tsui Hark qui ira le défendre tant il met un point d’honneur à le laisser dans un coin de sa filmographie), on en retient surtout une avalanche de mauvais goût et d’action décérébrée. Il est maintenant temps de remettre les pendules à l’heure concernant le long-métrage.

Oui, il est souvent excessif dans sa direction artistique, mais il faut honnêtement reconnaître quelque chose qui saute aux yeux après revisionnage, l’élément qui fait systématiquement basculer le film dans le n’importe quoi et la bêtise la plus crasse : le personnage de Dennis Rodman. A chaque apparition, c’est une punchline débile, un costume affreux, une réplique à côté de la plaque. Si l’on retire cet élément du film, on en ressort une série B qui n’est certes pas révolutionnaire, mais qui fait le job avec un héros meurtri et un méchant très méchant. D’ailleurs, on constatera que dès qu’il quitte l’écran, le film respire beaucoup mieux et se consacre pleinement à son héros. Tsui Hark a beau déjà avoir filmé de la comédie avec du rythme, avec par exemple Le Festin chinois, on le sent incapable de mettre en scène la tornade de mauvais goût qu’est Dennis Rodman. Par contre, une fois libéré de ce boulet, il peut vraiment filmer de vraies scènes d’action, et même s’il a été établi depuis que Tsui Hark n’avait pas eu les pleins pouvoirs sur son film et que sa touche personnelle avait souvent été mise en sourdine, il rappelle le temps d’une scène de baston dans un hôtel ou même pendant la scène d’introduction, qu’il est capable de filmer une chorégraphie sans jamais la sur découper et en exploitant les capacités physiques de son comédien principal. En comparaison avec Piège à Hong Kong et ses plans subjectifs de semelle, son style en ressort même plus sage et plus lisible.

Alors certes, le film a beau assurer côté action et divertissement, soyons honnête, on ne s’ennuie pas une seule seconde, mais le scénario pèche par excès de générosité et de folie, achevant de faire ressembler le film à une sorte de pièce montée bourrative où se mêlent crime organisé, enlèvements, société secrète pour agents reconvertis, trafic d’armes, avec en point d’orgue un climax au Colisée romain (tourné à Arles, pour la petite histoire). Cette séquence, complètement dingue, mélangent kidnapping de nourrisson à moto, mines antipersonnel, kickboxing et surtout incursion d’un véritable tigre, bien décidé à dévorer le casting. Le film s’achève dans une explosion de mauvais goût et de placement produit aussi subtil qu’une grenade, laissant au spectateur une impression globalement satisfaisante, loin de la purge qui est évoquée lorsqu’on parle de Double Team.

Pour toutes ces raisons, Double Team mérite qu’on le redécouvre, tant il s’avère être finalement beaucoup plus regardable et généreux que sa réputation ne le laissait penser. Ce n’est clairement pas le meilleur film de son réalisateur, et encore moins celui de son comédien principal, mais cela reste une belle rencontre sur pellicule, une curiosité à (re)voir.

Bonus

Entretien avec Frédéric Ambroisine

Dans ce court module, le spécialiste du cinéma asiatique Frédéric Ambroisine revient avec passion et humour sur le film Double Team et la place qu’il occupe dans la filmographie de Tsui Hark. Il confirme que Jean-Claude Van Damme, au-delà de son image parfois fantasque, est un véritable amoureux du cinéma d’action asiatique, et que cela se ressent dans son investissement total lors de toutes ses collaborations avec les réalisateurs de Hong Kong. Divertissant et instructif.

Jean-Claude Van Damme. Le poing sur sa carrière, Partie 7.

Dans cette vidéo, Arthur Cauras, cinéaste et Vandammophile revient sur une partie de la carrière de Jean-Claude Van Damme qui voit son déclin s’amorcer. Il y aborde l’expérience Légionnaire, et la dégringolade qui s’ensuivit avec l’échec d’Universal Soldier, le combat absolu, et sa chute dans le DTV avec Inferno, récit foutraque mais pourtant profondément autobiographique pour sa star, qui voit son statut d’icône du cinéma d’action décliner, à l’approche des années 2000.

Romain Leclercq.

Double Team de Tsui Hark. 1997. USA. En DVD, Combo DVD/Blu-Ray et Edition Collector Limitée chez ESC le 16/03/2022