Enter the Void de Gaspar Noé (DVD)

Posté le 1 novembre 2010 par

En attendant la sortie événementielle du “film trip” de Gaspar Noé en DVD et Blu-Ray chez Wild Side le premier décembre, retour sur Enter the Void !

Noé a enfin bâti son arche cinématographique : Enter the Void, décoiffante expérience sensorielle censée relier – par la seule grâce de sa croyance jusqu’au-boutiste dans les images – le passé et le présent, le réel et le fantasme, la vie et la mort. Autant film sur un trip que trip sur un film impossible, Enter the Void laisse sceptique et fasciné.

Ça commence par une éjaculation et ça finit par un hurlement. Mais l’éjaculation est purement formelle (avec décharge cinétique de sons et lumières : Enter). Et le hurlement provient d’un accouchement (The Void). Bref, tout un programme (Enter the Void). Qui laisse perplexe. Car sa matrice peut être résumée ainsi : un éjaculateur précoce, de surcroît fétichiste de la caméra, voyeur compulsif et ado attardé, s’embourbe dans un mélodrame métaphysique. Situation saugrenue, irritante, à la base d’un spectaculaire film-trip.

Or, que couvre cette étiquette un peu floue de film-trip, brandie comme un Graal ou un alibi ? « Trip » évoque d’abord un voyage. Une échappée hors de soi et du moule des habitudes. Une émancipation de toutes les contraintes – morales, sociales, physiques. Jusqu’à échapper à son corps et naviguer sur l’océan d’une perception nouvelle. D’où délires et transes (avec résurgences religieuses, Bach étant de la B.O.). En tant que stimulants sensoriels, la drogue, le sexe et le cinéma s’avèrent propices à ces états seconds : guère étonnant qu’ils fondent Enter the Void, assimilable à une quintessence de film-trip à la fois par son sujet (les visions après-vie d’un toxico) et par son traitement radical (vision subjective, efflorescences fractales et psychédéliques, distorsions de l’espace et du temps).

Enter the Void présente donc le mérite essentiel d’une mise en scène en totale cohérence avec son propos. Au point que ce film sur un trip est lui-même un trip, une expérience « limite » d’images et de sons qui s’affranchit – comme Oscar de son corps – des critères de rythme, d’élégance et de bon goût fondant le contrat tacite conclu par l’immense majorité des cinéastes avec leur public. Comme s’il y avait chez Noé une peur d’être aimé, et trop d’orgueil crispé pour raisonner autrement qu’en termes de « tout à prendre ou à laisser ».

Dès lors, il semble que si le film bégaie, rabâche jusqu’à l’exaspération ou au vertige les mêmes effets, c’est moins sous l’effet d’une arrogance autiste que d’une candeur, d’un désarroi angoissé, liés à un repli adolescent sur soi (repli menant Oscar à un quasi-inceste, et Noé à une rumination de ses propres obsessions). D’où la troublante sensation d’une fragilité fondamentale du film. D’où, aussi, une émotion bizarre, catalysée par la plastique des images. Rarement à l’écran les chatoiements colorés de la nuit ont atteint une saturation si proche de l’extase. Cette ivresse sensorielle fait décoller le film, le livre à ses pulsations les plus désemparées et l’irrigue d’une grâce élégiaque, là où ses carences narratives et intellectuelles auraient dû lui être fatales. Enter the Void est sans conteste un mauvais trip, boursouflé, complaisant, amoral, mais c’est aussi, à sa manière singulière et ingénue, un beau film.

Antoine Benderitter.

Verdict :

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