VIDEO – Fukushima 50 de Wakamatsu Setsuro

Posté le 3 mars 2021 par

Disponible aujourd’hui en DVD, Blu-Ray et VoD chez ESC Distribution et FIP, Fukushima 50 de Wakamatsu Setsuro, réalisé à partir de témoignages d’employés sur place lors de la catastrophe nucléaire, revient sur les évènements tels qu’ils ont été vécus de l’intérieur de la centrale par les ouvriers.

Le monde n’est pas sans savoir qu’il y a 10 ans, un séisme de magnitude 9 a provoqué un tsunami qui a par la suite atteint la centrale nucléaire de Fukushima, provoquant de graves dysfonctionnements au sein des réacteurs. L’incident de Fukushima, considéré comme la plus grosse catastrophe nucléaire mondiale depuis Tchernobyl, continue à entraîner des répercussions au Japon, tant sur le plan environnemental que social. L’affaire a bien évidemment été extrêmement médiatisée et commentée durant l’année 2011. Un bon nombre de documentaires télévisés ont suivi l’incident ou bien sont revenus sur les évènements au fur et à mesure des années. De même, des réalisateurs ont parfois intégré des références à Fukushima dans leurs films, comme Sono Sion dans Himizu et The Land of Hope ou Anno Hideaki dans Shin Godzilla. Néanmoins, Fukushima 50 est le premier film de fiction historique à représenter la situation telle qu’elle a été vécue par les « Fukushima 50 », ces 50 ouvriers qui ont suivi la catastrophe sur place depuis la centrale.

Le projet rappelle certainement la série Chernobyl produite par HBO en 2019, dans ses intentions comme dans son traitement du sujet. Comme dans la série, nous alternons entre des séquences au cœur de la centrale, où les ouvriers tentent de gérer comme ils le peuvent les innombrables problèmes causés par les défaillances des réacteurs, et des scènes sur des personnages gravitant autour de Fukushima : personnalités politiques, membres des familles des ouvriers, soldats américains sur place, etc. Tout comme dans Chernobyl également, l’intrigue se déroule dans le laps de temps très réduit de l’incident en précisant au début de chaque nouvelle séquence combien de temps s’est écoulé depuis le début du séisme. Cette façon de procéder est très plaisante car précise, aucune étape de l’opération sauvetage de la centrale n’est omise, même (et surtout !) celles qui se soldent par des échecs. Tout en vulgarisant le fonctionnement des centrales aux spectateurs, l’attention portée à chaque décision nous plonge au milieu de l’action et tient en haleine sur une bonne partie du film.

Malheureusement, la multiplication des personnages et des points de vue devient vite un problème dans Fukushima 50 qui dispose de trop peu de temps pour correctement approfondir tous ces éléments. Si les séquences sur les Fukushima 50 sont souvent très justes et captivantes, certaines scènes mettant en scène des personnages secondaires paraissent alors plus superficielles et alourdissent l’ensemble. Certains personnages, comme c’est le cas pour les soldats américains, n’apparaissent en tout et pour tout que durant deux courtes scènes du film. On se retrouve alors avec une double peine car l’action dans la centrale est momentanément interrompue, dissipant l’attention sur les enjeux en cours et cette coupure n’apporte que trop peu des émotions qu’elle est censée susciter. L’un des soldats se remémore par exemple son enfance joyeuse à Fukushima lorsqu’il jouait avec des cerfs-volants avec ses amis japonais et un flashback prend place sous nos yeux, alors même que nous ne connaissons cet homme que depuis une dizaine de secondes. Si la scène ou son personnage avait été mieux amenés, elle aurait sûrement atteint son but de faire respirer en plein milieu du chaos qui se joue à la centrale, or ici elle n’est qu’un parasitage dans le rythme. Il en va de même pour les enjeux auxquels font face les familles des ouvriers. Il est très intéressant de suivre le point de vue de la population de Fukushima, obligée d’être déplacée en urgence en centre d’accueil vers une destination inconnue et d’assister à la télévision au déroulé des évènements dans une impuissance rappelant celle du spectateur. En revanche, les histoires intra-familiales qui nous sont ébauchées peinent à convaincre et à créer une émotion quelconque. La fille d’un des ouvriers, par exemple, est en conflit avec son père parce qu’il ne souhaite pas qu’elle épouse un homme plus âgé qu’elle. Outre le fait que cette situation ne soit présente que lors de 2-3 scènes maximum, ce qui n’aide pas à susciter l’attention, elle paraît un peu hors de propos à côté des évènements auxquels nous assistons. Peut-être pour tenter de compenser ce problème d’identification aux personnages tertiaires, les musiques prennent alors le relais pour appuyer le dramatisme de leurs histoires, ce qui achève de donner un aspect pathos à un film qui s’en sort pourtant très bien sur la construction de son fil rouge.

Fukushima 50 n’est pas un mauvais film mais il est malheureusement un film décevant au vu du matériel dont il dispose et des (parfois même très) bons éléments présents dans l’histoire. En voulant trop en faire de façon désorganisée, il finit par perdre de vue ce qui le rend intéressant et ce qui impacte le rythme de l’histoire. Les problèmes à ce niveau ne se limitent pas aux quelques scènes précédemment évoquées : les moments comiques glissés pour dynamiser l’action et soulager la tension tombent trop souvent à plat, les personnages secondaires manquent parfois de cohérence, le montage perd par moments le spectateur qui ne sait plus où il se trouve dans la centrale, etc. Le film passe à côté de ce qu’il aurait pu être et on ne peut que le regretter car les passages réussis donnent vraiment envie de persister dans le visionnage.

Elie Gardel. 

Fukushima 50 de Wakamatsu Setsuro. Japon. 2020. Disponible en DVD, Blu-Ray et VoD chez ESC Distribution et FIP le 03/03/2021

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