The Housemaid de Im Sang-soo (DVD)

Posté le 28 janvier 2011 par

Après La Servante de Kim Ki-young (1960), Im Sang-Soo et sa femme de chambre remettent le couvert en 2010 avec The Housemaid. Depuis l’excellente analyse de notre rédacteur en chef, le film nous est revenu en DVD et Blu-Ray, de quoi mettre un dernier coup de plumeau sur la critique… par Dorian Sa.


L’égo des Go

Dans les montagnes de Séoul, un couple de la haute bourgeoisie vit dans l’ostentation d’autrefois. Une maison sublime, des œuvres d’art, des airs d’Opéra, une gouvernante installée, une servante interchangeable. Le tableau est parfait. Jeunesse, beauté, richesse. Et pour pimenter les loisirs ou asseoir l’égo, rien de mieux qu’exercer son pouvoir de manipulation sur le petit personnel. Euny la bonne, est bonne à tout faire, même l’amour. On l’utilise comme une distraction humaine destinée à être humiliée sans représailles. Dans cette Corée graphie, le bal des irrévérences pourrait bien la pousser par derrière et la faire trébucher dans le vide. Allez savoir de quoi les Go sont capables pour y arriver…

La lutte des classes

Dans un monde où l’argent à vocation à résoudre les affronts comme tout autres problèmes, certains ne supportent pas qu’on mette un frein à leurs envies les plus folles car cela signifie qu’ils ont tous les droits. Pour ces personnes, les repères du bien et du mal ont été oubliés, ou jamais suent qu’importe, la morale est si encombrante qu’on la supprime. Si les apparences sont préservées la bienséance est sauve. Pour le reste, ces vils héros confondent arrogance et élégance. S’ils se permettent de tout se permettre avec un snobisme désabusé, le fait que cela puisse révolter le commun des mortels les effleure à peine.
Dans le même temps malheureusement, c’est toute une génération de pauvres coréens qui est fascinée par ce mode de vie désinvolte. Nous avons donc la jalousie des basses classes d’un côté et le dédain des rupins de l’autre. Dans ce contexte, Euny la belle bonne aimerait tant connaître ce fruit défendu qui la fait saliver depuis le berceau. Croquer la pomme, vous vous dites. Touché ! Il est vrai que c’est divin aux premiers sens. Aux seconds, ça l’est sans doute déjà un peu moins, puis vient l’amertume, mais trop tard. On éprouve de la compassion pour Euny, si innocente qu’elle croyait pouvoir faire partie de cette engeance en se prostituant une à deux fois avec le Maître de maison. Les âmes compatissantes objecteront qu’elle n’avait pas le choix, mais ce serait abdiquer, et cette idée nous est insupportable. Quoiqu’il en soit, Euny n’est pas née avec une cuiller d’argent dans la bouche mais plutôt avec un torchon dans la main, et tous ses efforts pour l’oublier n’y peuvent rien changer…

The Housemaid

Quand Im Sang-Soo nous met sans dessus dessous

Im Sang-Soo nous met dès le départ sous tension croissante. Il y a d’abord les décharges érotiques provoquées par les tenues échancrées et les postures sexy d’Euny. Viennent ensuite ses ébats clandestins avec Hoon (le vicieux père de famille), qui réalise au passage un fantasme de domination masculine aussi cliché que celui de la secrétaire. La dissimulation de l’adultère devient alors un secret trop lourd à porter seul. Les complications qui s’en suivent sèment la zizanie, chacun souhaite se venger du voisin et surtout de la voisine. Dès lors, chaque réplique est une gifle portée à Euny, tandis que ses bourreaux n’y voient là qu’une gigantesque farce.
La conclusion du film est donc décalée et laisse le spectateur dans le flou. Mais on ne s’attache pas trop à ce détail tant la photographie est brillante, le cadrage fin et les décors très cossus. Les prises de vues originales en contreplongée ont parfois l’audace de nous faire sourciller et les quelques distorsions du panorama nous donnent l’impression d’avoir été enfermé dans un aquarium, pris au piège et désarmés.
L’intelligence de Im Sang-Soo est ici de varier les tons, tantôt sérieux tantôt second degrés, pour brouiller les pistes du spectateur et pousser le suspense à son comble. On s’attendait à une histoire de sexe et de tromperie classique, mais non. On pressentait une bifurcation plus pointue vers le triolisme où le fétichisme et son euphorie débridée. Non plus. On s’aperçoit soudain qu’une autre histoire a commencé, une mise à mort peu scrupuleuse dont Euny va faire les frais. Une fois balayée, elle sera remplacée sur le champ, sans regret. Im Sang-Soo nous a sympathiquement mené en bateau et on éprouve un certain plaisir à s’être laissé prendre.

The_housemaid

 

Les bonus

Parmi les Bêtisiers et autres Coulisses du film montrés en exclusivité à grands renforts de cascades truquées, il est assez cocasse de constater pendant les entrevues, à quel point les comédiens se défaussent tous d’avoir été si méchants dans leur rôle. Comme si nous n’étions pas en mesure de prendre la distance nécessaire pour séparer la fiction du réel. Alors voilà, ils s’excusent platement bien que le film ne les implique pas personnellement. Ils ajoutent avoir beaucoup réfléchi avant d’accepter leur participation à l’histoire, de peur que leur notoriété en prenne un coup et que les conséquences du tournage nuisent à leur carrière. Heureusement pour nous, ils ont finalement signé. Et vu leur talent, on n’a aucun souci à se faire pour leur futur. On remarquera évidemment Do-Yeon Jeon (prix d’interprétation féminine à cannes 2007 pour Secret Sunshine de Lee Chang-Dong) qui incarne dans The Housemaid l’ingénue Euny (protagoniste insaisissable et imprévisible). On notera également la présence de Byung-Sik, la vielle gouvernante aigre-douce qui jouait déjà en son temps dans la version originelle de Kim Ki-Young.

Pour ce qui est du making of à l’américaine, il est plutôt efficace et intéressant, même s’il réutilise parfois les extraits insérés pendant les interviews. D’autres détails ont évidemment attirés notre attention, mais on restera assez fair play pour ne pas trop vous dénouer les ficelles des coulisses…

Dorian SA.

VERDICT :

Édité en DVD et Blu-Ray depuis le 28 janvier 2011. Distribution: Pretty Pictures.

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