Bilan du 6è Festival Franco-Coréen du Film (FFCF)

Posté le 22 octobre 2011 par

Mardi 18 octobre, fin du 6ème Festival Franco-Coréen du Film. Après sept jours de visionnage intensif, sept jours de gribouillages de notes pendant et après les films, de café (noir), de discussions engagées devant le cinéma avec des programmateurs passionnés, il est temps de dresser un bilan. Par Jérémy Coifman.

Ce n’est jamais un exercice facile. Parce qu’on n’ est jamais vraiment sûr à chaud de ce qu’il nous restera, qu’un film peut grandir en vous, ou au contraire perdre sa place dans votre cœur. Parce que la sélection est hétéroclite, parce qu’une quinzaine de films en une semaine c’est quand même un bon chiffre. Pourtant, votre serviteur se doit de répondre à l’appel du bilan, car finalement ce qui compte, ce n’est pas la semaine en elle-même, mais de ce qui va en rester, après, dans une semaine, dans un mois, dans un an. Où en est le cinéma coréen en cette fin d’année 2011? Quelle est la vitalité des genres et des cinéastes que l’on n’a pas l’habitude de voir sur nos écrans ou dans nos rayons Dvd ? Finalement, les interrogations sont nombreuses, et avec cette sélection, le festival Franco-Coréen du film tente d’y répondre.

Les organisateurs peuvent déjà se réjouir, les cinéphiles étaient au rendez-vous. Même en semaine… Même le soir tard pour voir un film d’auteur de 3h20… En cela, c’est déjà une belle réussite. Car, il est important de faire découvrir une face méconnue d’un cinéma, quand les salles et les dvd nous abreuvent d’un peu toujours la même chose.  L’augmentation de l’audience de 75% par rapport à l’année précédente annonce peut-être un festival 2012 encore plus ambitieux ? Mais c’est une autre histoire. Pour l’instant, l’édition 2011 s’est terminée dans la bonne humeur,  avec la grande  satisfaction d’une équipe soudée, qui a toujours su accueillir les spectateurs avec le sourire, toujours dans le souci de partager. A l’heure du bilan, il me semblait important de souligner ce point, car il n’est finalement pas si anodin dans l’appréhension d’un évènement.

Cartographie d’un cinéma


L’objectif du 6ème Festival Franco-Coréen du Film était de nous présenter une cartographie assez complète du cinéma Coréen. Qu’est-ce qui fait la particularité de son cinéma ? Quels sont les genres représentés, les auteurs à suivre ?

La sélection montre diverses vues du cinéma Coréen, plusieurs couleurs, plusieurs climats. Sur ce point, c’était très réussi. Certains films glacent le sang comme un froid d’hiver (End Of Animal de Jo Sung-Hee, Possessed de Lee Yong-Jo) d’autres réchauffent le cœur (Sunny de Kang Hyeong-Cheol, Castaway On The Moon de Lee Hae-Jun).

Cette diversité est assez remarquable. L’ouverture sur un cinéma un peu plus grand public est une idée assez bienvenue, tant elle enchante. Même si le festival fait encore la part belle à un cinéma beaucoup plus auteuriste (Café Noir de Jung Sung-Il et Anti-Gas Skin des frères Kim sont les exemples les plus flagrants), les films ayant remporté le plus de succès sont évidemment ceux parlant au plus grand nombre. Ce qui n’est évidemment pas une surprise. Dans cette optique d’ouverture, un long métrage fait figure d’ovni : Invasion Of Alien Bikini de Oh Young-Do. C’était assez osé d’ouvrir le festival à un film Bis. Se prêtant parfaitement à une séance du samedi soir, il enchante par sa fraicheur bienvenue. Dans la volonté du festival de présenter tous les aspects d’un cinéma, il était nécessaire de présenter une production de la sorte. Peu importe le label qu’on colle aux différents films du festival, on peut souligner la diversité, qui était le maitre mot.

Portrait 2011 : LA bonne pioche


S’il fallait retenir un film, un auteur de ce festival, ce serait évidemment Yoon Sung-Hyun et son fantastique Bleak Night. La mise en avant de ce réalisateur est presque un coup de génie. Inconnu total dans nos belles contrées, Yoon a gagné avec ce festival une petite notoriété plus que méritée. Promouvoir un tel talent était nécessaire tant celui-ci transpire à chaque instant du film. Pendant Bleak Night et autres événements liés au réalisateur, on se sentait presque chanceux d’y assister, avec ce sentiment omniprésent d’assister à l’émergence d’un futur grand. C’est en tout cas tout ce qu’on lui souhaite.  Yoon Sung-Hyun (28 ans seulement !) démontre à lui seul que la relève est assurée. La jeunesse tente de prendre le pouvoir.

Le péril jeune


Et de jeunesse, il en est fort question dans cette sélection. La Corée du Sud a un gros problème avec sa jeunesse.  Tour à tour montrés comme coupables et victimes, les jeunes sont les acteurs majeurs du cinéma Coréen actuel.

Qu’on les montre en perte totale de repères (Anti-Gas Skin, Castaway On The Moon) ou en monstres cruels, torturant les adultes (Possessed, End Of Animal), les jeunes sont les acteurs majeurs de films tentant de les décrypter, de les comprendre ou tout simplement de montrer leur tourment. Cette ombre plane sur pratiquement tous les films de la sélection. Cela va même jusqu’au film d’animation Leafie de Oh Seong-Yoon, où un jeune colvert tente d’assumer sa différence et son mal-être, dans une société qui ne lui fait aucun cadeau. La jeunesse étouffe, souffre (Bleak Night de Yoon Sung-Hyun).

Le festival offre donc une vision de la jeunesse coréenne peut reluisante, et perçoit un mal presque impossible à résoudre, tant il est profond. Aucun espoir n’est permis. Comme les enfants de Sunny, communiquant grâce à une caméra à la personne qu’ils seront devenus. D’une grande tristesse, cette scène montre une jeunesse qui ne perd pas ses rêves, mais qui se heurte à une réalité sans pitié.

Aux frontières du réel

Ce mal bien présent s’inscrit dans une logique de quotidienneté, de réel, mais aussi d’imaginaire, d’allégorie. Les films de la sélection jouent avec ces notions, brouillent les pistes. L’invasion du réel dans l’imaginaire ou au contraire, le rêve comme échappatoire au réel est une constante.

Que ce soit les années 80 fantasmées par l’héroïne de Sunny ou l’intervention du surnaturel dans le quotidien morne et froid de Possessed, quelque chose vient rompre le récit, comme un échappatoire ou au contraire, une prison.

Bleak Night montre la vie lycéenne comme une micro société régie par ses propres codes et lois. L’école comme allégorie de la société où les gens sont écrasés, mâchés, digérés puis recrachés. Aucun moyen de s’en sortir, chacun étant prisonnier de sa condition. Les différents films jouent pratiquement tous sur cette ambigüité. Des procédés qui peuvent perdre le spectateur, mais qui surtout se révèlent ultra anxiogène.

Des personnages Maudits


Les personnages des films présentés sont ce qu’on pourrait appeler des malchanceux. Tous subissent les événements, sont marqués par le destin. Les personnages de Come, Closer de Kim Jong-Kwan sont « handicapés de l’amour », comme ils se définissent eux même, Le flic de The Unjust (Ryoo Seung-Wan) perdu dans sa spirale criminelle, le héros de Café Noir (Jung Sung-Il) ne vit pas un, mais deux amours impossibles.  Tous subissent les événements sans pouvoir vraiment se relever, ni même commencer par les accepter. Chacun tente tant bien que mal de survivre,  chacun ayant un espoir aussi. Finalement, on n’a pas vu beaucoup de bonheur dans cette sélection. Même si Castaway On The Moon et Sunny peuvent être considérés comme des « Feel Good Movie », les personnages sont tellement malheureux, leurs rêves sont brisés tellement de fois, qu’il est difficile de ressentir autre chose que de la tristesse pour eux.

The End


Il est temps de dire au revoir au Festival Franco-Coréen du Film (il se nommera dès l’année prochaine, Le Festival du Cinéma Coréen de Paris), qui a su nous faire plaisir par sa programmation plus ouverte. On peut être un peu mitigé sur la qualité globale de tous ces films, mais la reconnaissance l’emporte. Parce qu’on ne pourra surement jamais voir ces films en salles ou en dvd (sauf quelques exceptions).  On se donne rendez-vous, l’année prochaine. Évidemment, on sera là. Chez East Asia, quand il y a du cinéma Coréen au programme, on ne boude pas notre plaisir !

Jérémy Coifman.

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