Lupin III – Castle of Cagliostro (Coffret Blu-Ray/DVD)

Posté le 22 juin 2011 par

« Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais fait quelque chose de plus adulte. En fait, ce film est totalement ancré dans l’univers de Miyazaki. Mais c’est aussi bien comme ça. » Par Tony F.


Ces mots, ce sont ceux de Monkey Punch, créateur de Lupin III – il s’est appelé dans nos contrées Edgar de la Cambriole, ou encore Wolf dans les pays anglophones – à l’égard du second film consacré aux aventures du personnage, alors confié à quelqu’un qui n’avait jamais réalisé de  longs métrages : Miyazaki Hayao. Si l’on connaît tous les œuvres du maître de l’animation japonaise, il est toujours bon de revenir sur ses débuts. Toutefois l’homme n’était pas étranger à l’univers, puisque la Tokyo Movie Shinsha avait déjà fait appel à lui au début des années 70, afin qu’il rende le format TV  plus grand public et plus enfantin, puisque le support d’origine (et les premiers épisodes de cette même série TV d’ailleurs) était, lui, plutôt adulte dans le fond (des histoires crues et des thèmes plus sombres) comme dans la forme (les personnages et les designs furent arrondis lors du passage au format audiovisuel).

Suite au succès de cette première série, une deuxième fut produite à la fin de cette même décennie, dont Miyazaki ne signa que deux épisodes sur les 155, sous un pseudonyme. En parallèle, en 1979, la TMS lui demande de réaliser Castle of Cagliostro, plaçant sur les épaules du créateur la responsabilité  de devoir réussir, pour son premier vrai long métrage, une bonne adaptation d’une licence déjà composée de deux séries, nombre de mangas et d’un long métrage, au moment où celle-ci est en plein succès. C’est donc avec des contraintes évidentes liées à l’univers imposé et aux personnages si chers aux fans que Miyazaki doit jongler, sans pour autant délaisser toute possibilité d’inclure son propre style et ses thématiques dans la narration comme dans la mise en scène. Et autant dire que si Castle of Cagliostro ne tient pas la comparaison avec Le Voyage de Chihiro et autre Mononoke Hime, celui-ci reste une belle première réussite qui ne s’évalue que mieux aujourd’hui, avec les années et le recul que l’on peut porter sur la filmographie de son créateur.

Quand Miyazaki Hayao rencontre Paul Grimault …

L’aventure démarre dans un endroit pas si éloigné de chez nous, à Monte Carlo.  Lupin et Jigen y dévalisent un casino, et s’aperçoivent bien vite que leur butin n’est composé que de faux billets. Les voleurs mènent  leur enquête jusqu’au petit pays de Cagliostro, et rencontrent bien vite une jeune femme en fuite, en l’occurrence Clarisse, héritière de l’une des deux familles les plus influentes du pays, et promise au Comte de Cagliostro, être tyrannique et bien entendu le représentant de la seconde famille. Clarisse se fait vite à nouveau capturer, et nos deux compères iront (bien entendu, toujours) tenter de la délivrer en s’infiltrant dans l’imposant château, véritable labyrinthe architectural composé de pièges, de salles secrètes et autres portes dérobées… Le tout en étant recherché par Zenigata, incontournable personnage de l’univers de Lupin, et inspecteur aussi tenace que le cambrioleur lui-même.

Tout est donc réuni, du point de vue du « fan-service » (terme à ne pas prendre au péjoratif ici) pour plaire aux connaisseurs de la licence. Ceux-ci retrouveront même le samouraï Goemon et la belle Fujiko, malgré les apparitions plus anecdotiques de ces deux personnages. Restait donc à y insuffler la fameuse « touche » Miyazaki, celle qui donnera à l’œuvre le moyen de se démarquer des autres sans pour autant se dénaturer. Et si l’on sait l’homme influencé par de nombreux aspects de la culture occidentale ( l’Angleterre Victorienne, les jardins, les véhicules et même les différents lieux de l’action) c’est ici dans l’architecture même du château qu’il faut chercher l’influence principale de l’oeuvre. Un château qui nous renvoie directement au Palais du roi de Takicardie dans le dessin animé Le Roi et L’oiseau (1979) de Paul Grimault. Hauteurs célestes des tours (souvent en pointes), portes dérobées menant vers des sous-sols et autres cachots lugubres, les rapprochements entre les deux bâtisses sont nombreux, et si le réalisateur l’assume complètement, il faut reconnaître qu’en plus d’avoir du charme, l’architecture se prête tout à fait aux scènes et aux éléments que Miyazaki aime incorporer dans ses œuvres : de l’eau, de l’action aérienne à grand renforts de machines volantes et batailles sur les remparts, et de la poésie à la limite entre le romantisme, la magie et le conte pour enfants. C’est peut être d’ailleurs ce dernier point qui sera majoritairement reproché, tant par ceux qui préfèrent le Lupin plus adulte que par ceux qui préfèrent de Miyazaki les oeuvres les plus sombres et complexes (en opposition, là encore, à ses films d’animation destinés aux plus jeunes). Les personnages quand à eux se montrent suffisament attachants pour nous intéresser, surfant entre les « clichés » récurrents du maître (l’image de la femme forte représentée par Fujiko) et le trio de personnages principaux – Clarisse, le Comte, Lupin – représentant le désormais plus que classique schéma des oppositions lumière/ténèbres/entre deux, toutefois ici peu dérangeant, car n’étant qu’un filigrane servant plus à développer les personnages qu’a servir d’élément scénaristique.

Le plaisir que l’on prendra devant Castle of Cagliostro dépendra donc des attentes que l’on peut avoir vis à vis d’un film de Miyazaki, et de notre capacité à se laisser emporter – ou non – dans une aventure qui peut pencher dans la naïveté et le niais, mais qui conserve une réelle beauté artistique, pas mal de scènes épiques et tout autant d’atouts de narration. Enfin, concernant les spécificités de cette édition collector, nous retrouvons ici un dvd bonus contenant trois interviews de qualité, bien que plutôt courtes ( entre 5 et 9 minutes chacune environ), respectivement de Monkey Punch, Yasuo Ohtsuka (grand collaborateur et ami de Miyazaki) et Kasuhide Tomonaga, animateur qui reviendra ici sur la masse de travail que représente la scène de la course poursuite du début du film. Toutefois, on arguera que ces interviews étaient déjà présentes sur l’édition collector du DVD sorti en 2006. C’est donc bien le Blu-Ray qui sera l’attraction principale de ce coffret, Lupin III étant le second film du maître à sortir dans nos contrées sur ce format (après Ponyo sur la Falaise en 2009). Plus qu’à attendre les autres oeuvres donc, mais pour l’heure, autant dire que votre serviteur est bel et bien conquis.

 

En bref :

Lupin III – Castle of Cagliostro est une réussite qu’il convient de nuancer. Si l’œuvre est sympathique, si l’aventure est bien menée, on ne peut ignorer le fait que le film reste inférieur à la plupart des autres œuvres d’Hayao Miyazaki. Un constat qui n’est possible qu’avec le recul que l’on porte sur une œuvre de début de carrière. Pour autant, inférieur ne veut pas dire mauvais, et le château de Cagliostro reste aujourd’hui encore une visite qui s’apprécie sans modération, sur laquelle faire l’impasse serait dommage. A plus forte raison en cette période de l’année si propice aux visites touristiques…

Tony F.