EN SALLES – #JeSuisLà d’Éric Lartigau

Posté le 5 février 2020 par

Alain Chabat, cuisinier du Sud de la France, part en Corée du Sud à la recherche de l’amour Bae Doona, fausse peintre « rencontrée » sur Instagram. C’est le scénario de cette comédie romantique, #JeSuisLà, signée Éric Lartigau, que j’ai eu l’honneur de voir en avant-première mondiale au Festival de Busan, le 5 octobre dernier. Quelques jours auparavant, un typhon avait causé cinq morts. Le film sort maintenant en France, il est temps d’en parler.

Nous sommes le samedi 5 octobre 2019, le Festival de Busan bat son plein… La matinée a commencé par un film rétro, Son of Man de Yu Hyun-mok, excellent, délire catho-hippie anarchiste sous fond d’homicide. L’après-midi était le temps de l’avant-première de Not in the World de Park Jung-bum (dont Height of the Wave est chroniqué ici). C’est après cette déflagration (une fois de plus touchée par la grâce de Jésus) qu’a eu lieu la première mondiale de #JeSuisLà, dans le complexe cinéma de Centum City… Quelques minutes avant la projection, au pied du centre commercial, une équipe de Français fume cigarettes sur cigarettes… dans une zone non fumeurs… Pas de doute, l’équipe de #JeSuisLà est présente.

Cut dans la salle (complète) : l’équipe du film introduit le film, Éric Lartigau, l’ambassadeur de France en Corée, Bae Doona (émoi, emoji et smartphones dans la salle, robe Dior de rigueur) mais pas Alain Chabat… « retenu en France pour un tournage ». Éric Lartigau nous explique les raisons qui lui ont données envie de faire ce film en Corée. Discours très convenu et courtois sur la bonne santé du cinéma sud-coréen qui innove et qui est à l’avant-garde (Park Chan-wook est cité, Hong Sang-soo non). Du discours classique et normal (et assez vrai) devant un public à majorité sud-coréen qui est plus enjoué de se trouver à 5 mètres de la robe Dior de Bae Doona que de l’accoutrement casual de Lartigau. Le film arrive enfin et c’est un puceau de Lartigau qui va voir ça (je ne connaissais pas son nom avant cette séance).

#JeSuisLà est une comédie romantique sur un chef du Sud-Ouest de la France un peu blasé, divorcé, fatigué de son travail qui cherche une échappatoire, un amour. Il le trouve, croit-il, via Instagram (amour 2.0) en conversant avec une apprentie peintre (Bae Doona). Lartigau filme des plans très beaux sur la végétation du Sud-Ouest (pour les Sud-Coréens) comme il filmera tous les endroits touristiques de Séoul (pour les Français). Bref, Alain Chabat part à Séoul pour rencontrer Bae… et la comédie romantique plan-plan dérive un peu. Arrive une séquence de 30 minutes d’Alain Chabat à l’aéroport d’Incheon (l’équivalent de Roissy en France) qui attend son amoureuse, désespère de la trouver pendant plusieurs jours et devient une star d’Instagram, en tant que French Lover d’Incheon.

Ce sont les meilleures séquences du film, avec un Chabat touchant (et très joueur, on sent qu’il aime être là) qui devient un phénomène Instagram, remet en cause son existence future mais continue à s’attacher à ses marottes (la cuisine). Sa carapace n’est pas encore totalement brisée. C’est l’intervention de la police (sans LBD ni Macron ni, donc, d’œil en moins) qui va faire basculer la vie de Chabat, lequel va s’engouffrer dans Séoul. Un Séoul montmartrisé (rue-des-martyrisé) qui pourra plaire aux fans de k-pop qui ne sont jamais allés à Séoul.

Nous ne dévoilerons pas ici la seconde partie du film mais les séquences séoulites sont malheureusement trop « cartes postales » à l’instar de celles dans le Sud de la France. L’histoire d’Alain Chabat et de sa famille reste intéressante mais le panache de l’aéroport d’Incheon a disparu.

Alors, bon film ? Je n’avais jamais vu de film d’Éric Lartigau et m’attendais à une énième comédie lourdingue. Pas du tout. C’est une comédie romantique qui dérive du scénario très classique (tu connais 100% du scénario avant de voir le film) pour le scénario semi-classique (tu connais 75%), avec cette nuance de taille que Lartigau instille une véritable humanité dans le personnage de Chabat et la séquence finale est assez touchante. Mais le basculement (assez surprenant du deuxième tiers du film) s’est rétabli trop aisément. Et Bae Donna dans tout ça ? Elle apparaît 6 minutes max, afin de toucher le public sud-coréen (qui, on l’espère, va découvrir le cinéma de Bertrand Mandico en cherchant sur Google Éric Lartigau). Bref, un film sympathique à bien des égards. Et je ne suis pas mécontent d’avoir terminé ma journée du 5 octobre 2019 par ce film.

Marc L’Helougalc’h

#JeSuisLà d’Eric Lartigau. France-Belgique. 2019. En salles le 05/02/2020