Bilan de la sélection asiatique à L’Étrange Festival 2014

Posté le 11 octobre 2014 par

Cette année, L’Etrange Festival a fêté ses 20 ans et en a profité pour mettre à l’honneur les films asiatiques majeurs projetés au cours de ces 20 dernières années. Mais il ne faut pas oublier que L’Etrange Festival, c’est aussi une compétition et des avant-premières !

Qui dit 20 ans dit hommage. Parmi les 20 films sélectionnés pour cet anniversaire, on en compte quatre de réalisateurs asiatiques. Un bon ratio ! Surtout quand les films projetés n’étaient autre que Tetsuo du japonais Tsukamoto Shinya, Dead or Alive de Miike Takashi, L’île de Kim Ki-duk et l’indien Endhiran: Robot, The Movie de S. Shankar.

Mais qu’en était-il du côté de la compétition et des inédits ?

SONO SION, MIIKE TAKASHI ET KIM KI-DUK : RÉALISATEURS AIMÉS DE L’ÉTRANGE FESTIVAL

Comme nous l’a confié Frédéric Temps dans notre interview, Sono Sion, Miike Takashi et Kim Ki-duk ont été découverts en France par L’Etrange Festival. Déjà présents dans la catégorie « 20 ans, 20 films », les trois grands cinéastes asiatiques ont également présenté leurs films en avant-première.

Sono Sion, dont les films sont quasiment projetés tous les ans au festival, est venu en personne présenter son nouveau bijou intitulé Tokyo Tribe. Les deux séances ont fait salle comble pour cet OFNI japonais racontant la lutte entre deux clans s’affrontant pour une simple histoire de « qui a la plus grosse ». Une photographie soignée avec de beaux plans-séquences mettant en scène des dialogues chantés (ou plutôt rappés) confirme que Sono Sion sait aussi réaliser de grands divertissements ! Un spectacle tout bonnement jouissif !

Tokyo Tribe

Ce n’était pas One on One de Kim Ki-duk qui était projeté à L’Etrange Festival mais son avant-dernier film, Moebius, qui a choqué le comité de censure sud-coréen. Le film, muet, suit une famille qui se déchire sous fond d’émasculation, de masochisme et d’inceste. Tout un programme pour Kim Ki-duk qui nous a déjà habitués à ce genre de spectacles bien glauques. Très (trop ?) complaisant, Moebius n’en est pas moins une œuvre intéressante puisqu’il est rare, à l’heure actuelle, de visionner un film de genre muet. Bon ok, il y a The Artist, mais c’est légèrement différent…

Quant à Miike Takashi, qui réalise des films plus vite que son ombre, on a pu le découvrir dans Over Your Dead Body. On le sait, Miike Takashi s’est assagi depuis un moment. Over Your Dead Body le prouve encore une fois. Malgré une belle esthétique, l’adaptation de la pièce de théâtre Yotsuya Kaidan semble bien fade.

over-your-dead-body

 

DE BELLES DÉCEPTIONS !

Lors d’un festival, le risque de tomber sur de mauvais films existe. Forcément, L’Etrange Festival n’échappe pas à la règle ! Arcana, réalisé par Yamaguchi Yoshitaka, et adapté du manga du même nom, en est le parfait exemple. Le détective Murakami est à la poursuite d’un terroriste. Il fait équipe avec Maki, une jeune fille qui a la faculté de parler aux morts, mais qui souffre aussi de problèmes de perte de mémoire. Le pitch a l’air simple mais la réalisation est tellement mal foutue et poussive qu’on ne comprend strictement rien ! C’est dommage car la scène d’ouverture donne envie de voir la suite. Suivant !

The Fives, quant à lui, n’est pas foncièrement mauvais, mais démontre une fois de plus que les films coréens manquent cruellement d’inventivité, de souffle. Réalisé par Jung Yeon-sik, The Fives suit Eun-ha, paralysée après avoir assisté à l’assassinat de sa famille. Elle décide de faire appel à des demandeurs d’organe afin de retrouver le meurtrier et se venger. En échange, elle promet d’offrir ses organes à ses compères. The Fives, on l’a déjà vu au moins dix fois ces dernières années. Et maintenant, on s’ennuie devant ce genre de films…

the fives redimensionné

 

MAIS AUSSI DE BONNES SURPRISES !

Si l’on devait ne retenir qu’une qualité de L’Etrange Festival, ce serait sa volonté de faire découvrir aux spectateurs des œuvres différentes. Cette année, notre coup de cœur est attribué au film américano-iranien A Girl Walks Home Alone At Night réalisé par la cinéaste Ana Lily Amirpour, dont c’est le premier long métrage. La réalisatrice iranienne, tout en filmant aux Etats-Unis, réussit à insuffler une ambiance orientale à cette histoire de vampire féminin sévissant dans une ville au doux nom de Bad City. Quand Jim Jarmucsh rencontre une féministe iranienne, cela donne A Girl Walks Home Alone At Night !

girl walks home at night

Qu’un coup de cœur certes, mais plusieurs films très sympathiques. La Corée du Sud, connue pour son cinéma un peu répétitif depuis quelques années, a réussi à se démarquer avec deux films. Hard Day, tout d’abord, réalisé par Kim Seong-hun, a été présenté cette année à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes. Le film suit les mésaventures d’un flic ripoux, interprété par l’excellent Lee Sun-kyun, qui accumule les poisses en cherchant à se débarrasser d’un cadavre qu’il a renversé le jour de l’enterrement de sa mère et au moment même où l’inspection risque de mettre ses magouilles à jour. En général, l’humour coréen est difficilement compréhensible pour le public occidental. Mais Hard Day, en mêlant une tension propre au polar et un comique de situation, parvient à dérider les spectateurs sceptiques que nous sommes. Un film très frais et léger que vous pourrez découvrir en janvier 2015 au cinéma !

a-hard-day-poster

En 2003, Jang Joon-hwan réalise Save the Green Planet! que nous découvrons quelques années plus tard en France. Cet ovni cinématographique est plutôt mal accueilli en Corée du Sud. Du coup, Jang Joon-hwan est revenu avec Hwayi: A Monster Boy, beaucoup plus conventionnel ! Il faut l’avouer, on est loin de son précédent film. Pour autant, étant réalisé par un bon cinéaste, Hwayi: A Monster Boy ne peut être mauvais. Hwayi mène une vie paisible avec ses cinq pères, de redoutables tueurs… Enfant, ses pères lui ont appris le maniement des armes et l’art de tuer un homme de sang froid… Mais lors de sa première mission, les choses tournent mal et Hwayi découvre que ses pères ne sont peut-être pas ceux qu’ils prétendent… Qui est-il réellement ? En proie au doute, Hwayi va peu à peu devenir tel que ses parents l’ont façonné : un tueur impitoyable à leur image… Le synopsis fait effectivement penser à beaucoup de films coréens déjà réalisés. Mais une certaine force se dégage du film qui permet à celui-ci de se démarquer de tous ses concurrents.

Une autre bonne surprise : Killers des Mo Brothers. On les avait découvert avec Macabre en 2009 et on les suit avec Killers, qui met en scène M. Nomura, véritable sociopathe, et serial killer par la même occasion, qui sévit à Tokyo. A Jakarta, un journaliste, Bayu, se prend pour un justicier après avoir tué deux voyous. M. Numora et Bayu prennent contact en postant leurs exploits sur la toile. S’ensuit alors un duel malsain entre les deux protagonistes… Le sujet, terriblement actuel, est traité de manière parfois outrancière mais les acteurs sont tellement convaincants que l’on oublie rapidement les maladresses !

Killers

Le festival s’est clôturé avec le film japonais The World of Kanako réalisé par Nakashima Testuya, ayant déjà sévi avec Confessions. Quand la belle Kanako, lycéenne populaire et sans histoire disparaît, sa mère fait appel à son ex-mari, flic alcoolique, pour qu’il retrouve leur fille. Mais celui-ci va découvrir que sous les apparences, l’univers de l’adolescente est plus trouble qu’il n’y paraît… On s’attendait à un polar banal mais que nenni, The World of Kanako est complètement déjanté ! Violent à l’extrême, avec des personnages qui ne meurent jamais, le film plonge le spectateur dans un délire cinématographique assez éprouvant !

The-World-Of-Kanako

Une belle programmation asiatique pour cette nouvelle édition de L’Etrange Festival. Vivement l’année prochaine !

Elvire Rémand.