Nagisa Oshima Il est mort apres la guerre

Oshima Nagisa : la guerre de Tokyo n’a pas eu lieu

Posté le 10 avril 2021 par

La période 1960-1970 d’Oshima Nagisa s’ouvre et se ferme par deux réflexions sur les mouvements de révolte nippons : Nuit et brouillard au Japon et Il est mort après la guerre. Deux œuvres majeures inscrites dans le courant de la Nouvelle Vague qui se font écho et qui offrent des clefs de lecture pour comprendre les contestations politiques et artistiques du pays de l’époque.

Article long mais à lire jusqu’au bout : la fin va vous étonner !

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Une brève histoire politique du Japon entre 1945 et 1970

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La Nouvelle Vague japonaise peut difficilement s’analyser sans connaître l’histoire politique du pays après la défaite militaire du Japon en 1945. Les agitations de 1952, 1960 et 1968-69 seront des piliers de la contestation évoquée dans Nuit et brouillard au Japon et Il est mort après la guerre d’Oshima.

De septembre 1945 à septembre 1952, le Japon est un pays occupé par les Etats-Unis. Une punition et une humiliation. L’empereur Hirohito doit renoncer à sa nature de « divinité à forme humaine ». Le pays détruit est alors administré et géré par le général Douglas MacArthur. En 1952, le Traité de sécurité entre les États-Unis et le Japon permet au Japon de retrouver sa souveraineté mais les Etats-Unis restent présents dans l’archipel, notamment dans des bases militaires. L’île d’Okinawa reste quant à elle entièrement sous contrôle américain. En raison de la situation géopolitique en Asie et de l’essor du communisme (avènement de Mao en Chine, guerre de Corée), les Etats-Unis voient dans le Japon une base idéale pour intervenir au plus vite et combattre le communisme dans la région.

manifestation pro-communiste japon 1952

Ce traité provoque des manifestations de la part des nationalistes mais aussi des militants proches des idées socialistes et communistes. Au centre de cette mouvance “de gauche” : la centrale étudiante Zengakuren, proche du Parti communiste. À la suite de manifestations anti-américaines organisées le 1er mai 1952 (illustration photo ci-dessus) et de violentes agitations sociales à l’automne de cette même année, l’Assemblée vote des lois limitant le droit de grève et réprimant les activités communistes.

De nouvelles manifestations sont organisées en 1960 pour contester un renouvellement du Traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon. Le 15 juin 1960, 100 000 personnes, réunies par la Zengakuren, manifestent devant le Parlement. La Zengakuren va devenir de plus en plus influente au cours de la décennie, en militant régulièrement contre la puissance américaine et la guerre au Vietnam.

La Zengakuren sera également active à partir de 1968 en organisant de nombreuses manifestations, y compris contre l’augmentation des droits d’inscription universitaires. Le mai 68 japonais sera particulièrement long et violent, avec la création du syndicat étudiant Zenkyoto qui éclatera en plusieurs branches d’extrême gauche plus ou moins radicales… dont le Sekigun, la future Armée rouge du Japon… La fin des années 60 voit une atomisation des mouvements gauchistes, parfois antagonistes malgré des causes communes. Cette prolifération des mouvements, complexe à suivre, est racontée au début du film United Red Army de Wakamatsu Koji.

koji wakamatsu united red army

Après cette brève histoire du Japon de l’après-guerre à travers ses mouvements d’opposition d’extrême gauche, nous pouvons maintenant évoquer directement l’œuvre d’Oshima.

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Nouvelle Vague sous le soleil

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1959 : l’industrie cinématographique japonaise est en déclin, du moins du point de vue économique : les grands studios comme la Shochiku et la Nikkatsu ont de plus en plus de mal à financer les films et les budgets sont réduits. De nouveaux réalisateurs vont s’accommoder de ces contraintes budgétaires et s’imposer progressivement. Rétrospectivement, Oshima s’amuse d’ailleurs de cette situation qui a pu servir de prétexte aux studios pour faire double jeu : soutenir les nouveaux talents et les virer à volonté. Dans un article de 1978 consacré à Wakamatsu Koji, connu pour réaliser des films à 3 millions de yens (l’équivalent de 28 000 euros aujourd’hui), il explique : “Quand Yoshida et moi-même avons commencé à tourner aux studios Ofuna de la Shochiku, on nous a collé sur le dos contre notre volonté l’étiquette Nouvelle Vague, ce qui, pour la compagnie qui n’avait même plus les moyens de rémunérer ses actionnaires, ne signifiait rien d’autre que ceci : des réalisateurs qui font des films à petits budgets. En conséquence de quoi, même si le scandale en 1960 de l’interdiction de mon film Nuit et brouillard au Japon, sorti couplé avec Soif de sang de Yoshida, était avant tout politique, la compagnie mit en avant la raison du manque de public.”

oshima contes cruels de la jeunesse

Pour Oshima, tout a commencé par une subversion du courant cinématographique à la mode dans la seconde partie des années 50 : la Taiyozoku, soit la Tribu du Soleil. Des films mettant en scène la jeunesse dorée et désabusée, entre soirées jazz et virées à la plage, à dépenser l’argent de papa et expérimenter le mode de vie occidental hédoniste, bien loin de la rigueur traditionnelle nippone. Deux films sont emblématiques de ce courant et sont sortis en 1956 : La Saison du soleil de Furukawa Takumi et Passions juvéniles de Nakahira Ko. Il s’agit d’adaptations de romans d’Ishihara Shintaro qui avait bien compris l’air du temps et l’essor d’une nouvelle jeunesse devenue la cible du loisir et de la grande consommation. Comme Françoise Sagan en France.

Pour ses premiers longs métrages qui constituent une “trilogie de la jeunesse”, Oshima insiste sur les figures les plus sombres : aux fils à papa pourris gâtés, il préfère les délinquants et les laissés pour compte : miséreux au grand cœur dans Une Ville d’amour et d’espoir (1959), petites frappes et proxénètes dans Contes cruels de la jeunesse (1960), prolétaires et membres de gangs dans le bien nommé L’Enterrement du soleil (1960). Cette trilogie est bien sûr éminemment politique mais pas frontalement. C’est avec Nuit et brouillard au Japon (1960) qu’Oshima aborde l’histoire du Japon et l’évolution des politiques de gauche. 

 

Quand le mariage vire au procès politique

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Nuit et Brouillard au Japon se passe en 1960. Des professeurs d’université, des militants politiques et des étudiants sont réunis pour célébrer le mariage de deux étudiants ayant participé quelques mois plus tôt aux manifestations anti-américaines décrites plus haut. Alors qu’un professeur se félicite de cette union qui symboliserait une certaine convergence des luttes intergénérationnelle au sein de la mouvance d’extrême gauche, des invités interrompent ce discours angéliques pour souligner l’échec et les incohérences idéologiques du Parti communiste et du mouvement étudiant Zengakuren depuis 1952. Des scènes de flashback ponctuent alors le film et la succession des différents témoignages nous font comprendre les rouages des divergences politiques et des amours contrariées des militants en 1952… et en 1960. Une maïeutique pour accoucher de la vérité “historique” avant même que la mariée accouche de son premier rejeton ! Quoi de plus dégoûtant que l’aigreur de militants politiques revenus de leur bouillie idéologique ? Le stalinien dénigrant le trotskyste qui crache sur l’anarchiste qui traite de bourgeois le stalinien dénigrant le trotskyste, etc…

Oshima fait de cette cérémonie de mariage un procès des mariés, du Parti communiste, de Zengakuren… et du Japon, marié de force aux États-Unis. La mise en scène est théâtrale, brechtienne, avec ses longs travellings, la caméra naviguant d’un invité à un autre, des projecteurs de lumière et un jeu d’ombre renforçant l’aspect spectaculaire de ce rassemblement politique inattendu.

Le film dure 105 minutes mais pourrait durer 5 jours tant les discours idéologiques pourraient se suivre, se répondre et se contredire pour savoir qui aura le dernier mot… Une boucle infinie qui se termine d’ailleurs par un discours qui s’éteint progressivement et qu’on finit par ne plus entendre, comme une chanson pop qui se conclut par le fade out de son refrain répété ad libitum. On ne peut pas vraiment parler d’espoir à la fin du film mais plutôt d’un fatalisme quant au devenir (forcément malheureux) de l’engagement politique.

Quant au spectateur, il a bien sûr compris que cette partouze d’idées a vite laissé place à une partouze des corps. Que tel militant est passé d’une femme à une autre aussi rapidement que du stalinisme au trotskisme. Que le cocufiage n’est pas seulement idéologique. L’épaisseur du drap est bien mince pour passer du lit de la social-trahison à celui de la trahison sexuelle. Au fond, on s’intéresse toujours plus aux histoires de cul qu’aux histoires politiques. Le fait qu’Oshima soit aujourd’hui surtout connu pour L’Empire des sens en est une preuve. Les éjaculations intra-buccales non simulées et les insertions vaginales de godemichés ont eu raison des discours politiques distillés dans ses 18 longs métrages précédents.

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La Shochiku voit rouge, Oshima claque la porte

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La Shochiku sort donc le film sur les écrans avant de le déprogrammer au bout de… trois ou quatre jours. La raison invoquée : les troubles que peut causer cette œuvre politique alors qu’Asanuma Inejiro, le dirigeant du Parti socialiste japonais vient de se faire assassiner lors d’un débat public par un militant ultra-nationaliste. L’assassinat est filmé par la chaîne de télévision NHK

Cette décision politique ulcère Oshima qui décide de quitter la Shochiku pour fonder sa propre maison de production : la Sozocha. L’indépendance vis-à-vis des grands studios sera un élément important dans le développement de la Nouvelle Vague japonaise. Ainsi, l’Art Theatre Guild, autre maison de distribution et de production créée en 1961, jouera un rôle inestimable en produisant plusieurs films d’Imamura Shohei, Yoshida Kiju, Shinoda Masahiro, Adachi Masao ou Matsumoto Toshio. On pourrait encore citer une bonne dizaine de réalisateurs qui ont travaillé pour l’ATG !

nagisa oshima pendaison

Jusqu’en 1970, Oshima poursuit sa carrière très prolifique en tournant des longs métrages de plus en plus intéressés par la jeunesse et ses déboires amoureux (À propos des chansons paillardes japonaises en 1967 ou Le Retour des trois soûlards en 1968), mais aussi des faits de société comme les laissés pour compte de la Seconde Guerre mondiale (le documentaire Les Oubliés de l’armée impériale en 1963), la discrimination envers les Coréens (La Pendaison en 1968) ou l’extrême pauvreté (Le Petit garçon en 1969). Bref, Oshima est un fouteur de merde pour le pouvoir.

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Radicalités politiques : acte final

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À la fin des années 60, d’autres réalisateurs vont s’intéresser au milieu étudiant et à l’engagement politique d’extrême gauche. Wakamatsu Koji (qui a créé son studio Wakamatsu Production) enchaîne les films sur ces étudiants révoltés qui carburent au sexe, au marxisme et à la contre-culture. En 1969, Yoshida Kiju sort Eros + Massacre, premier film de sa trilogie sur la radicalité politique. Dans cet opus de plus de 3 heures, les recherches de deux étudiants sur l’anarchisme et l’amour libre sont le prétexte pour évoquer la vie de l’anarchiste Osugi Sakae, assassiné par les forces de l’ordre en 1923. À la radicalité du propos répond la radicalité formelle de la mise en scène et des cadres où les personnages sont de plus en plus décentrés – écrasés par leur environnement. Pratique qui sera poussée à l’extrême dans les deux films suivants : Purgatoire Eroïca en 1970 et Coup d’État en 1973. 

Nagisa Oshima Mort apres la guerre

Oshima profite donc des agitations de la fin des années 60 et des étudiants révoltés dont les aspirations diffèrent de ceux des années 50 – avec une violence nouvelle et revendiquée par les membres du syndicat Zenkyoto. Quelle évolution depuis les fils à papa de la Tribu du Soleil ! Les enfants de la culture américaine et de la société de loisir sont devenus de féroces ennemis anticapitalistes. 1970 est donc l’année de la sortie d’Il est mort après la guerre dont le titre littéral japonais est plus explicite et poétique : Les Histoires secrètes de la guerre de Tokyo.

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Les histoires secrètes de la guerre de Tokyo

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On ne badine pas avec la guerre ! Car c’est bien d’une guerre dont il est question : la guerre d’un groupe d’étudiants en cinéma révoltés contre le pouvoir. Le film prend pour toile de fond la manifestation du 28 avril 1969, “jour d’Okinawa”, qui rassembla 100 000 personnes pour exiger l’annulation du Traité de sécurité nippo-américain et la rétrocession de l’île d’Okinawa (ce qui sera finalement acté en 1972, soit… 27 ans après la fin de la guerre).

Motoki, membre d’un groupe de jeunes cinéastes engagés, assiste au suicide d’un de ses camarades qui se jette du haut d’un immeuble. Il avait avec lui une caméra. Pour comprendre ce suicide, Motoki récupère la caméra qui contient les dernières images filmées. Ces images testamentaires expliqueront-elles ce suicide ? Désillusion quand Motoki constate que les images ne sont que des scènes de paysages, de rues et d’immeubles… Obsédé par ces images et leur signification, Motoki décide de retrouver les endroits où les images ont été filmées et de cartographier le parcours du suicidé.

De la mise en scène théâtrale de Nuit et brouillard au Japon, Oshima passe à une mise en scène plus libre et onirique pour un film qui se veut une réflexion sur la fonction même du cinéma et son pouvoir de propagande révolutionnaire. Comme Nuit et brouillard au Japon se terminait par une impasse de discours verbeux, Il est mort après la guerre se mord la queue et fonctionne comme un ruban de Mœbius, où le début est la fin.

Nagisa Oshima Il est mort apres la guerre

Le regard d’Oshima sur les étudiants d’extrême gauche est loin d’être complaisant. Comme en 1960, il dépeint ces activistes comme des poseurs idéologiques plutôt que des poseurs de bombes, empêtrés dans un discours pompeux bloqué sur les concepts de bourgeoisie et de prolétariat.

Lorsque ces étudiants regardent et commentent le film du suicidé composé uniquement de paysages, on croirait entendre les critiques de la fin des années 60 à l’encontre de réalisateurs de la Nouvelle Vague qui ont peu à peu développé un radicalisme visuel comme Yoshida Kiju, jugé trop abstrait et individualiste, pervertissant un propos politique supposément anticapitaliste : « Quand on est corrompu politiquement et artistiquement, toute expérience perd son sens. Il est comme un militant qui a renié son communiste avant la guerre [référence à l’Incident du 15 mars 1928 qui vit des communistes renier leur engagement pour éviter la prison, ndla], à la différence que lui a reçu l’adoubement de la modernité. Il est empêtré dans une bouillie entre le Japon féodal et moderne, il s’enfonce toujours plus bas dans le fétichisme de la jeunesse et de l’enfance. C’est la fin d’un petit-bourgeois incapable d’atteindre la conscience prolétarienne”.

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Faire un choix entre les pavés et la caméra

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Il est amusant de voir tout de même ces étudiants, lors d’une discussion, imaginer demander l’aide de réalisateurs renommés pour médiatiser leurs films de propagande et leur volonté de récupérer du matériel confisqué par la police. Les noms d’Oshima, Yoshida et Imamura sont cités. On retrouve même Suzuki Seijun, réalisateur de films de commande pour la Nikkatsu, viré par le studio en 1968 et qui était alors en procès afin d’être dédommagé pour licenciement abusif (Suzuki fut largement soutenu par une partie de la profession dont Oshima). Mais deux noms brillent par leur absence : Wakamatsu Koji et Adachi Masao, pourtant proches des mouvements radicaux. Adachi, surtout, très proche d’Oshima : il a non seulement co-écrit les scenarii du Retour des trois soûlards et de Journal d’un voleur de Shinjuku mais il a fait l’acteur dans La Pendaison d’Oshima (ironiquement, le rôle du gardien de prison).

Oshima Mort apres guerre

Pourquoi cette absence ? Cela vient peut-être du fait qu’en 1969, Adachi a réalisé A.K.A. Serial Killer, film expérimental qui raconte l’histoire d’un jeune criminel. Pour comprendre l’histoire de ce tueur, Adachi a filmé les lieux dans lesquels cet homme avait vécu de sa naissance à son arrestation. En filmant ces paysages, il a compris que ces repérages de lieu constituaient le film lui-même. La “théorie du paysage” était née. Son principe : les structures du pouvoir se dissimulent dans les paysages et conditionnent les gestes des hommes. L’homme est donc conditionné par son environnement, qu’il soit urbain ou rural. Or c’est exactement le propos d’Il est mort après la guerre : Motoki cherche à comprendre un suicide en visionnant les paysages filmés par le décédé juste avant l’accident. Il est donc impensable (mais cela eût été amusant) que les camarades de Motoki citent Adachi parmi leurs potentiels soutiens cinématographiques alors qu’ils considèrent le film visionné juste avant comme l’œuvre d’un petit-bourgeois. 

Dans un article de 1970 qui met en perspective Vent d’est de Jean-Luc Godard et Il est mort après la guerre, Adachi Masao a écrit ces lignes très intéressantes : “Certains cinéastes donnent la priorité absolue à l’histoire, d’autres à l’image. Godard et Oshima s’interrogent sur l’effondrement de tout système d’expression fondé sur de tels systèmes de pensée. La question qu’ils soulèvent réside dans la remise en cause fondamentale du langage cinématographique moderniste. […] La production d’Il est mort après la guerre imposait à Oshima de faire un choix entre les pavés et la caméra. Sa réponse à ce dilemme fut sans équivoque : il avait choisi de se servir de sa caméra. […] Son film évoque un testament écrit avec des images mouvantes où ne se reflètent que des paysages. Il montre que la guerre de Tokyo elle-même observe la caméra, une caméra dont la vision a dépassé le paysage pour prendre en compte des véritables conditions de lutte, une caméra qui n’a plus d’autre raison d’être que de garder son œil sur le monde actuel.” 

Si le milieu étudiant révolutionnaire est le vernis d’Il est mort après après la guerre, on trouve en grattant un questionnement profond sur les possibilités du cinéma : objet de propagande d’extrême gauche ? Non. Objet de réflexion sur l’évolution du langage cinématographique ? Certainement. Avec, pour Oshima, un équilibre précaire entre le fond et la forme, entre le message et sa mise en scène. Oshima s’est toujours tenu éloigné des expérimentations formelles trop avant-gardistes. Il a choisi d’être un messager provocateur mais intelligible.

oshima empire des sens

Coda

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En 1970, Oshima signe donc son dernier film consacré à l’engagement révolutionnaire. C’est la fin d’une ère pour lui et son cinéma.

Cette même année, une tout autre histoire s’écrit : neuf membres du Sekigun détournent un avion de la Japan Airlines vers la Corée du Nord. Ce fameux Sekigun qui se scindera en deux entités dont l’Armée Rouge Japonaise qui inventera le terrorisme international et commettra dans les années 70 et 80 des attentats au Proche Orient, au Pays-bas, en Malaisie… Adachi Masao rejoindra les membres de l’Armée Rouge au Liban. Le choix était fait entre les bombes et la caméra. Arrêté en 1997 au Liban par les autorités, il sera extradé au Japon pour purger une peine de prison. Mais ceci est une autre histoire (à lire ici).

Marc L’Helgoualc’h