Alors que la France reçoit M. Hu Jintao, le Président de la République de Chine Populaire, retour sur le dernier film de Lou Ye, Nuits d’ivresse printanière, toujours interdit de séjour dans son pays.
A Nankin, dans la chine d’aujourd’hui, la femme de Wang Ping paye Luo Haitao pour épier son mari qui s’est entiché d’un autre homme (Jian Cheng). Passées la jalousie et l’explosion des couples, la suite est surprenante. D’une relation cachée et défendue en nait une autre, moins par mimétisme que par passion, cette fois entre Luo Haitao, son amie Li Jing et le fameux Jian Cheng. Il en résulte les soubresauts de la jouissance et le lyrisme douloureux propres à toute aventure interdite…
Malgré quelques longueurs et une narration qui perdra des spectateurs au long de sa trame, le film porte en lui son essence – l’idée que l’instinct d’amour doit se vivre quoiqu’il en coûte – et la transmet comme un secret susurré à l’oreille. La photographie cadre parfaitement ses protagonistes, les scènes enchaînées vives ou contemplatives qui s’entremêlent avec une gravité semi-documentaire, portent en elles l’empreinte de sentiments puissants inavouables. Ainsi, lorsque « le méandre des lotus sur l’étang est submergé par les feuilles », les images sont plus loquaces que les mots, les corps silencieux ne désirent plus s’expliquer. Déjà, « le temps de l’efflorescence touche bientôt à sa fin ». Car ces rapports sont condamnés d’emblée. A l’écart des yeux ou en plein public, le triolisme se vit souvent mal à terme en interne. En un terme, il est mort-né. Ce qui importe n’est pas la fin du voyage, c’est le voyage lui-même. Touchant à l’intime et à l’universel ; aux amours errantes et aux tabous, Nuits d’ivresse printanière parle avec poésie de l’amour troublant qui fait gémir et pleurer.
Tourné à l’insu des autorités chinoises dans une totale discrétion, le film n’échappe pas au sort des précédents, tous happés par la censure car sujets à controverse. Prix du scénario au Festival de Cannes 2009, l’auteur ne manifeste pas de dessein revendicatif direct (c’est d’ailleurs sa force), il souhaite simplement s’exprimer librement. Il est dès lors primordial, au regard de sa démarche, de son talent et de son courage, que Lou Ye soit diffusé et soutenu par le monde du cinéma occidental et asiatique. Au même titre que Jia Zhang-ke à ses débuts ou Wang Bing, il fait parti des artistes contribuant à faire évoluer les consciences autour d’eux par les thématiques qu’ils mettent en scène et les réflexions qu’elles suscitent. Un cinéma profondément humain épris de modernité, une invitation à la tolérance.
Dorian Sa.
Verdict :
Nuits d’ivresse printanière est disponible en DVD édité par France Télévisions depuis le 22/09/2010.