Critique de Modus Anomali de Joko Anwar (le 15/05/2013 au cinéma)

Posté le 25 mai 2013 par

Un film d’horreur indonésien, qui fait une sortie confidentielle dans les salles obscures françaises après avoir erré dans les festivals, voilà qui ne pouvait que nous attirer. Sur le papier, Modus Anomali a tout du survival sec, tendu et brutal. Que vaut-il donc véritablement ? Par Yannik Vanesse.

Modus-Anomali

Joko Anwar est un réalisateur qui n’en est pas à son coup d’essai. Il est tout autant scénariste qu’acteur mais, s’il s’occupe de l’histoire de ce Modus Anomali, il laisse sa place devant la caméra à Rio Dewanto. Ce dernier incarne donc ce père de famille qui se réveille au milieu des bois, enterré vivant. Evitant toute exposition, ce métrage plonge immédiatement le spectateur dans l’action, voulant le forcer à se poser les mêmes questions que son personnage principal. C’est une excellente idée, qui aurait pu emmener très loin ceux qui assistent à ce spectacle, les interpeller au plus haut point. Hélas, dès le départ, le spectateur sent que quelque chose cloche. Bien qu’enterré vivant, John Evans (le héros) est très propre – pas de terre dans les cheveux ; de plus, commençant à appeler les secours, il raccroche en découvrant qu’il ne se rappelle pas son nom pour courir sans but dans les bois – et il ne cherchera jamais à retrouver ce téléphone plus tard. Il entre dans une petite maison et, ne voyant pas le cadavre au milieu de la pièce, il découvre la caméra qui ne demande qu’à être visionnée. Il y voit avec horreur le meurtre de sa femme et l’enlèvement de ses enfants et s’enfuit de nouveau.

Nous avons pourtant envie d’aimer ce film, malgré ses incohérences hallucinantes. Essayant de faire abstraction des grosses cordes faisant rebondir l’intrigue, nous espérons un thriller sec et sanglant. Il y a bien du sang dans Modus Anomali, et quelques scènes sadiques attirent de nouveau l’oeil. Mais chaque idée sympathique de réalisation est gâchée par l’histoire, jamais crédible. Quand John se cache dans une malle pour échapper à ses poursuivants, la caméra nous y enferme avec lui. Bien que ce genre d’idées a déjà été exploitée, elle est toujours efficace et quand le héros découvre que son agresseur a mis le feu à la cabane où il est caché, un regain d’intérêt surgit. Et là, notre héros creuse à mains nues un tunnel sous la cabane pour sortir… Quand le personnage décide de se rebeller, il truffe la forêt de pièges, faisant passer Rambo pour un scout débutant, et autant éviter d’évoquer la manière dont il retrouve sa famille, qui fait verser le film dans un second ou un troisième degré des plus embarrassant.

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Quand le scénario ne rebondit pas n’importe comment, notre héros court en criant dans les bois, se tape la tête contre un arbre, et finalement il ne se passe vraiment pas grand chose. L’heure vingt-sept de ce film s’étire ainsi en un très très long calvaire. Il n’est certes pas aisé de faire une histoire tendue dans un lieu unique – ici une forêt et deux cabanes – avec pendant la plupart de la durée du métrage un seul personnage à l’écran, et très peu de dialogues. Modus Anomali, avec une durée de court métrage, aurait pu être tendu à défaut d’être crédible, mais en l’état, il n’est qu’un long supplice pour le spectateur, d’un genre différent de celui voulu par Joko Anwar. Dommage, car Rio Dewanto est plutôt bon dans le rôle, réussissant à faire passer les différentes émotions de son personnage mais, comme rien de l’histoire ne tient debout, il est très difficile de ressentir l’empathie indispensable pour son personnage.

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De même, la volonté du réalisateur d’éviter le survival classique en réservant un twist à son histoire est louable, mais le dit retournement de situation final est indigne du plus abradadabrant des Saw, terminant hélas de faire plonger le métrage dans le ridicule.

Yannik Vanesse

Verdict : Modus Anomali, avec une durée de court métrage et une meilleure écriture, aurait pu être un survival tendu et malin. En l’état, hélas, son réalisateur a voulu surprendre son spectateur, mais n’est parvenu qu’à l’éloigner de son film, la faute à un scénario qui ne tient jamais debout et à un ennui qui ne nous quitte jamais.

Sayonara

Modus Anomali, de Joko Anwar, est projeté au cinéma depuis le 15 mai 2013

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