Les Petits Canards de papier

Petit Black Movie – Les petits canards de papier de Yu Zheguang : Contes cruels de l’enfance

Posté le 18 janvier 2014 par

Les petits canards de papier, film d’animation chinois de 1961, sorti en salles le 6 novembre revient dans des séances pour le jeune public au Black Movie Festival.

C’est en 1950 que l’animation devient une priorité pour le parti qui injecte beaucoup de moyens dans la production. Dix ans plus tard, la taille en employés est comparable à celle des studios Disney. La technique de travail n’est toutefois pas du tout la même. Quand le studio américain s’inspire de l’art pictural européen et des contes scandinaves, les Studios Shanghai ne dépassent pas les frontières et trouvent leur inspiration dans les arts traditionnels. Yu Zheguang est de cette école. C’est lui qui réalise pour la première fois les films de « papier plié », qui est utilisé dans ce dessin animé arrivant sur nos écrans. Artisan rodé, il parvient à donner vie à ces personnages de papier avec beaucoup de talent.

Les Petits Canards de papier

La technique est assez étonnante. À l’instar d’Henry Selick (L’étrange Noël de Monsieur Jack) ou de Tim Burton (avec Les noces funèbres), Yu Zheguang et son équipe (dont You Lei, spécialiste du mouvement des personnages de papier) réussissent un travail artisanal admirable. Tout est réglé avec minutie et même si parfois les artifices deviennent bien trop voyants, cela n’empêche pas d’avoir un rendu assez impressionnant. Les heures de travail pour réaliser un film de moins de 40 minutes forcent le respect. D’ailleurs le savoir-faire semble tout aussi important que l’histoire elle-même pour les studios. Avant chaque film, les animaux apparaissent dépliés. Yu Zheguang montre l’artifice. Et soudain, le papier prend vie. Le procédé se transforme en démonstration de force.

Le film est découpé en 3 courts-métrages, chacun mettant en scène des animaux dans des fables au déroulement assez surprenant pour nos yeux d’Occidentaux. Il y a d’abord ce procédé d’animation de personnages de papier dans des décors peints à la main, qui crée une sensation de malaise étrange. Les petits canards marchent au pas, de façon presque robotique, les mouvements bien que reproduits avec talent, donnent l’impression que tout ne fonctionne pas très bien dans ce petit monde idyllique. Dans les trois histoires, on observe un contraste flagrant entre la joyeuse musique de fond, les couleurs à profusion et la noirceur de l’histoire. On peut être surpris de voir une bande de gentils petits canards se mettre à plusieurs pour noyer un renard qui voulait les manger. Les contes sont bien sûr souvent très cruels et même violents, mais couplé avec ce procédé de feuille de papier, l’effet est des plus étrange, rendant mal à l’aise au possible.

Lesles Petits Canards de papier

Les petits canards de papier raconte trois histoires d’enfant pris dans des situations dangereuses ou des dilemmes moraux cornéliens. Ce qui en ressort, c’est cette cruauté de tous les instants qui contraste beaucoup avec la « magie » américaine de la même époque. La naïveté a ses limites, et il y a une dureté assez incroyable dans ses trois courts. On y parle des réalités de la vie, des dangers du quotidien assez frontalement. La mort rôde.

Quand on parle d’un dessin animé (chinois), difficile de faire l’impasse sur les éléments de propagande.  Ici, le soleil n’est pas jaune, il brille d’un éclat rouge, a le sourire aux lèvres et le regard bienveillant. On s’y réchauffe, et on le guette comme un sauveur. On prône des valeurs toutes communistes. L’individualité ne peut rien face à la force du groupe (le renard qui se fait tuer par les canards), le paysan qui travaille la terre est sage, fort et respecté (Papy-chou, personnage du troisième segment). Même si les éléments de propagande prêtent parfois à sourire, ils n’en demeurent pas moins très efficaces.

C’est donc un film assez précieux historiquement que nous fait découvrir KMBO Distribution avec ces petits canards de papier, contes cruels de l’enfance et objets de propagande fascinants.

Jérémy Coifman.

Les petits canards de papier de Yu Zheguang. Chine. 1961. projeté à l’occasion du Black Movie Festival.

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