UDINE 2012, Far East Film Festival – Jour J : douce-amère première journée

Posté le 20 avril 2012 par

Coup d’envoi de la 14eédition du Festival Far East d’Udine en ce soir du vendredi 20 avril 2012… sous des projecteurs… éclatants… Oui, car dehors règne un temps de fin du monde, un temps maussade, pluie glaçante et grisaille, comme cela n’a été le cas qu’une autre fois au cours des six dernières années depuis que je viens au festival. Peu importe, car dans la salle du TEATRO archicomble (1 200 places) règne la chaleur si typique du festival, une bonne humeur communicative, un public local au contact facile et au plaisir de tous se retrouver autour d’une même passion. Par Bastian Meiresonne.

Le discours d’intro dévoile un peu plus quant aux quelques changements par rapport à l’édition précédente : des coupes budgétaires des élus locaux et de la région ont une nouvelle fois dû revoir les ambitions du festival à la baisse : une « honte » selon la directrice Sabrina Baracetti, qui peut effectivement se targuer d’avoir créé un énorme événement au milieu de nulle part par sa seule passion et persévérance ; mais au-delà d’un simple festival à l’audience toujours croissante et à la sélection exemplaire, le Far East a également su s’imposer comme un ambassadeur incroyable du cinéma asiatique. Mettant en avant sa sélection « populaire », le festival n’en oublie pas pour autant un cinéma plus « intimiste » et « auteurisant », comme le prouveront The River ou One mile above accompagnant des blockbusters tels que The Great Magician ou The Viral Factor.

Dans un même souci de découverte et d’apprentissage, une bonne partie du budget du festival est alloué au logement d’étudiants venus de partout dans le monde. N’importe lequel de nos lecteurs pourra donc également faire la demande dès l’édition de l’année prochaine pour un logement de 4 nuits chez l’habitant, dans des auberges de jeunesse ou résidences universitaires (et l’ensemble des retours de logements que j’ai pu avoir sont excellents).

Udine a également su créer un véritable pont entre Orient et Occident, en organisant en marge du festival, des rencontres entre producteurs des deux contrées pour des éventuels futurs projets en commun. Et puis, les exemples de coopérations entre le festival et certains réalisateurs se multiplient avec un second tournage de Johnnie To dans la région, mais également un projet d’Edmond Pang, comme l’invitation par le réalisateur Hiroki Ryuichi à quelques étudiants de la ville d’Udine de venir l’aider sur le tournage de son court-métrage institutionnel The Future of children in Fukushima dédié aux victimes de Fukushima

On a également pu voir un retour d’hommage rendu au prestigieux festival dans plusieurs films asiatiques de la sélection, comme dans le philippin Woman in a sceptic tank (qui cite également le festival de Vesoul au passage) ou le survolté Vulgaria d’Edmond Pang.

Le Far East s’avère donc désormais comme un pont nécessaire entre l’Asie et l’Europe, qu’il serait dommage de voir disparaître à plus ou moins longue échéance.

Heureusement, on n’en est pas encore là et la réduction des dépenses s’applique avant tout à des postes dits « dispensables », comme les magnifiques décors changeants d’année en année, cette fois réduits au minimum, des chaises longues d’extérieurs, qui n’auraient de toute façon pas servis vu les averses abondantes et un simple sac de toile au lieu des superbes pièces collector inépuisables d’autres années.

Certains ont également déploré le nombre de films présentés et de projections en baisse ; renseignement pris, c’est moins la baisse budgétaire, plutôt qu’une volonté de revenir aux « fondamentaux » du festival. En effet, le nombre de films diffusés à l’occasion de l’attendue 13e édition s’était totalement affolé et avait obligé les programmateurs d’investir totalement dans un second lieu, le VISIONNARIO, un cinéma à une bonne vingtaine de minutes de marche du TEATRO principal sur la quasi-totalité de la journée. Autant dire que le choix de privilégier davantage les films des DEUX rétrospectives dans ce lieu, en plus de l’inhabitude du public d’y passer la journée a fait que l’on se soit souvent retrouvés qu’avec une poignée de spectateurs dans la salle – surtout pour voir les films souvent extrêmement pointus du focus accordé à la comédie asiatique…

Cette année, fini les courses effrénées pour relier les deux salles (et tant mieux, vu les conditions météorologiques souvent déplorables en matinée), tout était concentré sur la seule salle du TEATRO avec une audience en nette progression: 200 à 300 spectateurs pour les séances de 9 et 11h contre une 50aine auparavant.

Un programme également resserré, mais – avec le recul – qui a eu pour avantage de donner une édition de bien meilleure qualité que certaines des dernières années où le meilleur côtoyait souvent le pire.

Mais retour sur cette soirée d’ouverture avec la projection de l’excellent Sunny, déjà commenté en long et large sur les pages de ce site à l’occasion de sa projection en fin d’année dernière chez nos amis du Festival Franco-Coréen. L’histoire de sept amies d’enfance de la seconde moitié des années 1980, qui vont tenter de se retrouver en 2011 à Séoul. Un film incroyablement chaleureux, qui évite bien des clichés et réussit à parfaitement lier les deux époques. Après le succès de son précédent Scandal Makers (aka Speedy Scandal, 8,3 millions d’entrées), le réalisateur Kang Hyung-chul prouve son talent de vrai conteur d’histoires et d’excellent humoriste et se paye même le luxe d’avoir su attirer plus de monde dans les salles coréennes (7,4 millions de spectateurs), que les trois gros blockbusters attendus de la rentrée réunis, My way, Front Line et Sector 7.

Suite du programme avec Hard Romanticker, adaptation du premier roman semi-autobiographique de l’auteur et réalisateur Gu Syeonon après son précédent Worst by chance (2003). Un film, que j’avais pu découvrir en avant-première en 2011 pour une éventuelle sélection à un festival, que j’avais bien aimé, mais qui ne tient absolument pas une seconde vision – à moins, que ce soit le baptême du feu sur le grand écran ou mon humeur versatile du moment. Toujours est-il, que le personnage principal, Gu, une petite frappe d’origine coréenne, qui passe son temps à glander et à se battre finit par ressembler à l’un de ces personnages incroyablement stéréotypés du film de yakuzas japonais, où le scénariste exige de son public de finalement s’attacher à un homme sans foi, ni loi et qui entraîne les autres dans son propre malheur. Sauf que mis à part sa « cool attitude » (cheveux oxydés) et bonnes poses, pas grand-chose à laquelle se raccrocher dans le personnage honorablement interprété par Matsuda Shoda, fils de Yusaku (le fameux acteur japonais de Black Rain de Ridley Scott). Un film, que l’on peut raisonnablement penser produit dans la foulée des succès de Crows Zero de Miike, Drop de Shinagawa Hiroshi et Break Through d’Izutsu Kazuyuki, auxquels le film n’arrive finalement pas à la cheville et encore moins des célèbres modèles de « jeunes révoltés bagarreurs » du cinéma japonais des années 1960 et 1970.

Une chose est tout de même sûre : la fête ne fait que commencer – et on va les leur régler, les comptes à tous les films de la sélection.

Bastian Meiresonne.

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